vendredi 11 octobre 2013

Exclusif - Les vrais effets de la réforme Taubira

Un document confidentiel de la chancellerie évalue les conséquences du projet de loi pénale. Années de prison, nombre de détenus en moins…Revue de détail.
 
En limitant les incarcérations, Christiane Taubira espère faire baisser le taux de récidive grâce à des mesures de suivi des condamnés plus strictes que celles habituellement pratiquées en prison.
 
Rarement projet de loi n’aura autant déclenché les passions. Pourtant, partisans et détracteurs de la réforme pénale, présentée hier en Conseil des ministres par Christiane Taubira, ne s’appuyaient juqu’ici que sur des hypothèses pour mesurer ses conséquences. Car en la matière, un seul document fait foi : l’étude d’impact définitive.                                         
                                                                                                                                                                                                                              Ce travail méticuleux de 120 pages, achevé lundi dernier et que nous avons pu consulter en exclusivité, détaille les effets prévisibles du projet, en termes d’années de prison, de nombre de détenus potentiellement libérables, ou encore de charge de travail pour les magistrats et les policiers.

Si certains chiffres paraissent spectaculaires, ils doivent néanmoins être remis dans leur contexte : en limitant les incarcérations, la ministre espère faire baisser le taux de récidive — qui a augmenté de 3,1% entre 2007 et 2010 — grâce à des mesures de suivi des condamnés plus strictes que celles habituellement pratiquées en prison.

7000 années de prison en moins
En termes de peines de prison prononcées par les juges, le projet devrait se traduire par une diminution de 7000 années d’incarcération à exécuter. Un chiffre important mais qui reste plutôt marginal comparé aux près de 100000 années de prison prononcées tous les ans. Cette baisse est une conséquence directe de la suppression des peines planchers (- 4000 ans) et de la fin de la révocation automatique du sursis (- 3000 ans), un dispositif qui permettra au juge de ne pas faire « tomber » systématiquement une peine de prison avec sursis en cas de nouvelle infraction.

Entre 8000 et 20000 « contraintes pénales » par an
Pilier de la réforme, la création de la contrainte pénale va permettre de prononcer une série d’obligations et d’interdictions à un délinquant encourant cinq ans de prison ou moins, en lieu et place d’une peine d’incarcération. En réalité, cette nouvelle sanction est quasi identique au dispositif connu des juges sous le nom de « sursis avec mise à l’épreuve » et devrait donc s’y substituer naturellement. Conséquence : l’étude estime qu’entre 8000 et 20000 de ces nouvelles peines devraient être prononcées par an, sans qu’elles n’entraînent d’impact notable sur le nombre de détenus.

Une baisse de 2600 à 6600 détenus
Difficile à évaluer, la baisse du nombre de prisonniers ne deviendra significative que trois ans après l’entrée en vigueur du texte. A partir de cette date, la diminution de ce nombre à un instant donné devrait être comprise entre 2600 et 6600 détenus. Cette fourchette s’explique notamment par la suppression des peines planchers et des révocations automatiques du sursis (- 4000 prisonniers), compensée par une hausse issue de la fin des aménagements automatiques des peines comprises entre un et deux ans (+ 3600). C’est en réalité l’examen systématique des libérations conditionnelles pour les condamnés en fin de peine qui aura le plus d’impact, responsable à lui seul d’une diminution comprise entre 2200 et 6200 détenus en fonction du nombre de libérations finalement prononcées.

Une surcharge de travail
L’application de la réforme se traduirait aussi par une légère surcharge d’activité. Chez les magistrats, entre 17 et 57 postes devront être créés, essentiellement chez les juges d’application des peines, en charge du suivi des délinquants condamnés à une peine de contrainte pénale. La chancellerie a retenu l’hypothèse haute, en finançant 10 emplois dès 2014, et en en prévoyant 47 autres d’ici à 2017.

Jusqu’à mille nouveaux postes de conseiller d’insertion et de probation seront nécessaires, eux aussi d’ores et déjà financés. Policiers et gendarmes seront également mis à contribution, afin de s’assurer du respect des obligations et interdictions prononcées dans le cadre d’une contrainte pénale, via par exemple des visites surprises au domicile du condamné. Un effet de la réforme qu’il n’est, à ce stade, pas possible de traduire en termes d’effectifs selon le document. Ce projet sera examiné par le Parlement à partir d’avril prochain, c’est-à-dire après les élections municipales. Il pourra, évidemment, faire l’objet d’amendements.

Le Parisien

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