vendredi 18 avril 2014

A LIRE - La longue peine des surveillants de prison

Cet article reflète la vérité quotidienne du terrain...
 
Le rapport de force entre détenus et surveillants a évolué. Dans le mauvais sens. Privés de soutiens, les gardiens ne sont plus respectés. Il y a danger. Confidences.
 
 Surveillant de prison, ce n’est pas une vocation. Le métier a changé en même temps que la société.  AFP
Surveillant de prison, ce n’est pas une vocation. Le métier a changé en même temps que la société

Astrid, Didier, David, Fabrice. Quatre des 130 surveillants qui passent leur vie, nuit et jour, derrière les murs de la prison de Laon. Quatre destins. Comment sont-ils devenus surveillants ? Pourquoi ? Que vivent-ils depuis ? Sont-ils heureux de leur choix ?
 
Astrid est brigadier, surveillante depuis 19 ans. « J’aurais préféré avoir le concours des impôts mais ça a été la pénitentiaire », explique-t-elle. Des quatre, c’est la seule à temporiser sur l’opportunité de son choix. « J’avais un copain gradé. Il m’a dit de tenter le concours. Je l’ai fait. C’est un métier sûr mais dur pour la vie de famille surtout quand on a des enfants », souligne Astrid. Les week-ends et les jours fériés travaillés, elle connaît.
 
Les débuts en région parisienne et aujourd’hui les vacances sans les gamins aussi.
 
« On a des collègues qui finissent par avoir des problèmes de couple », confie Fabrice, dans la pénitentiaire depuis 2000. Fabrice a loupé les concours pour entrer dans la police et la gendarmerie, il a réussi celui-là. Il a échappé ainsi à une vie d’ouvrier qu’il menait depuis 9 ans à Beautor.
 
Même chose pour Didier, brigadier comme Astrid. « J’étais en intérim à la MATT de Montcornet et j’ai rencontré un copain sur une fête foraine qui m’a parlé de ce travail de gardien. C’est parti comme ça. » Concours à Laon en 1994, un mois d’observation à Nanterre et 8 mois ensuite de formation à l’école nationale, l’ENAP, aujourd’hui centralisée à Agen.
 
« On y apprend la théorie. Ça n’a rien à voir avec ce qu’on rencontre sur le terrain. Par exemple, on nous dit qu’on doit être surveillant et œuvrer en faveur de l’insertion des détenus. Clairement, on n’a ni la formation, ni les moyens ! » regrette le brigadier.
 
Fabrice ne dit pas autre chose : « J’imaginais que l’uniforme du surveillant était respecté mais c’est tout le contraire. Aujourd’hui, les détenus sont à l’image de la société. Comment voulez-vous qu’ils nous respectent quand ils vivaient dehors sans contraintes, tapaient leurs parents pour certains ou violentaient leurs frères et sœurs ! »

« Ils savent se soutenir »

Le profil des prisonniers a changé, « il n’y a pas d’argent, les moyens ne suivent pas », regrette Fabrice. Les cadres de l’école nationale n’ont pas fréquenté le terrain depuis un bail, la politique pénale s’attache au cadre de vie des personnes détenues, « si bien qu’on se sent seuls. Pas du tout soutenus », déplore David.
 
Un exemple ? « On a deux brigades cynophiles en France, bientôt quatre. Les chiens vont mourir de vieillesse ! Jamais on ne les a à Laon. Alors la drogue, ça circule un maximum. D’autant qu’on n’a plus le droit de fouiller les détenus sauf en cas de suspicion. Et encore, il faut des autorisations ! »
 
La drogue, l’alcool, les téléphones, les tablettes numériques « et encore, on ne vous dit pas tout », soupire Didier. En prison, partout, le rapport de force s’est déplacé du côté de la population carcérale. « Alors on gère, on reste diplomate. Quand on prend un gars avec un téléphone portable, s’il ne veut pas le rendre, c’est compliqué. On a vite fait de se retrouver encerclé par une dizaine de détenus. Pour ça, ils savent se soutenir.  »
 
 La hiérarchie est au courant, tout le monde l’est, « personne ne veut risquer l’émeute ». Au bout de 19 ans de cette vie, Didier perçoit 1 900 euros nets par mois. « Vous me trouvez un boulot à 1 500 euros mensuels, je pars tout de suite », confie l’un de ses collègues. « Tiens, aux espaces verts de ma commune ! » « Ça serait le smic ! » lui répond Didier.
 
Il réfléchit. Peut-être tiendra-t-il encore quelques années.

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