lundi 16 mai 2016

La justice française usée jusqu'à la corde

Qu'avez-vous fait Mme le juge quand vous avez pris votre poste ? « J'ai acheté une serpillière. »

Si l'on regarde le seul chapitre des frais de justice, la dette de l'État culmine désormais à 170 millions d'euros.

Dans sa cité judiciaire de Nancy, où l'eau s'infiltre beaucoup plus vite que la justice n'est rendue, cette magistrate a eu peur que les visiteurs dérapent... Entraînant dans leur chute, le peu de crédit qu'ils accordent désormais à une institution qui répond trop tardivement à leurs attentes.



95 % des Français trouvent la justice trop lente et 88 % trop compliquée. Elle est déconnectée de la réalité sociale d'un couple qui divorce, de la situation économique d'une entreprise pendue à une décision.

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Ordinateurs en panne, photocopieuses sans papier, courants d'air, humidité, arrêts maladie, dossiers jusqu'au plafond et dettes jusqu'à la cave... Les témoignages qui remontent à la surface d'un monde judiciaire sinistré font froid dans le dos.

Selon les propres mots de Jean-Jacques Urvoas, l'actuel garde des Sceaux, le système judiciaire français « est en voie de clochardisation ». La robe noire des magistrats serait-elle usée au point de faire la manche ? L'expression en a choqué plus d'un, elle a eu le mérite de dénouer les cordons élimés de la bourse étatique.

Le ministre l'annonce aujourd'hui dans nos colonnes, 107 millions d'euros viennent d'être débloqués pour utilisation immédiate. Qu'on ne s'y trompe pas, il ne s'agit pas d'une rallonge budgétaire mais d'un dégel de crédits déjà acquis mais bloqués dans une « réserve de précaution ».

Danger pour la démocratie

Une bouffée d'oxygène dans les poumons d'un malade au bord de l'asphyxie. Si l'on regarde le seul chapitre des frais de justice, la dette de l'État culmine désormais à 170 millions d'euros. Interprètes, experts, laboratoires d'analyses doivent patienter des mois avant d'être payés. Même le logiciel censé rendre plus efficace les paiements est long et compliqué.

Lorsqu'ils se voient confier des prélèvements de la police technique et scientifique, les experts et laboratoires d'analyses doivent parfois patienter des mois avant d'être payés.

Lassés par tant de tracasseries, ulcérés de faire la banque de l'État aux dépens de leurs propres finances, de nombreux experts qualifiés désertent les palais de justice. La qualité des jugements rendus ne peut qu'en être altérée.

Inquiète de la situation, la conférence des bâtonniers a récemment fait remonter de l'ensemble des 163 barreaux français un état des lieux édifiant. Les tribunaux de Nantes, Rennes et Brest figurent dans le top 10 des juridictions qui souffrent le plus.

À chaque fois, les maux sont les mêmes : vacances de postes, délais d'audiencement catastrophiques notamment pour les affaires familiales... Les justiciables s'impatientent, les relations se tendent avec les avocats.

À chaque fois, les maux sont les mêmes : vacances de postes, délais d'audiencement catastrophiques. Les justiciables s'impatientent, les relations se tendent avec les avocats.

La Chancellerie répond création de postes : pour la première fois en 2016, il y aura plus de magistrats à entrer dans leur fonction qu'à partir en retraite. Et déjudiciarisation : le projet de loi débattu demain prévoit notamment de soustraire les magistrats du divorce par consentement mutuel et des conventions de surendettement. La protection des plus faibles en sort-elle renforcée ?

Ce tour d'horizon bouché ne saurait être complet sans évoquer l'état déplorable des prisons françaises : la surpopulation carcérale indigne, les tensions et les suicides, les conditions de travail des surveillants...

Le garde des Sceaux se bat pour que le budget 2017 de son ministère soit revu à la hausse. C'est urgent. Dans une démocratie, il vaut toujours mieux fortifier la justice que justifier la force...

Ouest-france

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