vendredi 25 avril 2014

Christiane Taubira : "Si je veux m'en aller, je le dirais au président de la République"

La ministre de la justice assure que, pour le moment, elle n'a pas l'intention de quitter le gouvernement après la mise en place de la réforme pénale.        
 
Ce matin à 8h20, Europe 1 recevait Christiane Taubira, ministre de la Justice, Garde des Sceaux.
Ses principales déclarations :

A propos des 4 policiers accusés d'un viol au 36 Quai des Orfèvres ? Vous avez des informations sur l'évolution des choses ?

"Non, je n'ai pas à en avoir... Ce que je peux dire, c'est que le viol est un crime grave, nous avons pris des dispositions pour protéger les femmes victimes de viol... Ceci étant, ces policiers, comme toute personne mise en cause, sont présumés innocents, la procédure suit son cours. S'il est établi qu'ils sont auteurs des faits, évidemment la justice sévira."

Même s'ils n'avaient pas à emmener quelqu'un dans les locaux, c'est déjà une faute ?

"Si c'est une faute, c'est une faute à caractère administratif. Il revient à leur administration, donc au ministère de l'Intérieur, d'en juger. Pour le reste, s'ils ont commis un crime, les choses seront clarifiées, les décisions seront prises. Je répète avec insistance qu'ils sont présumés innocents."
Manuel Valls sera au Vatican dimanche. Jean-Luc Mélenchon est choqué : est-ce la place du Premier ministre français d'être là-bas ?

"Il se trouve que la France a des relations avec le Vatican : le Vatican est un Etat en tant que tel, qui siège à l'ONU même s'il siège en tant qu'Etat observateur. Ce sont des relations qui sont établies, qui existent depuis très longtemps. Le Premier ministre accomplit ces démarches au titre d'un Etat laïc. Nous avons connu dans un passé assez récent des propos tenus par un chef d'Etat, en l'occurrence l'ancien Président de la République, qui a tenu des propos extrêmement inquiétants : il ne s'est pas positionné, lorsqu'il était en sa qualité d'évêque de Latran, il ne s'est pas positionné comme le chef d'un Etat laïc. Il a fait des déclarations en disant que jamais l'instituteur ne pourra remplacer le prêtre... Il n'y a pas de risque que Manuel Valls tienne des propos de cette nature."

A la maison d'arrêt de Villeneuve-lès-Maguelone, la situation des mineurs pose problème, avec des violences lors des promenades. Le contrôleur général des prisons s'en est ému. Visiblement les gardiens n'interviennent pas dans ces cours. Il a dit avoir déjà alerté sur ce problème. Les cours de promenade sont dangereuses : c'est acceptable pour vous d'entendre ça ?

"Non, ce n'est pas acceptable. C'est pour ça que l'administration pénitentiaire avait pris un certain nombre de dispositions très rapidement, comme la modulation des heures de promenade et la réservation de certaines parties de la cour. Ce n'est absolument pas acceptable. D'autres dispositions ont été prises car nous avons malheureusement une surpopulation carcérale et nous allons ouvrir 25 places supplémentaires fin 2015 à Aix Luynes et dès juillet 2014 à Toulon - mais il ne s'agit pas d'une course à l'ouverture de places mais d'arriver à prendre en charge les mineurs pour les sortir de leurs parcours de délinquance. En tout état de cause, quand il y a une décision judiciaire et qu'il faut l'exécuter, il faut que l'administration pénitentiaire soit en capacité de l'exécuter dans des conditions correctes, respectueuses du droit : la prison est une institution républicaine, elle doit être respectueuse du droit, c'est pourquoi le contrôleur peut y entrer à volonté, les parlementaires aussi, et avec le projet de loi de protection du secret des sources des journalistes, nous allons permettre que les journalistes accompagnent les parlementaires dans les visites inopinées."

Donc ça ne va pas bien mais ça va s'arranger ?

"Ça a commencé à s'arranger puisque nous prenons d'autres dispositions ! Je ne prends pas les choses à la légère ; cette phrase le laisserait entendre. Je n'ai pas de désinvolture sur des sujets aussi difficiles : la prison est un univers clos, c'est extrêmement difficile, aussi bien pour les personnels de surveillance qui sont là toute la journée dans cet univers clos, que compte tenu de la nature de ce lieu, à savoir de contenir et retenir des personnes. Nous prenons des dispositions. Je répète : quelle est la fonction de la prison ? Ce n’est pas juste de constater qu'il y a un dysfonctionnement, il faut les corriger. Je travaille depuis 24 mois à aller plus loin !"

