Alors que la Cour d'appel de Paris doit décider ce jeudi si Jérôme Kerviel portera un bracelet électronique à sa cheville, L'Express s'est penché sur cet aménagement de peine très critiqué cette année.
Le nombre de bracelets électroniques a été multiplié par cinq entre 2005 et 2012
Jérôme Kerviel, l'ancien salarié de la Société Générale condamné pour avoir fait perdre à la banque 4,82 milliards d'euros en 2008 fait désormais partie des 11 883 de Français dont l'une des chevilles est enserrée par un bracelet électronique. Cet anneau en caoutchouc fait aussi parler de lui pour une autre raison: ses pannes répétées depuis le début de l'année. "Il s'agissait principalement de défaillances liées à la dégradation des sangles, à la durée de charge de la pile et à la mise en veille des dispositifs", reconnaît le ministère, interrogé par L'Express.
Le principe du placement sous surveillance électronique (PSE), entré en vigueur en 1997, est le suivant : le condamné ou mis en examen est autorisé à sortir de chez lui à certains horaires fixés par la justice, lui permettant par exemple d'exercer un métier. Pendant la période de PSE, un suivi socio-éducatif en vue d'une réinsertion est assuré auprès du porteur du bracelet. Si ce dernier n'est pas chez lui aux heures convenues, une alarme se déclenche et avertit, par le biais d'un boîtier relié à sa ligne téléphonique, les surveillants pénitentiaires de la région qui accourent aussitôt. Alors que le nombre de bracelets électroniques a été multiplié par cinq entre 2005 et 2012, les pannes sont semblent-ils fréquentes.
Dans le Sud-Est, les fausses alertes, les bracelets déchirés, les signaux interrompus compliquent tout de même le travail des surveillants. "L'administration de la région Provence-Alpes-Côtes-d'-Azur (Paca) a reconnu un taux de panne de 10% entre mars et juillet de cette année", indique Olivier Caquineau, secrétaire général du Snepap-FSU (Syndicat national de l'ensemble des personnels de l'administration pénitentiaire). "Ce qui est très curieux, c'est l'hétérogénéité de la situation sur le territoire et qu'on n'arrive pas à l'expliquer." Interrogé par L'Express sur les chiffres de la région Paca, Pierre Gadoin, directeur du SPIP des Bouches-du-Rhône, n'a pas reçu l'autorisation de répondre de la part du ministère de la Justice.
Thalès n'est pas pour autant le seul coupable aux yeux de Serge Pereine , surveillant depuis dix ans au SPIP d'llle-et-Vilaine, "Le vrai problème, explique-t-il, c'est la structure du marché." Car tous les quatre ans, l'Etat propose un nouveau contrat pour la confection des bracelets. Serge Pereine trouve la durée de prestation trop courte. "Quatre ans, c'est le temps qu'il faut pour que la technologie s'adapte et fonctionne normalement."
En attendant des améliorations techniques, le déclenchement intempestif d'alarmes surcharge les surveillants pénitentiaires. "Nous n'avons plus confiance dans le matériel", ajoute Serge Pereine. "Je n'arrête pas de faire des aller-retours dans toute la région." Le personnel pénitentiaire se retrouve donc dans l'impossibilité de contrôler, comme il le faudrait les porteurs de bracelet.
Thalès, qui affirme avoir déployé le système à la fin du mois de mars "après une phase de validation ayant permis de procéder aux réglages et ajustements nécessaires", rejette ces accusations. Sollicitée par L'Express, l'entreprise assure que "les performances sont aujourd'hui au niveau contractuel attendu".
Au fond, la véritable faille du dispositif serait-elle pas le manque de personnel pour gérer ces aléas? Les équipes chargées d'encadrer les aménagements de peine sont de plus en plus débordées. Serge Pereine assure qu'une note interne circule auprès des SPIP : "La direction de l'administration pénitentiaire préconise qu'il y ait 50 personnes placées sous surveillance électronique par agent." Le surveillant dit être déjà dépassé par les "trentaines d'interventions techniques par mois" qu'il effectue. Chacun des trois agents de la région d'Ille-et-Vilaine sont déjà responsables d'une cinquantaine de personnes, des porteurs de bracelets mais aussi des prévenus. Serge Pereine imagine difficilement comment il pourrait assumer davantage de responsabilités.
Capture d'écran du site du ministère de la Justice.
