Près de 70 000 détenus. Contre la surpopulation carcérale, les candidats à la présidentielle proposent principalement la création de nouvelles places. Une solution qui est loin d'être idéale, selon l'Observatoire internationale des prisons (OIP).
La France a battu un nouveau record en 2017. Au 1er mars 2017, 69.430 personnes étaient détenues alors que les établissements pénitentiaires ont une capacité d’accueil de 58.664 places opérationnelles.
Dans le même temps, la maison d’arrêt de Villepinte (Seine-Saint-Denis) se dit «dans l’impossibilité physique d’accueillir plus de détenus» avec un taux d’occupation de 201%.
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Les candidats à la présidentielle disent avoir pris la mesure du problème et certains ont déjà fait des propositions concrètes. Au total, sur les onze candidats, cinq prévoient de créer des places supplémentaires en prison durant leur quinquennat s'ils sont élus.
Les plus ambitieux sont Marine Le Pen et Nicolas Dupont-Aignan qui évoquent pas moins de 40.000 places supplémentaires. Cinq candidats évoquent des mesures alternatives à l’emprisonnement.
Revue des propositions.
François Fillon veut créer 16.000 places en prison et privilégier les mesures de sursis avec mise à l’épreuve et suivi socio-judiciaire.
Marine Le Pen a l’intention de bâtir 40.000 places de prison supplémentaires en 5 ans. La candidate du Front national veut «appliquer la tolérance zéro et en finir avec le laxisme judiciaire par l’abrogation des lois pénales laxistes (comme la loi Taubira), le rétablissement des peines planchers et la suppression des remises de peine automatiques.»
Emmanuel Macron veut construire 15.000 places en prison. Le candidat d’En Marche veut supprimer le principe de l’automaticité de l’examen de l’aménagement des peines inférieures à deux ans. L’ancien ministre veut également mettre en place une «agence des mesures alternatives à l’incarcération pour encourager le développement des travaux d’intérêt général».
Jean-Luc Mélenchon (La France Insoumise) reste vague mais dit vouloir «mettre fin au tout carcéral» en proposant des peines alternatives à la prison.
Nicolas Dupont-Aignan (Debout La France) veut créer 40.000 places supplémentaires en prison et promet un seul détenu par cellule. Il propose également de développer les travaux d’intérêt général comme peines alternatives à la prison. Il dénonce «les lois de remise en liberté déguisée des criminelles», faisant notamment référence à la suppression des peines planchers. Dupont-Aignan veut également rendre obligatoire le mandat de dépôt à l’audience de jugement en cas de condamnation à une peine de prison ferme.
Jacques Cheminade veut créer 10.000 places en prison et renforcer les peines de substitution. Il souligne aussi : «Il ne faut plus emprisonner les malades mentaux, et, pour ceux qui sont aujourd’hui incarcérés, les réorienter vers des unités spécialisées».
Pour Benoit Hamon (PS), créer des places en prison n’est pas une solution. Lui veut améliorer la préparation de la réinsertion et prévenir la récidive, pour éviter un retour à la case prison.
François Asselineau, de l'Union Populaire Républicaine veut travailler, «restaurer la prison et transformer l'univers carcéral», mais n'évoque pas la surpopulation carcérale.
Nathalie Arthaud, candidate de Lutte ouvrière, ne fait, de son côté, aucune proposition pour lutter contre la surpopulation carcérale. Ni sur le système carcéral en général. Pas plus que Philippe Poutou, du Nouveau parti anticapitalise, dont les propositions sur la sécurité sont concentrées sur les violences policières. Jean Lassalle, sans parti, n'évoque pas non plus le problème.
Et si la prison n’était pas une solution ?
Pour l’Observatoire international des prisons (OIP) qui étudie la question de l’incarcération depuis 1996, «il y a depuis plusieurs années une progression du taux de détention, mais il n’y a pas plus de personnes qui commettent des délits». La surpopulation carcérale serait «l’effet des politiques pénales».
«Lors des procédures de comparution immédiate par exemple, les gens sont jugés très rapidement. Plus de 7 fois sur 10, des peines de prison ferme sont prononcées», déplore Marie Cretenot, responsable du plaidoyer de l’OIP. La prison est aussi vue comme une arme de dissuasion par certains juges.
Mais «la prison renforce le cercle vicieux de la délinquance», regrette-t-on à l'OIP. Et qui dit récidive, dit retour en prison et augmentation de la population carcérale. D’autant que près de 20.000 personnes effectuent des peines de moins d’un an. Des candidats pour des peines alternatives, effectuées en dehors des murs d’une prison. Ce qu’encourage l’OIP.
Les peines alternatives en résumé
La loi française possède un arsenal d'outils qui permettent au juges de punir autrement que par la privation de liberté :
Le travail d'intérêt général : le condamné exécute un nombre d'heures non-rémunérées au service d'une association ou d'une collectivité territoriale, par exemple.
Le sursis avec mise à l'épreuve : le condamné n'est pas mis sous écrou mais doit respecter des interdictions et obligations.
Le placement à l'extérieur : le condamné n'est pas en prison, mais doit avoir un projet d'insertion.
La surveillance avec bracelet électronique.
Une pétition remise aux candidats
«Les outils juridiques existent mais une bonne part du budget est allouée aux constructions de prison. Il n’y a pas assez pour placer les justiciables en milieu ouvert», note Marie Cretenot. En 2017, le budget alloué à la construction de cellules et à la rénovation des prisons est de plus d’1 milliard d’euros.
Pour l’OIP, une rallonge du budget accordé aux alternatives et aux aménagements de peine est indispensable. L'assocation a d'ailleurs lancé une pétition sur Avaaz, qui a notamment recueilli les signatures des députés Noël Mamère et Cécile Duflot, du pénaliste Éric Dupont-Moretti, du directeur du festival d’Avignon, Olivier Py, ou encore du comédien Bruno Solo. L'OIP réclame ainsi que les candidats à la présidentielle se prononcent tous sur les peines alternatives. La liste des signataires devrait leur être remis le 18 avril, c’est-à-dire deux jours avant le débat qui devrait réunir les candidats sur le plateau de France 2.
Le Parisien
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