mardi 8 avril 2014

" Je veux briser l'omerta qui règne à Saint-Maur "

Un détenu de la maison centrale, condamné hier à sept mois de prison pour recel de téléphone, a tenté de se faire passer pour victime. Sans convaincre.

Tribunal correctionnel de Châteauroux

Elle avait tout d'une affaire banale, comme le tribunal en voit passer des dizaines chaque année. Mais, hier, le prévenu a pimenté l'audience. L'homme de 28 ans, quatorze condamnations inscrites au casier judiciaire, dont deux en cour d'assises pour des faits extrêmement graves, comparaissait pour recel de téléphone, détention de cartes à puce et de clés USB. Le portable lui avait notamment servi à proférer des menaces, de sa cellule vers l'extérieur, contre une personne qui finira par le dénoncer.

 Quand la présidente du tribunal lui a demandé de s'expliquer, le détenu s'est levé dans son box et, la voix portante, a solennellement annoncé : « Aujourd'hui, nous allons briser la loi de l'omerta. A Saint-Maur, règne la loi du plus fort. » Rien de tel pour capter l'attention de l'assistance. « Je suis une victime. Je gardais ce téléphone pour une personne dont je dois taire le nom. J'ai été forcé de le faire, de dire qu'il était à moi, sinon on m'aurait fait du mal, donné des coups de couteaux ou même torturé. »

Un système organisé ?

Arrivé depuis peu à Saint-Maur, il dit être une cible récurrente des autres détenus. « On m'appelle le " travelo " parce que j'ai une queue-de-cheval. » C'est parce qu'il est « un clochard, indigent », qu'il est obligé d'accepter ces « petits boulots ». « Je n'ai que 20 € par mois. J'ai demandé à travailler mais, à Saint-Maur, seuls les anciens ont droit à des privilèges. »

Selon lui, les surveillants sont les complices d'un système organisé. « Tant que les fonctionnaires seront en crise, il y aura des téléphones dans les prisons car je peux vous dire, Madame la Présidente, qu'ils ne rentrent pas par les parloirs… »

Toujours sur le ton de la gravité, il a osé cette confidence : « Je suis au bord du suicide. Je tiens parce que j'ai une mère, des frères, des sœurs. »

Plusieurs fois, la présidente a rétorqué que les faits étaient établis, que la victime de ses menaces l'avait nommé lui et personne d'autre. « Je ne joue pas une pièce de théâtre », a-t-il juré. « J'ai compris », a conclu la magistrate, rappelant toutefois la lourdeur du casier judiciaire du prévenu, qui plus est en état de récidive légale. « Vous n'êtes pas qu'une victime. »

Le procureur de la république a tout de même tenu compte « du contexte » exposé et a requis huit mois d'emprisonnement. « C'est raisonnable », a commenté le prévenu. Finalement, sa condamnation sera rabaissée à sept mois, provoquant chez lui un franc sourire de satisfaction. « Merci, Madame le Juge, bonne journée », a-t-il lancé alors que, menotté, on le ramenait à Saint-Maur.
La Nouvelle République

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