Le Gardois Jean-Pierre Ricard, 72 ans, revient dans un livre sorti au début du mois d’avril sur sa longue carrière passée au sein de l’administration pénitentiaire française.
Dire qu’il a passé sa vie en prison serait un doux euphémisme. À 72 ans, Jean-Pierre Ricard, Aigues-Vivois de naissance, a exercé près de cinquante ans au sein de l’administration pénitentiaire française.
De 1968 à 2014, le Gardois y a occupé toutes les fonctions, tour à tour surveillant, formateur, directeur d’établissement et consultant, "à Nîmes, Saint-Maur, Draguignan, Lyon, Fort-de-France, Rouen… J’ai déménagé pas moins de vingt-trois fois !", confie-t-il en souriant.
Son expérience, il la raconte dans un livre, " un roman du réel, un témoignage, une séquence de vie de cinquante ans où je me pose en historien du quotidien dans le système pénitentiaire, parce que j’ai tout vécu dans ce domaine ", appuie celui qui se qualifie comme un " auteur non-écrivain ".
Une immersion difficile
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L’histoire débute en 1968 : "J’avais 21 ans, je ne savais pas quoi faire de ma vie, ma femme était enceinte, j’avais besoin d’argent." Dans une mairie où il réalise des travaux de menuiserie, Jean-Pierre Ricard tombe sur une affiche : “La pénitentiaire recrute”.
Concours, formation, tout s’enchaîne très vite. Le Gardois est d’abord surveillant à la maison d’arrêt de Nîmes, puis à la maison centrale (Fort Vauban), prison réservée aux longues peines et installée à l’époque face aux Arènes, en plein cœur de ville. Il la décrit dans son livre comme "un cul de basse-fosse", "lugubre" "moyenâgeux". Une première immersion dans l’univers carcéral difficile pour le jeune homme, propulsé à l’épreuve et dans l’intimité de personnalités tatouées d’histoires singulières (mafieux, braqueurs, violeurs, escrocs, assassins, trafiquants…) : "Au cours de ma carrière, j’ai rencontré des membres du gang des Lyonnais, un complice de Mesrine, des mafieux corses, marseillais…", indique l’auteur.
Des détenus avec qui il a toujours veillé à cultiver ce qu’il appelle "l’art de la juste distance", notion à laquelle il consacre un chapitre dans son ouvrage : "L’empathie est dangereuse et en même temps, il faut s’astreindre à une vigilance accrue afin que certaines zones de son humanité ne s’éteignent pas, parce que si vous passez votre temps à être trop distancié, votre vie est foutue, vide de sens."
Le réceptacle des déviances
La vocation, la vraie, elle ne viendra que plus tard, lorsqu’il sera formateur à l’école nationale de l’administration pénitentiaire, près de la prison de Fleury-Mérogis, puis quand il enfilera les gallons de directeur : "C’est un métier captivant, qui prend aux tripes. Il faut, dans son exercice, accepter l’idée de la complexité. Vous êtes dans la gestion de ressources humaines (détenus, familles, aumôniers, enseignants, policiers…) la gestion hôtelière (literie, alimentation…) et la gestion financière.
C’est un métier de prise en charge, car il ne faut pas l’oublier, la prison ne va pas chercher les délinquants, ils viennent à elle parce qu’ils ont fauté dans la société dans laquelle ils sont, pour X raisons. Nous, on est le réceptacle exacerbé de ces déviances et, ce qui est étonnant et n’a cessé de m’étonner, c’est que tous les maux de la société sont rassemblés en un espace réduit, et que ça se passe globalement bien", assure l’ancien directeur.
Pourtant, les prisons sont confrontées à la surpopulation, au manque d’effectifs, aux grèves du personnel insatisfait de ses conditions de travail… " La surpopulation conduit à tout le reste, répond du tac au tac le professionnel. Je l’ai toujours connue, elle n’a généralement lieu que dans les maisons d’arrêt, où il y a le tout-venant (condamnés en attente de jugement ou d’affectation, prévenus…). Il faudrait soit moins incarcéré, mais le numerus clausus est impossible, soit construire de nouvelles prisons. Mais comme dit le proverbe, la nature a horreur du vide, et j’ai beaucoup vu de prisons pleines avant même d’être ouvertes. C’est un problème délicat", concède le retraité.
Un reflet de la société
En dehors des multiples anecdotes qui parsèment sa carrière, comme cette fois où "sept détenus se sont évadés en une seule nuit", ou encore sa rencontre avec Aimé Césaire en Martinique, le témoignage de Jean-Pierre Ricard permet de prendre la mesure de l’évolution du système pénitentiaire : "Quand j’ai débuté, c’était la loi du silence, les détenus n’avaient pas le droit de parler entre eux ni les surveillants de leur adresser la parole en dehors du cadre professionnel.
Puis en 1971, la règle a été abolie, on a autorisé les journaux et la radio… et c’est pareil dans l’architecture, avant les douches et les wc, il y avait les seaux hygiéniques", raconte le Gardois, pour qui la prison est le miroir du dehors : "Ce livre est aussi une expression de l’évolution de la société, car la prison évolue avec elle. Plus celle-ci est dangereuse, indifférente, individualiste, plus on retrouvera la même chose dans le milieu carcéral...
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