samedi 22 octobre 2016

Prisons et religions: des chiffres difficiles à obtenir

Dans un livre paru ce 20 octobre, le sociologue Farhad Khosrokhavar, avance des estimations sur la proportion de musulmans dans les prisons françaises. Un sujet explosif et tabou, où les chiffres sont à prendre avec prudence. 

Centre pénitentiaire de Fresnes. (Illustration)

Le sociologue Farhad Khosrokhavar s'attaque à un sujet explosif: mettre des chiffres sur la population en prison.



Et, plus encore, quand il s'agit d'évoquer le sujet, souvent tabou, des personnes issues de l'immigration.

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Dans son livre Prisons de France. Violence, radicalisation, déshumanisation: quand surveillants et détenus parlent, aux éditions Robert Laffont, il revient sur la difficulté à mener des enquêtes sociologiques à ce sujet.

Aux Etats-Unis, la question est plus simple. Les observateurs de la vie carcérale française ont davantage de données sur la proportion de noirs dans les prisons américaines, que sur la répartition par origine dans leur pays. Car les statistiques ethniques et religieuses sont interdites en France.

Le "comment" et "pourquoi", plus simples que le "combien"

A l'occasion de la sortie du livre du sociologue, Le Monde s'est interrogé sur le "comment" et le "pourquoi" de la surreprésentation des "enfants de l'immigration dans les prisons". Non, sur le "combien", puisque rappelle le quotidien, aucun chiffre officiel ne peut être avancé sur le sujet. A moins de prendre le risque d'une instrumentalisation.

Parmi les chiffres existants et officiels, Le Monde évoque la proportion d'étrangers incarcérés en France. Car, de fait, les statistiques par nationalité sont elles autorisées. Dans le cas des prisons françaises, il y a 18% des personnes incarcérées qui sont de nationalité étrangères en 2016. Une sur-représentation, quand on sait que les étrangers représentent 6,4% de la population française.

Concernant des données sur l'immigration ou la religion, en revanche, les chiffres ne sont pas officiels. Selon Farhad Khosrokhavar, il y aurait "entre 40% et 60% probablement", de musulmans incarcérés dans les prisons de France. Un "probablement" qui impose de prendre de la distance par rapport à ce chiffre. Annie Kensey, démographe, chef du bureau des statistiques et des études à la direction de l’administration pénitentiaire, comme Adeline Hazan, contrôleure générale des lieux de privation de liberté, ne valident pas cette donnée.

Le chercheur, directeur d'études à l'EHESS, dénonce la "schizophrénie française" qui consiste à dire que la proportion serait erronée, alors que les statistiques sont interdites. "Qu'on me prouve que j'ai tort", lance-t-il. Ce n'est pas la première fois que Farhad Khosrokhavar avance ce type d'estimation. Il l'avait déjà fait en 2004, rappelle Libération, avec son ouvrage L'islam dans les prisons (ed. Balland).

De proportions contestées sur le plan national

Le débat est régulièrement rapporté sur le devant de la scène depuis l'enquête "Mobilité géographique et insertion sociale" de l'lnsee et l'Ined, en 1992. Le sujet était alors celui de l'intégration des populations immigrées ou descendantes d’immigrés dans la société française. Appliquée aux prisons, la question de la statistique religieuse et ethnique devient délicate dans le contexte de la lutte contre le terrorisme islamiste et de la surpopulation carcérale.

Adeline Hazan, dans les colonnes du quotidien du soir, rappelle cependant que le directeur de la prison de Fresnes, dans le Val-de-Marne, avait estimé en 2015 qu'environ 60% des détenus étaient de confession musulmane. A Fleury-Mérogis dans l'Essonne, plus grande prison européenne, "la situation est équivalente". Une proportion qui ne serait pas du tout la même sur le plan national.

Les repas pour le Ramadan, un indicateur

Une autre donnée permet d'approcher la question. Celle des commandes de repas spéciaux pour le ramadan. En 2016, 18.630 personnes, ou 27.5% des détenus, ont sollicité ces repas, détaille la démographe Annie Kensey. Un chiffre cependant très variable, en fonction de la géographie et du type de centre de détention. Dans les maisons centrales, où sont effectuées des peines longues pour crime ou grand banditisme, les commandes de repas aménagés reculent à 14%.

BFM TV

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