vendredi 23 septembre 2016

Les détenus de Réau montent sur le ring grâce au club de Saint-Ouen

Abdellah*, Walid et un roi de la belle participaient ce jeudi à un gala de boxe derrière les barreaux. 


Un rendez-vous inédit organisé par le RM Boxing de Saint-Ouen au centre pénitentiaire de Réau (Seine-et-Marne)… avec un diplôme d’arbitre à la clé. Une grande première en milieu carcéral.



Tous les trois sont incarcérés dans le quartier maison centrale (QMC), la zone ultra-sécurisée de cette prison construite en 2011 en rase campagne. C’est l’aboutissement du projet Double Impact initié il y a trois ans par Rachid Saadi, fondateur du RM Boxing de Saint-Ouen.

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10 heures, un coup de sifflet lance les hostilités, les combats se déroulent en trois reprises de deux minutes. Détenu contre détenu, détenu contre champion de kick-boxing… Impossible de faire la différence. Ils ont tous revêtu le casque, les jambières et le tee-shirt floqué or du RM Boxing.

« Il n’y a pas de détenu, il n’y a que des combattants, les barrières tombent », analyse Cédric Lucchini, référent sport à la direction interrégionale des services pénitentiaires de Paris.

Six rencontres s’enchaîneront dans la matinée. « Le but n’est pas de mettre à terre l’adversaire ou de se faire mal, mais de bien appliquer les bases et de se dépenser », précise Rachid Saadi, homme-orchestre de l’événement. Pendant deux ans d’entraînement, tous les vendredis, il a inculqué à ses élèves les règles de respect, de discipline, de dépassement de soi et de tolérance chères au RM Boxing.

Le club a installé un ring gonflable au centre du gymnase de la prison. Une arène où les détenus vont tour à tour occuper la place de boxeur, d’arbitre ou de superviseur, sous le regard du président de la fédération de kick boxing et de boxe Thaï, de champions de la discipline, d’élus et… d’un ancien flic.

« Ça leur met une petite pression. Ils n’ont plus l’habitude du bruit et de la foule », explique Dany Nivalle, ancien surveillant devenu moniteur de sport à Réau. « Ce n’est pas rien, ajoute Cédric Lucchini. Quand ils arrivent en détention, certains ne veulent pas sortir de leur cellule. Grâce au sport, des liens sociaux se créent, ils tombent leur carapace. C’est une ouverture et c’est énorme. »

Arnaud Soleranski, directeur du centre pénitentiaire qui compte 640 détenus, dont 22 en QMC, souligne que, pour « le public du QMC, qui vit dans une surcharge sécuritaire, c’est important d’être en lien avec le monde extérieur pour préparer l’avenir ».

*Le prénom a été modifié.

« On peut s’évader très loin avec la boxe »
Un détenu

« Je suis ici pour très longtemps », glisse sobrement Abdellah*, 42 ans. Barbe fournie et carrure dissuasive, il a laissé son casier judiciaire au vestiaire. Il est l’un des 16 apprentis boxeurs enrôlés dans le projet audacieux de Rachid Saadi. Il arbitre un combat entre deux détenus, leur intimant l'ordre de se séparer en lançant «yut», un mot d'origine thaïlandaise.

Avant d’entrer dans Double Impact, il n’avait jamais enfilé de gants de boxe. Le respect des règles du jeu c’est l’enjeu de ce projet. Dès son arrivé à Réau, il s’est inscrit à la boxe : « Au bout de 3 minutes, on est mort et on rentre dormir, souffle-t-il. Avant j’avais fait de la course et de la muscu, mais seule la boxe permet de s’évader très loin. »

A fortiori la boxe thaï, une discipline très physique qui se pratique avec les pieds les poings et les coudes. « Il n’y a pas de violence contrairement à ce que l’on pense. Car il n’y a aucun ressenti dans les coups que l’on porte. On n’a rien dans le cœur à ce moment-là. A la fin, on se prend dans les bras, il y a un grand respect entre nous », confie-t-il.

Parmi ceux qui ont accepté de jouer le jeu figure un roi de l’évasion. Assidu aux cours car « ça canalise la frustration et ça fait perdre du poids », explique-t-il en montrant des abdos en béton. « Depuis que je boxe, ça se passe mieux avec les surveillants. C’est dommage qu’ils ne participent pas », fanfaronne-t-il. Même sensation pour ce détenu de 27 ans qui totalise presque autant d’années en condamnations : « Ça aide à évacuer. Mais c’est pas suffisant pour supporter la prison. Pour ça, j’ai un mental très fort. »

Le Parisien

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