jeudi 15 octobre 2015

Alsace - Quand les policiers descendent dans la rue

Même s’ils n’étaient en tout que quelques centaines à se mobiliser hier devant les tribunaux de grande instance à Colmar, Mulhouse et Strasbourg, ce n’est pas tout les jours que des policiers manifestent en Alsace.
À Strasbourg, les policiers qui manifestaient étaient plus d’une centaine.Photo  L
 
Comme dans le reste de la France, les fonctionnaires en repos voulaient dénoncer « le laxisme de la justice ».
À Strasbourg , des policiers en repos, sans uniformes ni armes, ont manifesté hier entre midi et deux, devant le Palais de justice, quai Finkmatt. Entre 100 et 150 fonctionnaires ont ainsi répondu à l’appel d’une intersyndicale Alliance, Unsa police, Unité SGP police FO, les SCSI (Syndicat des cadres de la sécurité intérieure) et SCPN (Syndicat des commissaires de la police nationale), et voulaient relayer en province le mouvement de grogne mené à Paris le même jour place Vendôme. Avec comme principales revendications ce qu’ils jugent être un trop grand laxisme de la part des autorités judiciaires.

Mais difficile de trouver des policiers qui acceptent de s’exprimer, même sous couvert d’anonymat, mettant en avant leur devoir de réserve et renvoyant sur leurs délégués syndicaux. « Deux affaires extrêmes récentes sont emblématiques pour nous , explique ainsi Sébastien Gerardin, secrétaire départemental du syndicat de policiers Alliance pour le Bas-Rhin. On a atteint un point de non-retour sur la gestion des gens punis par emprisonnement et qu’on laisse sortir, mettant ainsi en danger la sécurité des gens. » Comme ses collègues, il remet en cause les permissions de sortie « accordée à des gens dangereux ». Il relève que, « localement » , l’affaire de Mertzwiller (lire en page 39) illustre aussi les carences de ce système de permission « donnée à quelqu’un qui a peu de probabilité de représentation et qui habite dans un camp de nomades, donc très difficile à localiser ».

Manque de moyens

Frédéric Ghiotto est policier à la brigade de nuit à Haguenau. Il est aussi secrétaire départemental de l’Unsa police du Bas-Rhin. « On veut montrer notre mécontentement à la justice qui ne tient pas compte des profils type de détenus qui leur sont transmis par l’administration pénitentiaire » , estime-t-il. Et revenant sur l’agression d’un policier par un détenu en cavale, il interroge : « Comment un type fiché “S” pour ses liens avec l’islamisme radical peut-il être autorisé à sortir ? »

Les policiers pointent également le manque d’effectifs et de moyens. « Officiellement, à Strasbourg , souligne Sébastien Gerardin, il manque 30 policiers mais on est plus près du double… Et nous n’avons pas de fourgon pénitentiaire digne de ce nom ! » Son collègue de Haguenau renchérit : « C’est un problème partout. À Haguenau, il manque 10 postes et, à Sélestat, il y a 55 policiers dans un commissariat qui peut en accueillir plus d’une centaine. » Un autre policier, qui travaille à Strasbourg, précise : « Dans certains bureaux, on comptabilise 250 dossiers ou procédures par fonctionnaire. »

À Mulhouse, ville principale de la Direction départementale de la sécurité publique, les responsables syndicaux étaient tous unis hier. Ils ont réussi à mobiliser leurs troupes, mais pas que.

Car des nombreux policiers nationaux, des agents administratifs du commissariat central de Mulhouse, mais aussi des CRS de la base illzachoise toute proche, ont convergé entre midi et 13 h vers le tribunal de grande instance pour exprimer leur « ras-le-bol ». « Il y a une rupture entre la police et la justice, peut-être , remarque Mélanie Lallau, secrétaire départementale adjointe d’Unité SGP police FO. On attend des mesures concrètes avec une suppression des sorties pour les détenus considérés comme dangereux. » Une revendication qui fait suite à ce braquage qui a fini en dans le sang, en Seine-Saint-Denis, et où un policier de la brigade anticriminalité a été touché par deux balles à la tête.

Mais cette mobilisation, qui au plus fort a réuni plus de 200 policiers, a aussi permis de tirer la sonnette d’alarme concernant les conditions de travail au sein de la police. « Il ne faut pas uniquement se focaliser sur cet événement dramatique, lâche Michel Corriaux, secrétaire zonal d’Alliance Police nationale. On est victime au quotidien d’agressions physiques et verbales. Un rapport indique qu’en France, 40 policiers sont victimes de violences par jour, dont deux en Alsace. C’est énorme ! Nous avons aussi un problème d’effectifs, notamment au niveau de la DDSP68. »

« On est en flux tendu en permanence »

Un manque d’effectif chronique, mais aussi un manque en matière de moyens. « Les policiers se font déchirer la chemise tous les jours et personne n’en parle, lance Gilles Humbrecht, délégué Unsa police. On est carrément obligé de se battre pour avoir du matériel correct… Et on a parfois des voitures dans un état catastrophique qu’on est obligé de prendre. »

Après avoir entonné une Marseillaise pour leur collègue parisien blessé, les policiers – dont plusieurs officiers et un commissaire – se sont dispersés pour retrouver chacun leur poste de travail.

À Colmar , combien de manifestants ? Pour une fois pas de distorsion entre les chiffres des organisa-teurs et de la police. Et pour cause… Une petite trentaine de policiers seulement ont battu le pavé devant le tribunal de grande instance avec les mêmes arguments que partout ailleurs en France. Outre les critiques concernant la politique pénale « laxiste » , les policiers colmariens ont voulu mettre en évidence le manque d’effectifs. Frédéric Landolt, délégué local du syndicat Alliance, a estimé qu’il manquait 30 policiers dans la cité de Bartholdi.

« Nous ne sommes plus en mesure d’assurer toutes nos missions. Avec le plan Vigipirate, nous sommes en permanence en flux tendu. À Colmar, il y a une préfecture, une cour d’appel, sans compter les extractions… » , explique le syndicaliste, soucieux de « faire remonter le mécontentement de la police ». Au nombre de 144 en décembre 2013, ils ne sont plus que 127 policiers en poste. Une situation jugée explosive...

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