Le faux docteur Romand pourrait sortir de prison !

Incarcéré pour avoir tué sa femme, ses deux enfants et ses parents, Jean-Claude Romand a accompli ses vingt-deux années de sûreté. Il est libérable.  

 

 

En janvier 1993, le drame avait bouleversé la France. Jean-Claude Romand, 39 ans, qui se faisait passer pour un brillant chercheur à l'OMS (Organisation mondiale de la santé) à Genève, assassine sauvagement toute sa famille. D'abord son épouse, Florence, à coups de rouleau à pâtisserie. Puis ses deux enfants, Caroline, 7 ans, et Antoine, 5 ans, avec une carabine 22 Long Rifle, dans leur ferme restaurée de Prévessin-Moëns, un petit village de l'Ain, à la frontière franco-suisse.

Le soir, il regarde tranquillement la télévision, à côté des cadavres. Le lendemain matin, Jean-Claude Romand part déjeuner avec ses parents à Clairvaux-les-Lacs dans le Jura. Après le repas, il les exécute, ainsi que leur chien. Puis il se rend à Paris retrouver son ancienne maîtresse. Il l'entraîne dans la forêt de Fontainebleau et tente de la tuer. Mais ému par les larmes de la jeune femme, il renonce à l'éliminer. Retour à Prévessin-Moëns. Le faux médecin repasse une journée entière à son domicile. Pendant la nuit, il absorbe des barbituriques et met le feu à la maison. Les pompiers le sauvent de justesse.

L'affaire inspire un film, L'Adversaire

Bref, une sordide affaire, d'autant que les enquêteurs découvrent dès le lendemain que Jean-Claude Romand n'a jamais travaillé à l'OMS. Pire encore, il n'est même pas médecin. Il a arrêté ses études en deuxième année à la faculté de Lyon et s'est réinscrit pendant douze ans, sans jamais passer d'examens.

En 1996, il est condamné par la cour d'assises de Bourg-en-Bresse à la prison à perpétuité, assortie d'une peine de sûreté de 22 ans. Jean-Claude Romand est donc "potentiellement libérable", annonce  Le Progrès  qui a fait sa une sur "Docteur Romand et Mister Jean-Claude". L'homme est actuellement incarcéré à la prison de Saint-Maur (Indre).

Cette invraisemblable histoire a inspiré un roman, L'Adversaire, d'Emmanuel Carrère, et surtout un film du même nom, sorti en 2002, réalisé par Nicole Garcia, avec Daniel Auteuil. Jean-Claude Romand, invraisemblable mythomane, aurait vécu, du début des années 1980 à 1993, en empruntant de l'argent à sa famille. Alors qu'il prétendait assister à des congrès internationaux de médecine au Japon et aux États-Unis, il s'ennuyait des journées entières sur des parkings d'autoroute près du lac Léman !

Inconnu à l'OMS

Daniel Auteuil est très convaincant dans son rôle. Sauf que le scénario ne tient pas la route. En effet, Prévessin-Moëns est à quelques centaines de mètres de la frontière, et donc à côté du siège de l'OMS. À l'époque, le téléphone portable n'était pas un objet courant. Comment imaginer que ni sa femme (diplômée de pharmacie) ni l'un de ses parents ou de ses amis n'aient jamais pensé à lui téléphoner à l'OMS ? On leur aurait immédiatement répondu que le nom de Romand y était inconnu. C'est la réponse reçue par les gendarmes et les journalistes dès le lendemain du drame...

Ensuite, des milliers de fonctionnaires internationaux, travaillant notamment à l'OMS, habitent dans le pays de Gex. Prévessin-Moëns est juste à côté de la petite ville de Ferney-Voltaire. Pourquoi les enfants de Jean-Claude Romand n'étaient-ils jamais invités aux arbres de Noël de l'Organisation mondiale de la santé, comme leurs petits voisins ? Enfin, selon la version officielle, le faux médecin aurait mené grand train en... empruntant de l'argent à sa famille. Si un cousin généreux peut vous prêter une fois, deux fois ou trois fois ses économies, il ne manquera pas de se poser des questions et de vous les réclamer au bout de dix ans !

Romand ne soignait pas ses enfants

Réussit-on à rouler aussi longtemps sa marraine ou son beau-père ? D'autant que Jean-Claude Romand est issu d'un milieu plutôt modeste. Son père était garde forestier, sa mère ne travaillait pas. Enfin, selon la légende, il était brillantissime, épatant même les autres médecins. Or, ce n'est absolument pas le souvenir qu'il laisse. En effet, dans une interview accordée en 1994, Jean-Claude Reboullet, maire de Clairvaux-les-Lacs, le village de ses parents, et médecin à la retraite, s'était étonné que Jean-Claude Romand ne soignait même pas ses deux enfants ! Comment son épouse, vraie pharmacienne, ne s'est-elle rendu compte de rien ?

À l'époque, la presse suisse avait...

 

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