mardi 7 janvier 2014

45.000 euros d’indemnisation pour un Nancéien emprisonné cinq mois par erreur

La cour d’appel de Paris a accordé des dommages et intérêts à un Nancéien de 40 ans emprisonné par erreur pendant plus de cinq mois pour être l’homonyme d’un violeur d’enfants.
 
Mohamed Camara et son avocat M e Frédéric Berna. Photo d’archives  Patrice SAUCOURT
 
La cour d’appel de Paris a accordé hier 45.000 euros de dommages et intérêts à un homme de 40 ans emprisonné par erreur pendant plus de cinq mois pour être l’homonyme d’un violeur d’enfants condamné par contumace, a-t-on appris auprès de son avocat à Nancy.

L’agent judiciaire de l’Etat, chargé de proposer une indemnisation, avait reconnu un « choc carcéral important », mais suggéré de n’octroyer que 12.000 euros. L’incarcéré à tort, Mohamed Camara, réclamait 180.000 euros.

« Nous sommes satisfaits car sur le plan juridique c’est un première : n’étant que l’homonyme du condamné, l’homme ne pouvait théoriquement prétendre à une indemnisation, car la loi ne prévoit officiellement de dédommagement qu’en cas de relaxe, d’acquittement ou de non-lieu », s’est réjoui auprès l’avocat de Mohamed Camara, Me Frédéric Berna.

Le calvaire de M. Camara, qui réside aujourd’hui à Nancy, avait commencé en juillet 2001 dans un train Paris-Bruxelles, lorsqu’il s’était fait arrêter en vertu d’un mandat d’arrêt international délivré contre son homonyme condamné à 20 ans de réclusion criminelle par contumace en 2001 par la cour d’assises de Paris.

Les deux hommes, outre porter les mêmes prénom et nom, ont la particularité d’être tous deux nés au même endroit, à Conakry (Guinée), et la même année, en 1973.

L’innocent avait passé trois mois à la prison Saint-Gilles de Bruxelles avant d’être extradé vers la France, où il a passé deux autres mois de détention à la prison parisienne de la Santé.

« Il a finalement été libéré le 31 décembre 2001 – contre l’avis du parquet- car les victimes et la famille du condamné ne le reconnaissaient pas », a expliqué Me Berna.

Une nouvelle interpellation par erreur

Le procureur général de cour d’appel de Paris avait ensuite admis que la décision de remise en liberté, « bien qu’elle ne soit ni un non-lieu, ni une relaxe, ni un acquittement », devait entraîner réparation, « l’esprit du texte devant l’emporter sur sa lettre ».

Après son incarcération, M. Camara a développé des troubles psychiatriques, l’obligeant à arrêter ses études à l’université de Nantes, où il poursuivait un deuxième cycle en sciences humaines.

En 2012, il avait à nouveau été interpellé à Thionville (Moselle), puis placé en garde à vue toujours en vertu du même mandat d’arrêt européen, avant que la méprise soit reconnue par les policiers.
Dans sa décision rendue lundi, la première présidence de la cour d’appel de Paris lui a accordé 30.000 euros au titre du préjudice moral, et 15.000 euros de préjudice économique, soit quatre fois plus que ce que l’Etat proposait, mais quatre fois moins que ce M. Camara réclamait. Son avocat a indiqué qu’il n’excluait pas d’interjeter appel de la décision devant une commission spéciale de la Cour de cassation.

« Au-delà du cas de M. Camara, nous voulons dénoncer le fait que la Justice française indemnise très mal les victimes de ses erreurs. On demande aux juges de la sévérité, pourquoi pas, mais qu’ils assument. Aux Etats-Unis, on parlerait de millions de dollars », a fait valoir Me Berna.

En France, Christine Villemin détient le record relatif d’indemnisation d’une détention indue, après avoir touché 410.000 francs (62.500 euros) pour ses 11 jours de détention provisoire en juillet 1985, dans le cadre de l’affaire de l’assassinat de son fils Grégory.

Patrick Dils, condamné pour un double meurtre d’enfants en 1989 avant d’être acquitté en révision, détient le record absolu, avec un million d’euros pour 15 années d’incarcération.

Est Républicain

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...