lundi 8 décembre 2014

Djihadistes en prison : comment enrayer la radicalisation ?

Plus de 3.000 européens sont partis combattre aux côtés des islamistes en Syrie et en Irak. On estime que 400 français sont sur place, 200 seraient revenus. L'ampleur du phénomène pose des questions inédites au système judiciaire français. En prison, d’abord, où se retrouvent beaucoup de ces djihadistes à leur retour. Mais c’est toute la chaîne judiciaire qui est concernée.



La détention a toujours été un terreau fertile pour la radicalisation, facilitée par l'isolement et la détresse des détenus. À la fin des années 1990, Karim Mokhtari était détenu à la maison d'arrêt d'Amiens. Paumé, "en errance", dit-il, il s’est rapproché d’un groupe qui pratiquait la prière collective dans la cour de promenade :

Un imam autoproclamé parmi les détenus m’a demandé si je voulais prier avec eux. Le processus a pris entre 3 et 5 semaines, on m’a donné un tuteur, qui m’apprenait les sourates du Coran en phonétique.
 
Karim Mokhtari rejoint le groupe de prière. Quand l’administration pénitentiaire décide de transférer le détenu qui faisait office d’imam, celui-ci demande à Karim Mokhtari de "continuer le combat contre les mécréants", lui propose de rester en contact pour rejoindre un camp d’entraînement après sa sortie. Karim Mokhtari a réussi à sortir de cet engrenage : "Je cherchais un islam de paix, et il me proposait encore plus de violence que celle pour laquelle j’étais en prison". Sorti en 2002, il est aujourd’hui porte-parole du portail d’information sur la prison Carcéropolis. Mais tous les détenus n’ont pas la force de résister à cet endoctrinement.

D'autant que la présence d'islamistes radicaux en prison est de plus en plus importante, depuis trois-quatre ans, et le début du conflit en Syrie. Outre leur nombre, ce qui pose problème, explique Bruno Clément-Petremann, sous-directeur de l'état-major de sécurité de l'administration pénitentiaire, c’est qu’ils sont de moins en moins facilement détectables. Finies les prières collectives en promenade :
Ils agissent de façon beaucoup plus discrète, souterraine, sans signes extérieurs de prosélytisme.
140 détenus identifiés comme radicaux sont actuellement sous surveillance de l’administration pénitentiaire, c’est 50 de plus qu’avant l’été : une recrudescence liée aux retours d’Irak et de Syrie. "Avant, on avait tendance à les disséminer", explique Bruno Clément-Petremann, "mais avec le nombre, si on les dissémine, on multiplie le risque de prosélytisme".
Faut-il isoler ces radicaux des autres détenus ?
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