Un taux de panne contrasté
Anne Le Gras, surveillante au Service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP) du Nord-Pas-de-Calais, se veut plutôt rassurante. "Il y a encore quelques petits soucis mais aujourd'hui, comparé au début de l'année, ça s'est beaucoup calmé." Le ministère confirme que "le taux de panne est revenu depuis mai dernier au niveau précédent qui est d'environ 0,05%".Dans le Sud-Est, les fausses alertes, les bracelets déchirés, les signaux interrompus compliquent tout de même le travail des surveillants. "L'administration de la région Provence-Alpes-Côtes-d'-Azur (Paca) a reconnu un taux de panne de 10% entre mars et juillet de cette année", indique Olivier Caquineau, secrétaire général du Snepap-FSU (Syndicat national de l'ensemble des personnels de l'administration pénitentiaire). "Ce qui est très curieux, c'est l'hétérogénéité de la situation sur le territoire et qu'on n'arrive pas à l'expliquer." Interrogé par L'Express sur les chiffres de la région Paca, Pierre Gadoin, directeur du SPIP des Bouches-du-Rhône, n'a pas reçu l'autorisation de répondre de la part du ministère de la Justice.
Thalès critiqué
Le ministère de la Justice accuse, lui, Thalès, chargée de fabriquer les systèmes de communication entre bracelets et boîtiers depuis 2013. La société est également dans la ligne de mire des syndicats. Tous s'accordent à dire que les problèmes de détection et de déclenchement des alarmes se sont multipliés depuis que l'entreprise a pris en charge la fabrication des bracelets. Pour Olivier Caquineau (Snepap-FSU), la technologie n'est pas suffisamment performante. "Nous avons rencontré des problèmes d'hypersensibilité du matériel. L'alarme se déclenchait alors que le porteur du bracelet était dans son lit et avait dû faire un faux mouvement en dormant."Thalès n'est pas pour autant le seul coupable aux yeux de Serge Pereine , surveillant depuis dix ans au SPIP d'llle-et-Vilaine, "Le vrai problème, explique-t-il, c'est la structure du marché." Car tous les quatre ans, l'Etat propose un nouveau contrat pour la confection des bracelets. Serge Pereine trouve la durée de prestation trop courte. "Quatre ans, c'est le temps qu'il faut pour que la technologie s'adapte et fonctionne normalement."
"Des économies en bouts de chandelle"
Comme Serge Pereine, Rémy Moreuille-Tassart, le secrétaire général en Rhône-Alpes du syndicat Snepap-FSU reproche à l'Etat de faire "des économies de bouts de chandelle". Il est persuadé que l'Etat attribue le marché au plus offrant et que le système y perd en qualité. Avant Thalès, le prestataire pour la période 2009-2013, fut la société Datacet.En attendant des améliorations techniques, le déclenchement intempestif d'alarmes surcharge les surveillants pénitentiaires. "Nous n'avons plus confiance dans le matériel", ajoute Serge Pereine. "Je n'arrête pas de faire des aller-retours dans toute la région." Le personnel pénitentiaire se retrouve donc dans l'impossibilité de contrôler, comme il le faudrait les porteurs de bracelet.
Thalès, qui affirme avoir déployé le système à la fin du mois de mars "après une phase de validation ayant permis de procéder aux réglages et ajustements nécessaires", rejette ces accusations. Sollicitée par L'Express, l'entreprise assure que "les performances sont aujourd'hui au niveau contractuel attendu".
Un aménagement de peine en panne ?
Les problèmes de détection de bracelets nuisent aussi au suivi socio-éducatif "nécessaire pour la réinsertion dans la société des individus concernés", insiste Yvan Gitz, juge d'application des peines à Bordeaux. Pour lui, il ne fait aucun doute que le système est pénalisé par des défaillances techniques. "A chaque fois qu'un porteur a cinq minutes de retard sur son planning, on en est informé. Tous les jours, j'ai des piles de rapports d'incidents sur mon bureau et très peu d'informations sur l'évolution de la réinsertion des porteurs : s'ils vont voir leur psychologues, indemnisent les victimes etc. Les surveillants de la SPIP sont eux-mêmes embêtés que ces histoires techniques prennent autant de place."Au fond, la véritable faille du dispositif serait-elle pas le manque de personnel pour gérer ces aléas? Les équipes chargées d'encadrer les aménagements de peine sont de plus en plus débordées. Serge Pereine assure qu'une note interne circule auprès des SPIP : "La direction de l'administration pénitentiaire préconise qu'il y ait 50 personnes placées sous surveillance électronique par agent." Le surveillant dit être déjà dépassé par les "trentaines d'interventions techniques par mois" qu'il effectue. Chacun des trois agents de la région d'Ille-et-Vilaine sont déjà responsables d'une cinquantaine de personnes, des porteurs de bracelets mais aussi des prévenus. Serge Pereine imagine difficilement comment il pourrait assumer davantage de responsabilités.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire