Maintes fois reporté, l'examen du projet très controversé sur la prévention de la récidive tombe au plus mal pour Manuel Valls.
Manuel Valls, premier ministre français.
Le texte sera débattu le 27 mai en commission des lois de l'Assemblée, qui va auditionner la ministre de la Justice, Christiane Taubira, et passera en séance publique le 3 juin. Au lendemain d'élections européennes qui s'annoncent comme un bon cru pour le Front national et une nouvelle défaite politique pour le PS, l'entrée en scène de la réforme pénale donne un signal de laxisme totalement à contretemps. D'autant que les Français sont majoritairement hostiles à des aménagements de peine comme aux alternatives à la prison.
Ce texte, très attaqué à droite, rétablit le principe de l'individualisation des peines en supprimant les peines planchers créées sous Nicolas Sarkozy, comme s'y était engagé François Hollande pendant la campagne présidentielle. Il crée une nouvelle peine exécutoire en milieu ouvert, «la contrainte pénale permettant le contrôle du condamné sans incarcération», et entend éviter les sorties «sèches» de prison, sans aucun accompagnement, qui représentent 80 % des sorties.
Adopté le 9 octobre dernier en Conseil des ministres, ce projet avait fait l'objet d'une vive polémique à l'été 2013 entre Manuel Valls, alors ministre de l'Intérieur, et Christiane Taubira. L'hôte de la Place Beauvau, qui jugeait le texte trop laxiste, avait adressé le 25 juillet une lettre au chef de l'État, soulignant que «l'écart de nos analyses demeure trop important et appelle une clarification de nos orientations politiques». À la fin de l'été 2013, les arbitrages rendus à Matignon avaient permis à Christiane Taubira de sauver la face.
Il faudra au premier ministre un grand sens de la communication pour défendre cette réforme pénaleMais la nomination de Manuel Valls à Matignon a clairement changé la donne, et oblige les députés socialistes à encore plus de prudence dans leurs amendements. En contact permanent avec l'Intérieur et la Justice, le rapporteur socialiste du projet de loi, Dominique Raimbourg (Loire-Atlantique), considère qu'«il n'y a pas de conflit entre Manuel Valls et Christiane Taubira sur ce texte, mais un conflit entre les ministères de l'Intérieur et de la Justice sur la charge du contrôle des interdictions qui pèseront sur les sortants de prison».
Selon le rapporteur, la question de la coopération de la police et de la gendarmerie pour surveiller le respect de ces interdictions «n'est pas réglée». Dominique Raimbourg, qui débattra mardi prochain avec ses collègues PS d'une centaine d'amendements, sur lesquels les arbitrages n'ont pas encore été rendus, marche sur des œufs et reconnaît que «le triptyque police-justice-pénitentiaire ne fonctionne pas bien». Pour Élisabeth Pochon (Seine-Saint-Denis), coanimatrice sur ce débat au sein du groupe PS, la volonté politique est de faire «un texte efficace et responsable». S'agissant des délits routiers, le rapporteur pourrait proposer que la conduite en état d'ivresse sans aucun accident relève également de la «contrainte pénale» sans passer par la case de l'incarcération.
En période de vaches maigres budgétaires, cette réforme, dont la nécessité politique reste à démontrer, va coûter cher, puisqu'il va falloir au minimum augmenter de 25 % le personnel des services pénitentiaires d'insertion et de probation (de 4000 à 5000 personnes). Il faudra au premier ministre un grand sens de la communication pour défendre cette réforme pénale dont il ne voulait pas entendre parler il y a seulement neuf mois.
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