Le rappeur américain Alpoko Don en concert hier à la maison d’arrêt de Belfort.
Lorsque Kem Lalot, de Territoires de musique, découvre pour la première fois la vidéo d’Alpoko Don sur YouTube, il ne doute pas d’être tombé sur LE phénomène du rap émergent.
Littéralement scotchés
Kem Lalot le fait aussitôt venir en France, lui qui n’a jamais traversé l’Atlantique. Il l’inclut dans la programmation du festival Génériq. Et intéresse Chantale Gamma, de l’association socioculturelle de la maison d’arrêt de Belfort, à l’aventure pour un concert spécial en prison.La chose étant entendue, Don Alpoko se produisait hier entre les murs devant une vingtaine de jeunes détenus, ignorant tout, pour la plupart, de l’artiste. Ils n’auront pas tardé, à l’issue d’un concert d’une heure, à mesurer l’étendue de son talent.
Dès le début, c’est bien Don qui a donné le « la ». Qui les a plongés sans prévenir dans son univers. Ils s’attendaient à des gesticulations et à des vociférations haineuses ? Ils en ont été pour leurs frais.
Il a démarré assis à une table avec pour seul accompagnement rythmique son avant-bras et une pièce de monnaie. Et il leur a balancé le tube qui a fait son succès, « All I know », a capela, avec sa voix pour instrument, alternant vibratos et lamentos, jusqu’à fascination d’un public de détenus littéralement scotché. On n’est pas loin des racines du blues, on claquerait presque dans les doigts.
Puis, Don se saisit du micro et se lève. Reprend le thème, mais le slame, le rape, le scande. Plaisir évident de chanter, de leur offrir cette joie tant tous sont tendus vers lui.
Mais il ne s’arrête plus. Une mélodie connue en démarrage, on s’en souvient, mais d’où ? On la chantonne, il s’en empare. Elle devient slam. Une autre, « Everytime, she goes away », on fredonne aussi. Elle devient rap.
Tout devient clair, Don part de « standards » de Franck Sinatra pour les adapter à son rythme intérieur. Et que c’est beau. Jouissif, même. Poisseux comme le slang du Sud des États-Unis.
« Gangsters, you’re in jail ! », lance-t-il aux détenus. « I’m a gangster », chante-t-il en retour. Il évoque la famille, la maison, les amis, le pardon. Et il assure qu’il est heureux.
Fin du concert. Il va vers les détenus qui lui ont fait une ovation et lui réclament un autographe. Le courant est passé, dans un sens comme dans l’autre.
Lui aussi a fait de la prison. Sept ans pour le braquage d’une bijouterie. C’est dans sa cellule qu’il a créé son style. « Je n’avais pas d’instrument, je faisais avec ce que j’avais, mes mains », dit-il. A l’ombre aussi qu’il s’est réconcilié avec Dieu. « Sans lui, je n’existerais pas », lâche-t-il dans un grand sourire. « C’est mon number one. »
Est Républicain
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