La réforme pénale : après de nombreux reports, le projet de loi sera débattu en juin. Avez-vous une date précise à donner ?

"Je ne connais de nombreux reports ! Je vous ai beaucoup entendu parler de report, avant même qu'il y ait une date... La première date qui a été fixée l'a été après les municipales. J'ai toujours dit que la référence aux élections municipales était désastreuse. Là, elle est programmée au mois de juin, dans le cadre de la session ordinaire et non pas extraordinaire. Je vous rappelle qu'il y a des procédures : le texte est entre les mains de l'Assemblée Nationale depuis 6 mois, le rapporteur a procédé à 300 auditions, il a produit des amendements qui seront examinés par la commission des lois et le débat aura lieu. C'est vrai : il est temps qu'il ait lieu ! Tant que nous n'entrons pas dans le contenu du texte, ce texte fait l'objet de toutes sortes de caricatures... Bien entendu, une fois que nous débattrons du contenu, les choses changeront."

Il se dit beaucoup qu'après l'adoption de cette réforme, vous quitterez le gouvernement...

"Il se dit des tas de choses sur mon compte tous les jours ! Si je devais me livrer à l'exercice de contredire les choses... En quoi ce pourrait être vrai ? Si j'avais quelque chose comme ça à annoncer, d'abord je le dirais au Président et pas à vous ! Ensuite évidemment au Premier ministre. Il reviendra à l'un d'entre eux éventuellement de vous le faire savoir... Je constate même de faux off ! Je lis, j'entends des journalistes qui prétendent que j'aurais dit en off... Il se trouve que moi je ne crois pas au off, donc je ne fais jamais de off ! Je suis au gouvernement, je le quitterais si le Président le décide, c'est sa prérogative ! Si je veux m'en aller, je le dirais au Président : nous sommes dans une République et une démocratie, je suis respectueuse des règles même si je constate tous les jours que de nombreuses personnes s'affranchissent des règles."

C'est votre texte que vous présentez ou celui de Manuel Valls ? Vous n'étiez pas d'accord avec lui quand il était à l'Intérieur : lui son esprit est de lutter contre la récidive avant tout...

"Je sais que vous aimez les feuilletons et que vous alimentez des débats imaginaires... Vous aurez peut-être un peu de mal avec Bernard Cazeneuve, compte tenu de sa personnalité... Il y a une vieille culture de l'affrontement police / justice."

Je n'invente rien : Manuel Valls est pour l'exécution ferme des peines, vous êtes pour l'aménagement...

"C'est absurde de dire ça ! Nous prenons des dispositions pour l'exécution des peines ! Manuel Valls n'est contre l'aménagement des peines, ne serait-ce que parce que c'est conforme à la loi, c'est dans la loi pénitentiaire de 2009, elle précise les conditions d'aménagement des peines. Venir dire qu'on est contre la loi..."

Il y a deux philosophies différentes...

"Vous ne déclinez pas les philosophies : vous me faites un procès en laxisme depuis 24 mois ! Aucun d'entre vous ne prend la peine de donner le moindre exemple pour illustrer mon prétendu laxisme ! Vous me faites un procès en laxisme, vous avez déclaré que M. Valls est pour la fermeté, y compris en imaginant qu'il serait contre l'application de la loi, ce que je ne l'ai jamais entendu dire ! Ce qu'il faut retenir, c'est que j'ai organisé une conférence de consensus : elle a produit un certain nombre de préconisations, à la suite de quoi j'ai organisé un cycle de concertation puis nous avons eu des réunions interministérielles. Nous avons un texte de loi qui est le produit de tout cela et bien entendu finalement des arbitrages décidés par le Président de la République. Voilà le texte de loi passé au Conseil d'Etat, présenté au Conseil des ministres, entre les mains de l'Assemblée, qui fait l'objet déjà d'amendements ! Tout cela pour vous expliquer que ce n'est pas MON texte, ce n'est pas une fantaisie personnelle ! Si je veux des choses personnelles, j'écris des poèmes ! J'écris des livres ! La loi, ça s'écrit collectivement. Parce que la loi est une règle générale. En particulier, ça, c'est une réforme de société : il était important que des avis différents puissent être pris en compte !"

