lundi 21 octobre 2013

Nancy (UHSI) / Ensisheim - Emile Louis est décédé hier

Cet article a été originellement publié le 23 août 2006. Emile Louis, l'un des plus célèbre tueurs en série français, est mort ce 20 octobre à Nancy. Il avait été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité pour une série de meurtres commis à la fin des années 1970, l'affaire dite des "disparues de l'Yonne".
 
Emile Louis s'entretient avec ses avocats, dans le box de la cour d'assises du Var à Draguignan, à l'ouverture du procès des disparues de l'Yonne, en mars 2004.

Emile Louis a l'impression assez nette de s'être fait avoir. Quand les gendarmes ont débarqué chez lui, à Draguignan, dans le Var, pour ces vieilles histoires de filles disparues vingt ans plus tôt dans l'Yonne, ils ont expliqué que de toute façon, les crimes étaient prescrits au bout de dix ans et qu'il ne risquait pas grand-chose. Alors le monsieur de soixante-six ans un peu rougeaud, le brave "pervers pépère" comme l'a défini Me Didier Seban, l'avocat des parties civiles, a avoué. Il a " tout balancé pour être tranquille ". Et risque fort de finir sa vie en prison à remâcher son imprudence.

Il a reconnu le 13 décembre 2000 avoir tué et enterré sept jeunes femmes, de 1977 à 1979 dans la région d'Auxerre, sans s'attarder sur les détails. Il se souvient vaguement avoir couché du côté de Rouvray avec l'une de ses maîtresses, au bord du Serein, la rivière où il allait pêcher, puis il a eu "un trou noir". Pas au point d'oublier de l'enterrer, le lendemain. Ensuite, "j'ai enterré une seconde jeune fille, je ne me souviens plus de son nom ni de son prénom ", dit Emile Louis aux gendarmes. Il en a d'ailleurs enterré une troisième, mais il n'arrivait pas " à situer son visage ". Il a avoué le lendemain, en passant, trois autres meurtres, puis un quatrième quand les gendarmes ont insisté. Il a été mis en examen pour "enlèvement et séquestration" - la séquestration, tant qu'on n'a pas retrouvé les corps, est un crime continu qui n'est pas prescriptible

Après plusieurs jours de fouilles, les enquêteurs ont découvert le 18 décembre des ossements humains, un squelette en assez bon état, puis un deuxième corps " presque complet " le 4 janvier, et des petits tas d'habits féminins. Les autres victimes n'ont jamais été retrouvées. Lors de sa première audition par le juge d'instruction d'Auxerre, Emile Louis, le 16 janvier, est revenu sur ses aveux. Un peu tard.

Emile Louis a toujours vécu avec des pupilles de la DDASS. Il est né lui-même de parents inconnus en janvier 1934, et a été élevé par un maçon qui s'occupait aussi de l'entretien du cimetière, le petit Emile donnait volontiers un coup de main. A 15 ans, il met le feu à une grange et on l'envoie dans un centre de redressement, où il dit avoir été violé par un éducateur. A 17 ans, il s'engage dans la marine et est envoyé en Indochine. Vu ses qualifications, il est affecté au rapatriement des corps, sur un bateau cimetière. Il regagne l'Yonne à 20 ans, se marie et a quatre enfants, qui ont souffert. L'aînée, Marylin, racontera des sévices à peine croyables, ce que les enquêteurs prendront d'ailleurs avec des pincettes.

Emile Louis est maçon, cheminot, gardien de château, puis chauffeur aux Rapides de Bourgogne - c'est lui qui transporte les jeunes handicapées, qu'il n'hésite pas à tripoter plus ou moins discrètement pendant le voyage. La première alerte arrive en juillet 1981, lorsqu'on découvre à Rouvray le corps de Sylviane Lesage, 23 ans, sous un tas de fumier. La jeune fille de la DDASS avait disparu un an plus tôt, et avait été élevée par la compagne d'Emile Louis. Il est vite soupçonné et, pour s'en tirer, avoue des viols sur mineurs qui lui valent quatre ans de prison, en 1983. Mais il obtient un non-lieu pour le meurtre de Sylviane.

Un homme, au moins, ne le croit pas : l'adjudant Jambert. Christian Jambert a enquêté sur sept disparitions de jeunes filles dans la région, entre le 23 janvier 1977 et le début de l'année 1979. Elles avaient toutes le même profil, 16 à 25 ans, de milieu très modeste, légèrement handicapées mentales et toutes de la DDASS, c'est-à-dire souvent perdues de vue par leurs familles et les institutions. Le secrétaire général de l'Association pour adultes et jeunes handicapés (Apajh) de l'Yonne avait déjà ses propres soucis : l'homme qui a fondé tous les foyers pour handicapés à Auxerre a été condamné à six ans de prison en 1992 pour avoir régulièrement violé une jeune fille dans sa voiture, pendant qu'un garçon handicapé pleurait à l'arrière. Son épouse aimait bien Emile Louis, pour qui elle a même témoigné quand il a été accusé d'attouchements sur les enfants de sa compagne.

L'adjudant Jambert envoie en 1984 un rapport accablant sur Emile Louis au parquet, qui le classe sans suite. Mais le gendarme en fait une affaire personnelle. Pendant ses vacances il espionne Emile Louis, parti couler une retraite paisible dans le Var, et fatigue tout le monde avec son histoire de disparues. Jambert déprime, boit trop, et finit, en 1997, par se tirer une balle dans la tête alors que la justice se réveille enfin.

Elle se réveille grâce à Pierre Monnoir, un VRP têtu, président de l'Association de défense des handicapés de l'Yonne (ADHY), qui remue ciel et terre pour qu'on s'inquiète des disparitions. Le parquet d'Auxerre n'est pas chaud, ce qui lui vaudra plus tard un passage au grand complet devant le Conseil supérieur de la magistrature.

Emile Louis a été condamné à cinq ans de prison dont un avec sursis en 1989 à Draguignan pour des attouchements sur quatre fillettes de 9 à 11 ans. Libéré en 1992, il épouse Chantal Paradis, à qui il fait prendre un médicament avant de la violer sur la table de la cuisine, les poings liés, en l'écorchant au couteau sous le sein. Il violera dans la foulée la fille de son épouse, âgée de quinze ans, qui avait selon lui " le feu au derrière ". Il sera condamné en avril 2004 à Draguignan à vingt ans de réclusion criminelle avec peine de sûreté des deux tiers pour " viols avec torture, actes de barbarie et agressions sexuelles aggravées ". Il prendra trente ans en appel le 14 octobre 2005, dont vingt ans incompressibles.

Dans l'Yonne, pendant ce temps, la Cour de cassation estime le 20 février 2002 que le dossier des " disparues " n'est pas prescrit. Le septuagénaire est condamné le 25 novembre 2004 à la réclusion criminelle à perpétuité, assortie d'une période de sûreté de dix-huit ans. Peine confirmée en appel le 27 juin 2006.

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