Harlem shake de détenus dans la Meuse : "L'administration pénitentiaire est ridiculisée"

ENTRETIEN - Des vidéos tournées illégalement par des détenus du centre de détention de Montmédy (Meuse) circulent sur Internet et posent question. Pour Stéphane Barraut, secrétaire général adjoint de l'Union fédérale autonome pénitentiaire (Ufap), le coup est dur à encaisser. Le syndicaliste y voit-là les effets de la loi pénitentiaire votée en 2009.

 

 

L'entrée du centre de détention de Montmédy dans la Meuse. Photo : JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN / AFP

 

Stéphane Barraut est également surveillant principal à la maison d'arrêt de Valenciennes.

Que vous inspirent ces vidéos postées sur Internet par des détenus du centre de détention de Montmédy (Marne) ?

 Ça nous surprend qu'à moitié puisqu'on avait déjà été sensibilisés à ces sujets-là avec les détenus de la centrale de Lannemezan qui exhibaient des couteaux sur des vidéos (fin février dans cette prison des Hautes-Pyrénées). C'est le même cas de figure, sauf que là, ça se passe dans une coursive, où, en l'absence de surveillants, occupés à d'autres tâches, un détenu a enfilé un pull et fait un petit numéro de théâtre. Ça montre bien qu'on ne maîtrise pas tout en détention et que le pouvoir des personnes pénitentiaires est extrêmement limité. Un surveillant doit s'occuper de plusieurs dizaines de détenus sur la coursive et il ne peut pas être au four et moulin, ce qui explique que les détenus en profitent pour "s'amuser".

Comment peut-on expliquer le fait qu'un détenu arbore la veste d'un surveillant pénitentiaire ?
Je ne connais pas la configuration des lieux. S'il n'y a pas de bureau, un surveillant a peut-être posé sa polaire sur une chaise ou peut-être que le pull a été récupéré par quelqu'un. C'est dommageable certes, mais il n'y a rien d'extraordinaire. Des choses plus ou moins prohibées passent par les parloirs. On ne peut pas non plus tout maîtriser, tout canaliser, surtout depuis l'abrogation des fouilles systématiques des détenus. C'est extrêmement dommageable. L'institution pénitentiaire est montrée du doigt, ce n'est pas réjouissant.

"C'est tellement le foutoir dans nos établissements"

Est-ce que vous comprenez que ce genre d'images puisse choquer l'opinion publique ?
Je comprends que cela puisse choquer, comme on pourrait être choqué par le fait qu'on ne puisse plus fouiller systématiquement les détenus alors que quelqu'un qui va voir un match de foot est fouillé. Cela n'a pas ému nos politiques, de droite comme de gauche, au moment de voter la loi pénitentiaire en 2009. On est tributaires de cela. Je ne vois pas pourquoi un détenu qui aurait chipé un pull de surveillant émouvrait plus le citoyen ou la classe politique. Il y a tellement de choses aberrantes en prison. Combien de situations devraient émouvoir les politiques et, finalement, ne font pas plus de bruit que cela ?

Ne craignez-vous pas un impact négatif pour l'image de l'administration pénitentiaire ?
Quand on voit les images de ce détenu, ça peut paraître choquant, mais c'est tellement le foutoir dans nos établissements. Le personnel est démuni, il ne peut plus fouiller systématiquement, plus rien faire, plus rien dire. On arrive à une situation dommageable pour l'image de marque de l'administration pénitentiaire car on est ridiculisés. Malheureusement, ce sont toujours les mêmes, les personnels pénitentiaires, qui sont montrés du doigt.
Metronews