61 candidats incarcérés ont planché toute l'année. Ils passeront la première épreuve du bac lundi.
"Pour moi, le bac, c'est un miracle", confie Alain, un ancien dealer de 37 ans qui a décroché le fameux diplôme ou plutôt son équivalent, en prison, où il vient de passer cinq années de sa vie. En liberté conditionnelle depuis tout juste deux mois, Alain poursuit aujourd'hui des études à la fac, en licence de psycho, à Paris. Ce grand gaillard qui a grandi dans la banlieue Est de Paris parle peu. Il ne fait pas de plan de carrière, il dit simplement vouloir "profiter de cette seconde chance" et "continuer à apprendre tout ce qu'(il) peut".
61 candidats sur 50 000 détenus passent le bac lundiComme lui, 61 candidats sur les quelque 50 000 personnes incarcérées scolarisées tenteront à partir de lundi de décrocher le diplôme ou son équivalent, le Diplôme d'accès aux études universitaires (DAEU), depuis leur cellule. Selon l'administration pénitentiaire, ils ont été 179, en 2013, à réussir les épreuves et 147, en 2012, sur environ 150 candidats. Derrière les barreaux, l'examen se déroule de façon identique et en même temps qu'ailleurs, "les correcteurs ne savent pas qu'ils ont entre les mains le travail d'un détenu", précise l'administration pénitentiaire. Mais le parcours est parfois plus chaotique. Alain a dû "se battre" pour passer son diplôme. "J'ai menti, j'ai dit à la juge que je subissais des pressions dans la prison où j'étais pour être transféré à la prison de la Santé, parce que je savais qu'il y avait un meilleur programme scolaire là-bas", avoue-t-il sans regret.
Du statut de délinquant à celui de citoyen
Son DAEU en poche, il a continué son combat jusqu'à obtenir un aménagement de peine et pouvoir s'inscrire à la faculté, en septembre dernier. "Le jour de ma semi-liberté, je me suis retrouvé devant la prison avec un projet en tête mais pas beaucoup de solutions. Je me suis inscrit à la fac, j'ai cherché du travail comme un acharné, et ça a payé. Aujourd'hui je m'accroche parce les études, c'est ce qui m'a fait passer du statut de délinquant au statut de citoyen", dit-il. Condamné, lui, pour avoir tué un homme dans une bagarre, Jacky, 48 ans, en avait 22 lors de son premier séjour en prison. Son brevet des collèges, il l'a eu "dedans", à la maison d'arrêt de Villepinte, mais avec mention. "Dehors, je n'ai jamais été à l'école", sourit-il. "Depuis tout jeune je savais que je finirais là", reconnaît celui qui se décrit comme un "délinquant par habitude". "Y'en a qui naissent dans des milieux de médecins, moi j'ai grandi où voler, c'est normal", dit-il, racontant ses "activités" entre le Clos Saint-Lazare, la plus grande cité de la ville de Stains, au nord de la capitale, et la cité de l'abreuvoir, à Bobigny, en Seine-Saint-Denis.
"Faire des études, c'est pour casser le néant"
"C'est difficile d'ouvrir un bouquin en prison, on est vite moqué par les autres, la plupart ne savent pas lire et pensent que ça ne sert à rien", raconte-t-il. Et puis, il y a le bruit, les chaînes stéréo qui hurlent toutes en même temps, le sondage quotidien des barreaux pendant plusieurs heures : "l'enfer", dit-il. "Si j'ai décidé en prison de faire des études, c'est pour casser le néant", explique Jacky, en liberté depuis un mois et demi après 16 années passées derrière les barreaux. "Le jour où on rentre en prison, c'est un jour sans fin, à partir de ce moment, chaque jour est le même", résume l'ancien détenu qui a obtenu un diplôme universitaire en audiovisuel. Aujourd'hui, il travaille à un projet d'écriture d'un scénario, une histoire de flic et de brigand, mais "pas comme l'image d'Epinal qu'on nous donne tout le temps sur les écrans".
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