mardi 20 mai 2014

St Maur - "Même un poseur de bombes a droit à un sommeil tranquille en prison"

Une ou deux fois par semaine, au beau milieu de la nuit, les surveillants ouvraient l’œilleton de sa cellule et allumaient la lumière.
Une cellule de la maison d'arrêt de Bonneville (Haute-Savoie), en 2011.
 
Deux fois par nuit, depuis juin 2013, vers 23 h 45 et 2 h 30 du matin, quand le sommeil est bien profond. Le détenu de la maison centrale de Saint-Maur, dans l’Indre, a fini par faire des crises d’hypertension et a saisi en référé le tribunal administratif de Limoges.
L’administration a répliqué qu’il se réveillait un peu tard, qu’il n’y avait pas urgence au sens de la loi, et qu’il était par ailleurs un « détenu particulièrement surveillé » (DPS). Le juge des référés a cependant interdit le 18 avril ces réveils nocturnes et condamné l’Etat à lui verser 1 000 euros.

Il est vrai que le détenu en question n’inspire pas vraiment la compassion : il s’agit de Boualem Bensaïd, 46 ans, condamné à la réclusion criminelle à perpétuité avec vingt-deux ans de sûreté pour avoir posé des bombes dans le RER en 1995, qui ont fait 8 morts et 117 blessés graves. Mais comme le rappelait Valéry Giscard d’Estaing, « la prison, c’est la privation de la liberté d’aller et venir, et rien d’autre ».

L’administration a soutenu que rien ne prouvait que son hypertension soit liée à ces réveils ; le juge a estimé, lui, « qu’il n’apparaît pas qu’une autre cause identifiable pourrait exclure ce lien » et que ses troubles de santé « peuvent être regardés comme ayant pour origine l’application des contrôles nocturnes ».
MEMBRE DU GIA

Il estime d’ailleurs que si la condamnation de M. Bensaïd « a motivé son maintien sur le répertoire des DPS », cette inscription « n’implique pas nécessairement un régime de surveillance nocturne » – d’ailleurs le détenu est classé DPS depuis 1996, sans qu’on l’ait empêché jusque-là de dormir.

L’administration a rappelé de son côté que M. Bensaïd a été identifié comme membre du Groupe islamiste armé (GIA) ; que même si son comportement en prison est sans problème, il a remboursé des sommes « parfaitement insignifiantes » aux parties civiles ; qu’on a découvert en 2005 des explosifs à la Santé, à Paris, où il était incarcéré et qu’il a fait à l’époque du prosélytisme avant le ramadan.

« L’auteur de ces préparatifs d’évasion n’a pas été clairement identifié », reconnaît la pénitentiaire, mais le détenu a demandé en 2010 à téléphoner à un proche qui s’est avéré être un membre du GIA condamné à dix ans de prison pour une tentative d’attentat contre l’ambassade des Etats-Unis : ainsi « l’intéressé a toujours accès à un réseau prêt à le soutenir dans un projet d’évasion ».

Me Patrice Spinosi, son avocat, a répondu que rien ne prouve que son client ait quelque chose à voir avec les explosifs ; qu’il savait pertinemment que tous les appels en prison sont enregistrés, et qu’« il n’aurait pas la naïveté » de contacter un membre répertorié du GIA pour s’évader.

Quoi qu’il en soit, même si personne n’oserait compatir aux problèmes d’hypertension du poseur de bombes, la décision est significative en regard des principes, c’est-à-dire de la loi. « C’est la première fois qu’est obtenu un jugement contre le régime des DPS, souligne Nicolas Ferran, de l’Observatoire international des prisons, à l’origine de la procédure. Etre classé DPS n’implique pas des mesures automatiques de surveillance. Chacune doit faire l’objet d’une décision autonome. D’autres détenus sont réveillés quasiment toutes les deux heures. »
Le Monde

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