Selon une enquête, plus de 30 % des surveillants souffrent de dépression.
Les surveillants de prison sont dépressifs. Ils se sentent mal aimés, mal dans leur peau, selon une enquête menée auprès de 700 surveillants des Baumettes, de Fleury-Mérogis, de la Santé et de Gradignan, qui vient d'être remise à la direction de l'administration pénitentiaire.
Le chiffre le plus marquant de ce rapport du Laboratoire interdisciplinaire de recherche sur les ressources humaines et l'emploi (Lirhe): 66 % des surveillantes du secteur femmes de Fleury-Mérogis présentent une symptomatologie dépressive.
Au secteur femmes des Baumettes, 39 % des surveillantes prennent des médicaments anti-ulcéreux, psychotropes et neuroleptiques, selon l'enquête menée par le Pr Jean-Pierre Neveu, spécialiste de gestion des ressources humaines et de l'épuisement professionnel. Les surveillants hommes sont «moins fragiles», mais les chiffres restent alarmants, surtout dans les centres de détention des jeunes (32 % de «dépressifs» au CDJ de Gradignan, dans la banlieue bordelaise).
Absentéisme: Il a fallu deux ans et demi d'enquête pour brosser le tableau d'une profession «fortement marquée»: 73% des surveillants ne considèrent pas qu'ils exercent un «véritable métier», 85% ne pensent pas faire un bon travail au sein d'une équipe, 58% estiment que leur hiérarchie «ne les respecte pas». Au quotidien, ce n'est guère mieux: 70 % disent ne pas avoir de «bons copains» au boulot, moins de 3 % pensent que leurs collègues apprécient leur travail.
Pire, 64 % disent ne pas faire confiance à ceux qui travaillent avec eux. Conséquence, l'absentéisme est fort aux Baumettes, seulement 12% des surveillants ne se sont pas absentés sur les douze derniers mois , le plus souvent lié à des raisons psychologiques et non physiques.
Assèchement: L'analyse des questionnaires a aussi permis d'établir que la profession dans son ensemble présentait tous les symptômes d'un épuisement professionnel grave au degré cinq de l'échelle dite de Golembiewski, qui en comprend huit. «Le niveau d'épuisement professionnel des surveillants de prison est proche de celui des salariés en traitement psychothérapique», note sobrement le rapport.
Derrière les murs des prisons, ceux que l'on appelle les «porte-clés» souffrent d'«assèchement émotionnel», avec une incapacité à éprouver un sentiment de compréhension affective. Au fil des ans, ceux qui exercent ce métier perdent progressivement toute chaleur humaine dans leur relation avec les détenus et souffrent pour la plupart d'un sentiment d'incompétence et d'échec professionnel. Parmi les causes premières de l'épuisement professionnel, l'enquête du Lirhe relève le «sentiment de dévalorisation» (31%) et la «non-reconnaissance des compétences professionnelles» (17%).
Signe d'un malaise profondément ancré, la grande majorité des surveillants dénonce le système d'évaluation des performances pour son «opacité», son «favoritisme tous azimuts» et son «iniquité». Selon le rapport, le manque de recours aux compétences «peut aller jusqu'à nuire directement à la sécurité des surveillants: ainsi, lors de la construction de nouveaux établissements, nul ne sollicite l'avis du personnel, ce qui a pour résultat l'édification d'espaces pas ou peu fonctionnels, voire dangereux».
Fragilisation: Selon le Pr Neveu, le profil des nouveaux surveillants, plus diplômés, moins aguerris socialement, représente «un facteur supplémentaire de fragilisation», à cause du décalage culturel des nouvelles recrues avec le milieu de la délinquance et de leur frustration future en termes de développement professionnel. Pour le chercheur, il faudrait, au recrutement, faire primer l'expérience et la solidité mentale plutôt que les critères purement bureaucratiques en vigueur.
Pour être surveillant de prison, il faut aussi aimer marcher. La moitié des surveillants de la Santé parcourent environ 50 km par mois dans le cadre de leurs déplacements intra-muros.
Libération
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