Mickaël H. a écrit aux présidents de la République Nicolas Sarkozy puis François Hollande, à la garde des Sceaux Christiane Taubira, et au premier ministre, Manuel Valls, pour leur demander de l'aide.
En décembre 2013, il a tenté de s'immoler par le feu devant le palais de justice de Beauvais. C'est un homme désespéré qui nous expose sa situation, ce lundi matin.
Né en novembre 1979, élevé par une tante, il obtient sans passion un brevet d'études professionnelles agricoles, qu'il n'utilise pas, n'ayant aucune envie de travailler dans l'agriculture ou l'agro-alimentaire. Lorsque des amis policiers lui conseillent, en 2000, de passer un concours d'"adjoint de sécurité", il n'hésite pas.
Il réussit les épreuves, et obtient un contrat d'emploi-jeune de cinq ans. En général, il patrouille dans les rues avec un supérieur. Mais le 2 mai 2002, il se trouve au volant d'une voiture de police, à l'arrêt, tandis que deux collègues sont à l'extérieur, en train de verbaliser un conducteur mal garé. Un chauffard percute sa voiture par derrière, ce qui lui vaut un traumatisme crânien et une paralysie heureusement temporaire. En revanche, il souffre désormais d'acouphènes, d'hyperacousie, de syndrome anxio-dépressif et d'irritabilité.
Son arrêt de travail est reconnu comme imputable au service par un arrêté préfectoral du 26 août 2002, ce qui lui vaut une indemnisation de 4 000 euros. Il reprend le travail en août dans une brigade de nuit : "C'était plus dur que de jour, mais on m'a fait comprendre que je devais accepter, pour pouvoir passer le concours interne de gardien de la paix", dit-il. Ses crises lui imposent plusieurs arrêts de travail de quinze jours à chaque fois.
En 2006, lorsque son contrat d'emploi-jeune se termine, un médecin de l'administration le juge inapte à passer le concours de gardien de la paix, en raison de ses séquelles. Il devient convoyeur de fonds.
En 2008, sa candidature est retenue par la commission de sélection pour le recrutement des travailleurs handicapés dans l'administration pénitentiaire. Il obtient un statut de contractuel, d'un an, renouvelable. Il espère avoir un poste aménagé - au greffe, au parloir ou au service des écoutes d'une prison - mais il est affecté comme gardien à Amiens (Somme), puis à Val-de-Reuil (Eure). "Je devais faire 180 kilomètres en voiture tous les jours, et travailler douze heures de suite", confie-t-il. L'administration le juge trop fragile pour côtoyer des détenus difficiles. Néanmoins, elle refuse sa demande de poste aménagé.
Il rechute, et doit être hospitalisé le 30 juillet 2010. Les médecins de l'hôpital lui assurent qu'il subit les séquelles de son accident de 2002, et lui conseillent de le faire reconnaître par son employeur, afin de conserver l'intégralité de son salaire après ses trois premiers mois de congé. Le directeur interrégional de l'administration pénitentiaire refuse cette reconnaissance. A partir de septembre 2010, Mickaël ne perçoit plus désormais que la moitié de son salaire, soit 700 euros au lieu de 1400, alors qu'il a désormais trois enfants.
Un médecin expert du ministère de l'intérieur reconnaît en mars 2011 que son arrêt maladie est imputable à son accident du travail. Mais l'administration pénitentiaire, dont il dépend désormais, ne s'estime pas concernée par cet arrêté de l'intérieur.
Mickaël reprend le travail pendant quinze jours, en août 2011, mais il n'a pas d'affectation réelle. "On m'avait mis dans un bureau, à côté du gardien en charge des écoutes", dit-il. "C'est lui qui avait le casque, je me tournais les pouces toute la journée." Il rechute.
Il saisit en référé le tribunal administratif d'Amiens, qui condamne l'administration pénitentiaire à lui verser la somme de 4500 euros, et à lui payer à nouveau l'intégralité de son salaire, à compter d'octobre 2011.
Le directeur interrégional de l'administration pénitentiaire essaie chaque année de ne pas renouveler son contrat, et Mickaël obtient des tribunaux qu'ils annulent ses décisions. Mais il ne peut pas reprendre le travail, tant que la commission de réforme départementale, instance consultative chargée de donner des avis sur les questions liées à la santé des agents publics, ne s'est pas réunie.
Fin 2012, un médecin psychiatre le juge inapte à tout poste et à toute fonction. La commission de réforme suit son avis, et Mickaël est licencié, le 7 juin 2013.
La commission de réforme est censée comprendre des représentants de l'administration pénitentiaire et du personnel, mais aussi deux médecins généralistes et un médecin spécialiste de l'affection dont souffre Mickaël. Or, elle s'est réunie en présence d'un seul médecin généraliste, et sans celle des trois spécialistes concernés par son affection : psychiatre, neurologue et ORL.
L'avocat de Mickaël obtient donc l'annulation du licenciement, auprès du tribunal administratif de Rouen, le 28 mai 2014. Cette juridiction ordonne que le directeur interrégional saisisse la commission départementale de réforme avant le 31 juillet 2014, et que cette dernière statue de nouveau avant le 3 décembre 2014.
Or, elle ne l'a toujours pas fait, le neurologue et l'ORL tardant à déposer leurs conclusions. L'avocat de Mickaël vient donc de faire une requête en exécution de jugement. Il a aussi déposé une requête en référé provision.
En effet, depuis son licenciement, en juin 2013, Mickaël ne dispose plus d'aucune ressource, alors qu'il devrait bénéficier des allocations chômage, dans les même conditions que les salariés du secteur privé. En effet, son licenciement ayant été annulé, l'administration ne le considère pas comme chômeur. Mais elle ne le rémunère pas non plus.
Son épouse, factrice, subvient difficilement aux besoins de la famille. Le couple vient de saisir la commission départementale de surendettement, et le juge risque de lui ordonner de revendre sa maison.
Le Défenseur des droits, auquel nous avons transmis ce dossier, nous indique qu'il va l'examiner. Selon lui, "entre 200 et 2000 agents publics" seraient, comme Mickaël, dénués de ressources, en raison de dysfonctionnements des commissions médicales.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire