dimanche 10 avril 2016

Stage de plongée, cours le boxe... Les étranges méthodes de déradicalisation

Une partie des fonds du plan de lutte contre la radicalisation en prison a servi à financer des stages à l'intitulé parfois déroutant pour les surveillants, qui doivent en assurer la sécurité. La Cour des comptes préparerait un rapport.

Intérieur de la prison de Fresnes photographié en juin 2016, où ou plan de déradicalisation des prisons prévoyait deux quartiers d'isolement pour détenus radicalisés.

La lutte contre la radicalisation en prison prend des tournures parfois étonnantes.

Au lendemain des attentats de janvier, 80 millions d'euros avaient été débloqués pour combler le manque de personnel, d'infrastructures et d'activités dont souffre l'administration pénitentiaire.

La moitié de l'enveloppe a effectivement servi au recrutement d'effectifs supplémentaires. Le reste a été investi dans le matériel, les infrastructures... mais aussi dans des activités pour le moins contestables, selon un syndicat de surveillants contacté par Le Figaro, confirmant une information de RTL.

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«On a vu des stages de plongée, de catamaran, des balades en vélo...», énumère ce responsable syndical FO. «On a vu partir des budgets colossaux pour les faire jouer au foot, en espérant sûrement que 45 minutes de match leur fasse renoncer au djihad», ironise-t-il.

Un autre élu syndical confirme, et précise: «Les directions interrégionales ont reçu de l'argent qu'il fallait dépenser rapidement. Ils ont donc multiplié les propositions de projets, parfois sans lien avec la lutte contre la radicalisation. D'ailleurs, les détenus réellement visés ont systématiquement refusé de participer...».

Quand ils ne sont pas inutiles, certains projets peuvent se révéler dangereux: «plusieurs prisons proposent des cours de boxe ou des initiations aux sports de combat!»

Evasion lors d'une ballade à vélo

Dans un contexte de disette budgétaire, où le garde des Sceaux Jean-Jacques Urvoas parle de justice «sinistrée», «en état d'urgence», ces dépenses passent mal. Surtout que certaines activités présentent clairement des risques d'évasion, dénoncent les syndicats.

«A salon de Provence, nous avons récemment eu un détenu radicalisé qui s'est échappé pendant une ballade à vélo», explique l'élu FO. «Dans ce type d'activité, on n'a qu'un gardien pour dix détenus. Donc vous pensez bien que si l'un d'entre eux fuit, on ne va pas quitter tous les autres pour lui courir après...». En 2015, environs 300 évasions étaient liées aux activités extérieures, assure-t-il.

Par ailleurs, le budget alloué est aussi astronomique que l'intitulé des activités est flou.

Florilège: En Loire-Atlantique, un projet intitulé «lecture et citoyenneté» à la prison d'Orvault a été facturé 18.428 euros. A Brest, un «atelier de mobilisation citoyenne» a coûté 16.000 euros.

A Caen, un projet baptisé «pallier à la sédentarité» aurait représenté 14.190 euros.

«En réalité, ces sommes ne correspondent à rien», s'agace l'élu syndical. «Dans plusieurs établissements, on s'aperçoit que ces ateliers figurent bien sur la feuille de mouvement, mais soit l'intervenant n'est pas là, soit il fait quelque chose de tout à fait différent avec les détenus...»

En réalité, cet argent sert à «reboucher une fuite, remplacer le filet de sécurité de la cour de promenade... Voilà où passe l'argent dédié à la déradicalisation. C'est dire dans quel état sont nos prisons.» La Cour des comptes préparerait un rapport sur le sujet, ce qu'elle n'a pas souhaité confirmer au Figaro.

Le plan de déradicalisation comporte un autre volet phare: la création de cinq quartiers d'isolement à Fleury-Mérogis, Lille-Annoeullin, Osny et deux à Fresnes, réservés aux détenus radicalisés.

L'initiative est bien plus soutenue par les surveillants. Mais les premiers retours d'expérience sont mitigés. «En réalité l'isolement n'est pas total», regrette l'élu FO. «Les détenus se mélangent lors des promenades, et peuvent parfois communiquer par fenêtres interposées. A l'heure actuelle, où notre premier ministre dit que nous sommes en guerre contre le terrorisme, il faudrait que ces gens-là soient réellement isolés. C'est une question de sécurité.»

Le Figaro

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