mardi 1 avril 2014

Le Mans - Il va en prison à la place de son ami

La supercherie n'a été découverte qu'au bout de trois mois par la prison du Mans.
 
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Jusqu'où iriez-vous par amitié? À cette question, Yssa, 29 ans, a répondu de façon peu commune: jusqu'en prison. Pendant trois mois, il a en effet pris la place de son ami d'enfance dans la maison d'arrêt du Mans avant d'être découvert. «On a eu cette idée un soir où on avait bu», a expliqué Abdelkader lors de son procès, lundi, rapporte Le Maine libre . Mais le stratagème employé par les deux comparses prouve qu'ils avaient les idées claires quand ils ont échafaudé leur plan.

En juin 2012, Abdelkader, emprisonné depuis plus de trois ans, obtient une permission de sortie pour le week-end. Mais, le lundi matin, il n'a pas rejoint sa cellule. Cinq mois plus tard, Yssa, qui se fait passer pour Abdelkader, «réapparaît» au commissariat de Toulon. Il explique alors qu'il n'est pas retourné à la prison d'Argentan (Orne) par peur de représailles de la part de ses codétenus. Il obtient ainsi d'être incarcéré au Mans. Yssa prend ainsi la place de son ami -à qui il ne ressemble même pas- sans difficulté.

Les deux hommes ont pensé à tout puisque le frère d'Abdelkader vient rendre visite à Yssa au Mans, rapporte Ouest France . Yssa, mis à l'épreuve après une condamnation, envoie de son côté un autre ami à son rendez-vous avec un conseiller de probation. Mais en février 2013, la supercherie est révélée: les empreintes d'Yssa ne correspondent évidemment pas à celles d'Abdelkader. Le vrai prisonnier est finalement interpellé en octobre 2013.

Une vérification de l'identité défectueuse

Comment la supercherie a pu durer si longtemps? Au syndicat CGT Pénitenciaire, on explique qu'un contrôle biométrique de la forme de la main est effectué à l'arrivée de chaque nouveau prisonnier. La carte de circulation où figure la photo du condamné est également vérifiée. Mais ce dossier ne circule pas d'une prison à une autre. Celui créé pour Abdelkader à Argentan n'a pas été transmis automatiquement au Mans. «La vérification de l'identité est supposée faite par les policiers donc un nouveau dossier est créé», explique David Torres, le secrétaire général du syndicat pénitentiaire. L'identité du prisonnier aurait donc dû être vérifiée plus attentivement au commissariat de Toulon. Yssa s'est présenté avec comme seules preuves la carte d'identité de la sœur d'Abdelkader et la permission de sortie de prison. Ses explications ont suffi à convaincre les policiers qu'il était bien Abdelkader.

Lors du procès des deux hommes, le procureur de la République a cherché à comprendre la raison qui a poussé Yssa à accepter cet échange. «Dette de stupéfiant? Pression? Consentement éclairé?», a-t-il énuméré. Les deux hommes ont refusé de s'expliquer sur ce sujet. Abdelkader a affirmé qu'il voulait «rester avec sa mère qui était malade», sans convaincre les juges. Il n'a reconnu que l'envoi de quelques centaines d'euros à son ami alors que l'effacement d'une dette de 35.000 euros a été évoquée lors de l'enquête.

S'ils ne se sont pas expliqués sur leur geste, ils vont peut-être pouvoir en parler entre eux, dans une cellule commune. La justice les a tous les deux condamnés à de la prison ferme pour ce mauvais tour joué à l'administration pénitentiaire. Abdelkader sera incarcéré dix-huit mois de plus, une fois la peine qu'il a voulu esquiver terminée. Yssa, lui, a été condamné à six mois de prison ferme.

Le Figaro

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