jeudi 20 mars 2014

Ensisheim - Le directeur, le surveillant et la page Facebook raciste

Resté muet jusque-là, un surveillant de la maison centrale d’Ensisheim, condamné pour prise du nom d’un tiers et provocation raciste, s’est exprimé pour la première fois lors de son procès en appel.
 
Devant les gendarmes et le tribunal correctionnel de Colmar, le surveillant pénitentiaire, âgé de 41 ans et actuellement suspendu, avait gardé le silence. Mais à la mi-février, il était bien présent à la cour d’appel pour s’expliquer. Le 5 juillet 2013, le quadragénaire a été condamné à trois mois de prison avec sursis et 1 500 € d’amende pour prise du nom d’un tiers et provocation raciste.

En novembre 2012, un de ses supérieurs hiérarchiques avait découvert une troublante page Facebook : ouvert sous un nom ressemblant très fortement à celui du directeur de la centrale d’Ensisheim (seules deux lettres avaient été inversées), le profil affichait des images prônant la haine raciale, comme « White power » ou le slogan de l’apartheid. L’enquête menée en interne a conclu que le créateur de la page était le surveillant de 41 ans, qui avait déjà eu maille à partir avec la direction : en février 2011, il avait fait l’objet d’une procédure disciplinaire pour avoir détruit la poubelle d’un détenu d’origine maghrébine. Une perquisition à son domicile et l’enquête de gendarmerie avait permis d’établir qu’il avait « une attirance pour les idées d’extrême-droite ».

Mi-février, lors de l’audience devant la chambre correctionnelle de la cour d’appel, il s’est expliqué pour la première fois. S’il a reconnu avoir créé la page, il nie son « caractère public ». « Il fallait être ami avec moi pour voir les photos » , dit-il. Quand le président lui demande pourquoi il a emprunté ce nom qui prête à confusion, il répond : « Il n’y a pas de raison particulière. » « Mais vous auriez pu choisir n’importe quel autre pseudo ? » , lui oppose le magistrat. « J’aurais dû… » , reconnaît-il.

« Un souci de nuire »

Que ce soit pour l’avocat du directeur de la centrale d’Ensisheim, qui s’est constitué partie civile, ou pour l’avocat général, la culpabilité du surveillant doit être confirmée. Dans son réquisitoire, l’avocat général s’est attaqué aux problèmes soulevés dans les conclusions écrites de l’avocat de la défense. Détaillant notamment ce qui relève du public et du privé sur Facebook, le magistrat a déclaré : « C’est bien une communication au public qu’il y a eu en l’espèce. » Pour l’utilisation d’un nom aux lettres inversées, il a estimé qu’il y avait « un souci de nuire au chef d’établissement ». À cause de cette page Facebook, « le directeur aurait pu être inquiété d’une manière ou d’une autre ».

Faux, juge Me Vincent Demory, avocat de la défense. « Il n’y avait aucun risque pénal pour le directeur » , assure le conseil. Et de reprendre les éléments du dossier : ce n’est pas le même patronyme, même s’il ressemble à celui du directeur. « Sur cette page, vous ne trouverez aucun élément permettant de l’identifier, que ce soit une référence au milieu socioprofessionnel ou une photo le représentant » , ajoute-t-il. Revenant sur la frontière public-privé, Me Demory a assuré que la page – et donc les photos qui y étaient publiées – n’était pas publique : « La sollicitation d’être amis avec ce profil faisait rentrer les autres personnes dans un réseau privé virtuel. »

La cour d’appel, qui a rendu son arrêt mardi, a confirmé la culpabilité du surveillant pour la provocation raciste, mais l’a relaxé pour la prise du nom d’un tiers. Il a été condamné à trois mois de prison avec sursis.

L'Alsace

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