La rétention de sûreté, ce sera supprimé ?

"Ce texte de loi concerne les délits, la rétention de sûreté ne concerne que les crimes très graves. Donc ce texte ne contient pas de mesures sur la rétention de sûreté. Personnellement, je pense, car je ne me défausse jamais, que la rétention de sûreté... D'ailleurs il y a eu des débats passionnants au Sénat, vous avez dû lire les déclarations de Robert Badinter sur la rétention de sûreté. Mais ce texte de loi concerne strictement les délits et créé une contrainte pénale : une peine qui permet de suivre très précisément... Vous avez entendu, avec tous les incidents qu'il y a dans les établissements pénitentiaires, des personnels pénitentiaires dirent qu'eux-mêmes sont choqués lorsqu'on incarcère une personne 2 mois quand la décision remonte à il y a 8 ans... 8 ans, c'était pas nous ! C'est une incarcération de 2 mois, parfois pour non-paiement de pension alimentaire. Nous devons protéger les femmes mais les protège-t-on en enfermant une personne pour 2 mois 8 ans après, sans regarder si cette personne a un emploi, un logement, si on ne va pas casser une trajectoire de vie ? Même les surveillants pénitentiaires vous disent que c'est absurde ! Nous voulons faire efficaces : la centaine de lois pénales et de procédures pénales des 10 dernières années ont introduit des injonctions contradictoires, ont mis de l'incohérence, ont cassé l'échelle des peines, et donc ont donné de l'inefficacité."

Que pensez-vous des députés socialistes qui disent que le curseur est trop à droite ?

"Que les parlementaires s'expriment, c'est normal et même extrêmement souhaitable, ils sont sur le terrain, ils entendent les Français au quotidien..."

Hollande sifflé à Carmaux... Ça vous a marqué ?

"Bien entendu, ça fait mal au cœur. Le Président a un souci permanant, je dirais presque obsessionnel, d'arranger la situation des Français, une situation extrêmement détériorée. Si je me permets de lui faire un reproche, ce qui est très antirépublicain, mais j'oserais : je dirais que ce Président a une trop grande élégance institutionnelle. Il n'a pas voulu faire vraiment état très clairement : le bilan était établi, nous savons dans quel état nous avons trouvé les finances publiques, nous avons trouvé, nous en trouvons encore, des sanctions de l'Europe sur la France, par négligence de l'ancien gouvernement. Nous savons dans quel état nous avons trouvé les finances publiques, nous savons comment nous avons trouvé une situation extrêmement détériorée. Mais il a une telle notion de la responsabilité qu'il a voulu tout prendre sur lui et nous faire tout prendre sur nous. Donc cette élégance institutionnelle d'une certaine façon nous pénalise, donc c'est profondément injuste, parce que c'est chez lui une obsession d'améliorer la situation générale du pays et de lui redonner du lustre."

Le maire FN de Villers-Cotterêts Franck Briffaud ne veut pas de commémoration de l'abolition de l'esclavage... Il dénonce une auto-culpabilisation permanante...

"Si c'est sa façon de rayer 4 siècles et demi d'Histoire, c'est son affaire. On peut toujours mettre la tête sous le tapis et s'imaginer que le monde n'existe pas."

Nicolas Sarkozy est toujours sur écoute ?

"Je n'en sais rien : ce n'est pas moi qui le met, ce n'est pas moi qui l'écoute ! Il vous a échappé manifestement, puisqu'il parait que je n'ai strictement rien fait, que nous avons fait adopter un texte de loi qui interdit les instructions individuelles et que nous avons réduit de 20 fois les remontées ! Nous avons interdit les remontées d'actes, de procédures, de pièces, de PV : nous ne faisons remonter que les informations qui nous permettent de mieux organiser le fonctionnement des juridictions. Je comprends que ce soit difficile à entendre : c'est une autre culture judicaire mais c'est quand même la culture démocratique, c'est celle que nous promouvons."

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