Alors que le milieu carcéral est soupçonné de favoriser la radicalisation religieuse, les aumôniers musulmans demandent un statut professionnel.
Les aumôniers musulmans réclament un statut professionnel.
En France, on compte actuellement 18.000 détenus musulmans pour 183 aumôniers musulmans, un nombre insuffisant pour contrer la déferlante de l'islam radical dans toutes les prisons de France. Un phénomène récemment mis en lumière avec l'affaire Nemmouche. Dans ce contexte, le travail des aumôniers musulmans est particulièrement difficile, témoignait ainsi le 3 juin dernier sur Europe 1 Yannis Warrach, aumônier musulman à la prison d'Alençon. Les aumôniers musulmans veulent donc plus de moyens pour mieux faire leur travail. C'est le sens du communiqué publié mi-juin par l'aumônerie nationale musulmane qui réclame "un statut professionnel, comme en bénéficient les aumôniers hospitaliers et militaires".
C'est pas Byzance. "Les deux cinquième d'entre eux font ce travail de manière bénévole" explique à Europe1.fr El Alaoui Talibi, l’aumônier national des prisons. "Le restant reçoit des indemnités remboursant les frais de déplacement. Mais les aumôniers ne cotisent pas sur ces indemnités. Et elles sont imposables." Les indemnités varient selon le nombre de kilomètres parcourus et peuvent aller jusqu'à 800 euros par mois.
Fouad Saanadi, aumônier de prison en Aquitaine depuis trois ans, perçoit ainsi du ministère de l'Intérieur 400 euros par mois pour ses frais d'essence entre les prisons de Pau, de Bayonne et de Neuvic. Ce sont en fait ses activités d'imam, de directeur de mosquée et de salarié de la Fédération musulmane de Gironde qui le font vivre.
Être payé décemment. Le modèle revendiqué par les aumôniers musulmans de prisons est celui de leurs collègues militaires et hospitaliers. Les aumôniers militaires ont le grade d'officier et reçoivent une solde en conséquence. De leur côté, ceux officiant auprès des malades sont employés et payés directement par l'hôpital, à hauteur d'un SMIC le plus souvent.
Les aumôniers des prisons sont donc les parents pauvres de l'aumônerie. Pourtant, ils ont tous la même formation, jusqu'à quatre années d'étude en imamat au sein des instituts de formation français.
"Je ne fais pas face actuellement". Pour Fouad Saanadi, il est compliqué d'exercer comme il le souhaiterait son travail d'aumônier. "Je me contente de répondre aux demandes par courrier qui relèvent souvent de la pratique religieuse. On peut me demander par exemple de venir diriger une prière." Il a moins de temps à consacrer à l'écoute des détenus et à leur formation, ce qui peut laisser le champ libre à des pratiques radicales et des positionnements victimaires, selon l'aumônier.
Mieux contrer l'intégrisme ? Fouad Saanadi est conscient du danger de l'intégrisme : "L'aumônier doit réparer des gens, les détenus sont fragiles car ils vivent avec une faute sur la conscience. Il nous faut les immuniser contre l'intégrisme qui les guette en prison mais aussi à la sortie."
L'aumônier expose quelques idées : "On pourrait donner à l'année des cours de théologie, des cours pour apprendre à concilier islam et vie carcérale. J'ai déjà essayé de le faire à la prison de Neuvic mais j'ai abandonné, faute de temps."
Une plus grande collaboration avec les autorités. Le statut professionnel, selon lui, c'est aussi plus de temps pour la collaboration avec l'administration pénitentiaire. "Actuellement, j'assiste à des réunions à la préfecture, bien sûr. Mais il n'y a pas de travail dans la continuité. Nous ne dégageons pas de stratégie commune."
Des lacunes qui ont des conséquences fâcheuses : "Récemment, une prison m'a contacté car un converti agitait les détenus musulmans. Je suis intervenu. Mais avec un suivi plus approfondi, j'aurai pu prévenir en amont au lieu de réparer en aval."
Le soutien de l'Aumônerie catholique. "Je comprends entièrement leur demande de statut professionnel" déclare à Europe1.fr, Vincent Leclair, aumônier général catholique. "Avec les affaires Merah et Nemmouche, les aumôniers musulmans vivent dans un contexte tendu. En fait, l'Etat leur demande beaucoup plus qu'aux autres aumôneries, il est donc normal qu'ils soient payés plus."
Mais pour sa part, Vincent Leclair ne veut pas du statut professionnel pour les aumôniers catholiques : "Je remercie l'Etat qui nous aide mais l'aumônerie catholique a plusieurs siècles d'existence, nous avons notre organisation propre et nos aumôniers ne sont pas en insécurité financière."
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