samedi 29 septembre 2018

Huit et dix ans de prison pour deux "revenants" du jihad

Un père et son fils étaient jugés pour avoir séjourner en Syrie 18 mois. Intégrés dans les rangs de Daesh, le père occupait un haut poste dans la hiérarchie du groupe terroriste. 

Huit et dix ans de prison pour deux "revenants" du jihad

Les deux hommes se sont défendus d'être des jihadistes et ont expliqué avoir mis leurs compétences au service de l'organisation afin de sauver leur vie.



"Vous êtes sérieux? Vous êtes en train de me dire que vous êtes entrés en Syrie sur invitation?" L'agacement de la présidente de la 16e chambre du tribunal correctionnelle de Paris avait éclaté face aux arguments déconcertants apportés par Lofti S.. Cet homme de 50 ans a été condamné ce vendredi à dix ans de prison pour avoir séjourner pendant 18 mois en Syrie entre 2013 et 2015. Son fils Karim qui l'a accompagné a écopé de huit ans. Le plus jeune de ses enfants sera jugé par le tribunal pour enfants au mois d'octobre.

Le tribunal correctionnel de Paris a estimé que cette famille avait fait le choix d'un "départ sans retour", comme l'a qualifié la procureure de la République dans son réquisitoire qui réclamait 10 ans d'emprisonnement. Elle n'a pas manqué d'énumérer les préparatifs, ces recherches sur la météo en Syrie, l'achat de chaussures de randonnée ou encore les fortes sommes d'argent retirées sur différents comptes avant de rallier la Syrie en octobre 2013. Elle a également rappelé les conditions dans lesquelles les trois hommes sont rentrés "avec leurs supports informatiques et leurs téléphones". Etonnant, selon la magistrate, pour des personnes sensées fuir.

Entré en Syrie "par invitation"

Car pendant deux jours, c'est un responsable de Daesh qui a été jugé. Diplômé en informatique, et gérant d'une société de conseil et de formation avant son départ pour la Syrie, Lotfi S. a occupé un poste à responsabilités dans la hiérarchie de Daesh, où il avait en charge les questions de télécommunication. Lui réfute explique avoir menti à l'organisation terroriste sur ses compétences pour assurer sa survie et celle de ses fils. Car la version livrée par le Franco-Tunisien est celle d'un départ pour la Turquie sans velléité jihadiste. Il avait la volonté de faire revenir l'ami de son fils qui avait rejoint Daesh quelques mois avant leur départ, mais il y avait surtout, a-t-il expliqué, l'objectif d'empêcher Karim de rejoindre ce fameux ami, Anass, grand absent du procès car sensé être tombé au combat.

"La motivation de Karim pour la Syrie, c’est le déclic. C’est une méthode, c’est un travail par l’absurde", a-t-il raconté au tribunal, parlant à l'origine d'un voyage de trois jours en Turquie.

Comment ces trois jours en Turquie se sont alors transformés en 18 mois en Syrie? "J’ai accepté une invitation naïvement, a précisé Lotfi S. J’étais invité, forcé et je n’avais plus le choix. Au début c’était de l'hospitalité, et après c’était le protocole. A partir du moment où vous êtes invités chez quelqu’un vous ne ressortez pas comme ça." Pas de quoi convaincre le tribunal. Car au retour de la famille en mai 2015, des sommes "inédites" ont été saisies sur eux, 8.300 euros et 3.700 dollars, et de nombreux documents relatifs au pilotage d'avions et aux explosifs.

"Déchanter"

Des dizaines de photos de cartes d'aviation, photos des pièces d'identité de deux des auteurs des attentats du 11 septembre 2001 à New York, indications sur le pilotage d'un Boeing... Sur un ordinateur avaient aussi été découvertes des recherches de l'emplacement de la Tour Eiffel et du pont d'Iéna à Paris. Cette date de retour - en même temps que les jihadistes du 13-Novembre - et tous ces éléments ont un temps fait penser à la préparation d'un attentat en France, sans que ce dernier ait pu être matérialisé. "On a retrouvé des photos de cockpit, des plans de vols détaillés, c’est tiré d’un jeu MIcrosoft Plan Flight", a plaidé Karim, le fils, qui a scandé n'avoir "jamais combattu". La propagande venait de "CD distribués par l'EI".

Lui assure avoir "déchanter" une fois en Syrie. Son envie de partir aurait été provoqué par le départ d'Anass en mars 2013. "Le week-end on avait l’habitude de se retrouver à la gare à Ermont pour planifier ce qu’on allait faire, a-t-il raconté lors de la première journée d'audience. On avait l’habitude de prendre le premier train qui partait et on planifiait. C’est là qu’il m’a dit qu’il partait en Syrie." Karim, 23 ans, a évoqué son envie, à l'époque, de s'installer en Syrie. "J’ai regardé malheureusement des vidéos sur internet, j’ai eu de l’empathie", a-t-il tenté de convaincre. "Vous n’êtes pas le premier à passer devant ce tribunal", lui a rétorqué la présidente du tribunal habituée à cet argument largement utilisé par les "revenants" du jihad.

BFM TV




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