mercredi 9 avril 2014

Prisons : les agents inquiets des parachutages d'alcool, d'armes, de drogue et de viande

Les syndicats des gardiens de maisons d'arrêt dénoncent la multiplication des livraisons de colis aux détenus qui arrivent par les airs.
 
Les jeunes complices des détenus arrivent à lancer des objets au-dessus des murs d'enceinte avant de s'enfuir. (Ci-dessus, un ballon de football piégé dans les barbelés de la prison de Borgo à Ajaccio.)
 
C'est la promenade du 9 mars dernier, dans la maison d'arrêt d'Arras qui a mis le feu aux poudres. Ce jour-là, à l'issue de la promenade, les gardiens ont eu toutes les peines du monde à faire regagner leurs cellules à une quinzaine de détenus alcoolisés. L'alcool leur avait été livrée au cours de la promenade... par les airs. Des bouteilles en plastique emballées dans du papier bulle avaient servis à faire passer du Ricard et du whisky. Les surveillants du syndicat UFAP-Unsa pénitentiaire ont dénoncé dans des tracts la multiplication de ces parachutages. «Depuis quatre ou cinq ans, c'est devenu un souci quotidien, déplore Frédéric Charlet, secrétaire général adjoint de l'UFAP-Unsa justice. On le retrouve dans 90% des établissements».
Le phénomène est bien connu du milieu pénitentiaire, c'est ce que les gardiens appellent les «projections». Ce sont généralement des jeunes de 14-15 ans, rémunérés entre 50 et 100 euros le colis, qui jettent par-dessus les murs de la prison des paquets destinés aux détenus et payés par ces derniers. La livraison a lieu à une heure bien précise, dure une dizaine de minutes pendant l'heure et demie de promenade et le processus est très organisé.

Alcool, drogue et téléphones portables

L'alcool est le best-seller des projections, suivi de la drogue, des téléphones portables et de la viande. On retrouve également des couteaux, des armes de poing et des munitions. «Il est fréquent d'observer deux ou trois projections par jour avec une dizaine de colis par projection, explique Christopher Dorangeville, référent personnel de surveillance de la CGT pénitentiaire qui connaît bien les maisons d'arrêt de la région parisienne. Certains établissements sont plus touchés que d'autres. C'est le cas notamment de Villepinte (Seine-Saint-Denis)». À Meaux où les parachutages étaient très fréquents, un dispositif a été mis en place avec des filets pour rehausser le mur d'origine. Du coup, les projections ont diminué. «Les colis tombent désormais en chemin de ronde. Ils sont récupérés et détruits», confie Christopher Dorangeville. Il raconte avoir vu plusieurs fois des lanceurs à Meaux. Ils arrivent généralement à deux sur un scooter et traversent le champ à côté de la prison, font leur lancer avant de repartir. «Ce sont souvent des jeunes des cités qui font les livraisons. Ils sont super bien équipés, parfois armés de fronde pour mieux lancer», confie Frédéric Charlet.

Les gardiens impuissants face aux livraisons

Les détenus qui vont récupérer les paquets ne sont pas les destinataires. Ainsi quand la livraison arrive, une vingtaine de détenus foncent sur le colis, ce qui empêchent les gardiens de voir qui récupère le contenu. Puis, le paquet circule entre toutes les mains pour brouiller encore plus les pistes.
Les gardiens regardent impuissants les détenus réceptionner leurs colis. Et ils n'interviennent généralement pas, pour des raisons de sécurité. Seule la police peut intervenir à l'extérieur des prisons pour appréhender les livreurs.
L'UFAP-Unsa pénitentiaire dénonce également la fin des fouilles après les visites au parloir. Adoptée le 24 novembre 2009 sous l'influence de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, la loi pénitentiaire était venue encadrer la pratique de ces fouilles en ne les autorisant que de façon exceptionnelle. «La fin des fouilles systématiques a pour conséquence une hausse des entrées d'objets illicites», déplore Frédéric Charlet.
Le 29 janvier dernier aux Baumettes à Marseille, treize cellules avaient été fouillées dans lesquelles les gardiens ont retrouvé 16 téléphones portables avec chargeurs, des kits oreillettes, 150 grammes de résine de cannabis, 150 euros en liquide, 6 clés USB, deux lecteurs MP3 et des anabolisants.

Le Figaro

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