Imam de Metz-Queuleu depuis huit ans, Mohammed Hicham Joudat estime que la prison n’est pas une fabrique de djihadistes comme beaucoup le prétendent. Selon lui, les jeunes délinquants se radicalisent d’abord en face de leur ordinateur, sur internet.
Vous êtes aumônier de la prison Metz-Queuleu depuis huit ans. Avez-vous constaté une évolution en matière de radicalisation ?
Mohamed Hicham JOUDAT : « Pour moi, le premier problème, ce n’est pas le quartier, pas la prison, mais internet.
C’est le moyen le plus direct et le plus fort de radicalisation des jeunes. Le discours fondamentaliste auquel va s’identifier un jeune délinquant n’existe pas dans les mosquées, donc il va le chercher où il se trouve, c’est-à-dire sur des sites spécialisés, qui viennent souvent de l’étranger. »
Pourtant, dans de nombreux établissements pénitentiaires, des jeunes délinquants fragiles se retrouvent sous la coupe de caïds, qui échangent leur protection contre l’enseignement d’un islam radical… « Je ne dis pas que ça n’existe pas. Certaines choses échappent d’ailleurs aux imams en prison. Mais je voudrais rappeler une évidence : évoluer vers le radicalisme est souvent un parcours et il ne faut pas faire de raccourci. Certains vont dire qu’un jeune s’est radicalisé en prison. Or, il faut tenir compte de son parcours avant, du nombre de fois qu’il a été incarcéré… Je suis contre cette idée que la prison soit une fabrique de radicaux. Qu’il s’agisse de Metz ou de toute la région pénitentiaire du Grand-Est [Lorraine, Alsace, Franche-Comté], les cas sont très minimes. »
L’actualité dans le monde (Gaza, la Palestine, la Syrie, le conflit israélo-palestinien) se diffuse pourtant du quartier vers la prison et les rancœurs qui vont avec, non ? « Oui, nous avons ce genre de discussions et les détenus, entre eux, les ont aussi.
Selon moi, le grand enjeu face à cela, ce n’est pas forcément une question de religion, mais un problème pyschosocial plus large : celui de la place de ces jeunes dans la société, le moyen pour eux de trouver leur place, leur identité. Dans ce cas, la prison doit les aider à rebondir après. »
Avez-vous rencontré des discours particulièrement radicaux depuis que vous exercez à Metz ? « Trois cas, dont un seul extrême, en huit ans. Le plus ancré refusait de nous rejoindre à la prière et avait des exigences en matière religieuse. Jamais cependant je n’ai rencontré des gens qui tenaient des discours – pour aller vite – terroristes. Je sens qu’il y a des jeunes proches de cette pensée, qui sont sur la défensive. Il faut le savoir, en prison, c’est très dur de tenir un discours apaisant, pédagogique. Si un détenu le fait, il sera pointé du doigt comme étant un lâche, sous la pression du groupe. Là encore, le problème n’est donc pas le fait religieux, mais social. »
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