lundi 23 décembre 2013

De Bethléem à la prison d’Ensisheim « traverser les murs, avec nos notes »

Jesers a chanté à la maison centrale d’Ensisheim, pour fêter Noël. Sur des images d’une tournée palestinienne passée par Bethléem, l’artiste a apporté un souffle de légèreté dans l’univers carcéral.
 
Après avoir déjà joué dans la centrale pour la Fête de la musique en 2010, Jesers et ses musiciens sont revenus à Ensisheim fêter Noël  en chansons, en paroles et en images. Photos Darek Szuster

D’un mur à l’autre, d’une prison à une centrale. Forcément, en passant la lourde porte d’entrée de la maison centrale d’Ensisheim, Jesers et ses musiciens repensent au mur des Lamentations, à Gaza ville qualifiée de prison à ciel ouvert. Forcément…

Projeter le documentaire de sa tournée en Palestine puis chanter ici, dans une enceinte carcérale, a un écho particulier. Dans cette centrale de 200 détenus emprisonnés pour de longues peines, les mots résonnent différemment. Ce 20 décembre, pour la fête de Noël l’établissement propose une séance de cinéma-concert agrémentée de distribution de mignardises et de boissons. La salle est joliment garnie par une cinquantaine de détenus.

« Un groupe 4X4 »

Emmanuelle Burger, chargée de l’animation, à le sourire : « Ici, la population est assez âgée et ne se déplace pas facilement. Et puis il y a la télévision dans les "chambres"… Mais Jesers est déjà venu il y a trois ans, pour la Fête de la musique, et ça avait très bien marché. Je trouve même que son concert avait été meilleur que celui de Yannick Noah, lors de son Carcéral tour. »

Quand les dernières images du documentaire de Christophe Jarosz s’effacent de l’écran, Jesers et ses deux musiciens s’avancent et enchaînent immédiatement avec le titre Gaza. Malgré ce « parfum de paix et d’optimisme » chanté doucement, l’ambiance est lourde, tendue… Chaque titre va ensuite lever, progressivement, cette chape de plomb qui pèse sur l’assistance. Reviennent en mémoire les paroles de Marc Geschickt, le guitariste qui, dans le documentaire, parle « d’un groupe 4X4 qui marche bien partout, pour tout public ».

Comme à la Foire aux vins de Colmar, place de la Réunion à Mulhouse, dans une salle à Bethléem ou sur des scènes d’Asie, un lien se noue entre Jesers et son public. Un lien d’abord ténu que le chanteur mulhousien renforce au fil des chansons. Supernova, Jeu de l’oie et enfin des applaudissements nourris, des refrains repris en chœur. Quand quelques détenus tapent sur leur table, on pense en souriant au concert de Johnny Cash à la prison de Folsom, aux Blues Brothers enquillant Jailhouse rock devant les taulards de Joliet… Timidement, un détenu m’interpelle pour me demander « si c’est un groupe connu en France » , avant de confesser sa préférence pour les chansons calmes. On discute autour d’un café avant de s’interrompre pour écouter Mon p’tit loup de Pierre Perret, façon Jesers. « Ah celle-là, elle est belle. Jolies paroles » , constate le vieil homme, visiblement ému…

« Celle-là, elle est belle »

Les détenus vont d’une table à l’autre, distribuent les mignardises, applaudissent. Au bout d’une heure, l’ambiance carcérale s’est évadée des murs de la salle de concert. Edou Moniz, le papa du chanteur, passe derrière le micro pour chanter le refrain de J’aimerais qu’on sème. Le public se lève pour la dernière chanson, s’avance pour applaudir chaleureusement Marc, Philippe et Jesers.

« Nous avons traversé les murs avec nos notes et nos mots » , conclut le chanteur, qui offre ensuite son micro à un détenu qui souhaite interpréter une chanson. Marc et Philippe improvisent un air de reggae pour l’accompagner. Sa voix claire a des accents de complainte moyen-orientale. Ensisheim-Bethléem, la boucle est bouclée pour cette fête de Noël forcément pas comme les autres.
L'Alsace

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