mardi 2 décembre 2014

Un rapport parlementaire prône le « strict respect de l’encellulement individuel » en 2022

Après quelques nuits blanches, Dominique Raimbourg a présenté, mardi 2 décembre, à la garde des sceaux, Christiane Taubira, son rapport sur l’encellulement individuel, et détaillé 24 propositions.

Dans l'ancienne prison Saint-Joseph de Lyon, en novembre 2012.

Une gageure : le député socialiste de Loire-Atlantique, fin connaisseur des questions judiciaires, a eu 20 jours pour proposer des solutions à un problème insoluble qui traîne depuis 1875. La loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 a une nouvelle fois repoussé à cinq ans l’application de ce principe et l’Assemblée nationale a refusé le 28 octobre au gouvernement un nouveau moratoire de deux ans. Le parlementaire en mission a été chargé d’examiner au fond la question.

Lire aussi : Pas d’encellulement individuel avant 2025 au moins
L’encellulement individuel n’est pas seulement une question de respect de la dignité de la personne. « Le manque d’espace, la promiscuité, génèrent des tensions et de la violence entre détenus, d’abord et envers le personnel également, rappelle le député. Cette surpopulation interdit une répartition fine des détenus, force les plus fragiles à cohabiter avec des délinquants chevronnés et, par là, favorise tous les trafics et tous les rackets. En outre, elle gêne évidemment la préparation à la sortie et donc la lutte contre la récidive. »

Ce n’est pas simple. Au 1er octobre, on dénombrait 66 494 personnes incarcérées, pour 58 054 places opérationnelles – qui ne correspondaient qu’à 40 857 cellules individuelles. « La difficulté est donc liée à la fois à la surpopulation et à l’architecture », souligne Dominique Raimbourg.

Construire de nouvelles prisons, une solution simpliste

Ce sont les maisons d’arrêt, théoriquement réservées aux courtes peines et aux prévenus en attente d’une condamnation définitive, qui sont les plus surpeuplées : 247 % à Orléans, 210 % à Rennes, 318 % en Polynésie… Mais 28 maisons d’arrêt ont un taux d’occupation de 150 à 200 % et 1 041 personnes dorment encore sur un matelas par terre.

La solution la plus simple serait de construire de nouvelles prisons : elle s’avère simpliste. L’expérience prouve que, plus il y a de places, plus on incarcère : le nombre de détenus a presque doublé en trente ans. Par ailleurs, la construction d’une place revient en moyenne à 160 000 euros, puis à 87 euros par jour (76 euros en maison d’arrêt, mais 179 en centrale). La pénitentiaire absorbe déjà plus de la moitié du budget de justice, et la levée d’un impôt supplémentaire pour les détenus risque de ne pas faire l’unanimité.

Dominique Raimbourg est allé voir comment s’en sortaient les autres pays européens. L’Allemagne et les Pays-Bas incarcèrent davantage que la France, mais les densités carcérales sont de 89 % en Allemagne, et de 86 % aux Pays-Bas, contre 117 % pour la France. Sans avoir plus de places de prison. Au 1er septembre 2012, avec 102,2 détenus pour 100 000 habitants, la France a un taux de détention supérieur à celui de l’Allemagne (76,1) et des Pays-Bas (66,5). Simplement la France (ou l’Italie) incarcère plus longtemps, et pour des peines plus lourdes : 8,8 mois en moyenne, 7,4 en Allemagne, et 3,5 mois aux Pays-Bas.

Un nouveau moratoire inévitable

Alors que faire ? Dominique Raimbourg rappelle que l’encellulement individuel est « un droit mais ne peut être une obligation », certains, notamment les détenus plus âgés, ne le souhaitent pas, la solitude peut même être dangereuse pour les plus fragiles.

Ainsi, pour le parlementaire, « un taux de 80 % de places individuelles apparaîtrait comme permettant l’exercice de ce droit à l’encellulement individuel ». Pour ce faire, « point n’est besoin de construire des milliers de places au-delà de celles projetées (66 700), indique le député. Notre parc pénitentiaire devrait nous permettre d’atteindre à terme dans des conditions satisfaisantes un taux de 100 détenus pour 100 000 habitants, ce qui paraît largement suffisant ».

Un nouveau moratoire est, à court terme, inévitable. A condition, insiste Dominique Raimbourg, de s’imposer un calendrier : affiner tous les recensements et les projets budgétés en juin 2016, avec un point d’avancement en juin 2019, pour un « strict respect de l’encellulement individuel » en 2022.
Sous le double contrôle du Parlement et de la contrôleure générale des lieux de privation de liberté, avec la possibilité pour la presse de visiter librement les établissements. Il entend aussi que l’administration se dote (enfin) d’outils précis, pour recenser systématiquement le nombre de cellules, de WC, de points d’eau, d’éclairage…

Limiter les comparutions immédiates

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