La Garde des Sceaux Christiane Taubira présentera son projet de loi en Conseil des Ministres mercredi 2 octobre. Mais il ne sera débattu au Parlement qu'après les élections municipales.
Elle a dû avaler son chapeau plusieurs fois. Cet été, le ministre de l'Intérieur a écrit au Président de la République pour lui dire tout le mal qu'il pensait de l'avant-projet de loi de Christiane Taubira sur la réforme pénale, jugé trop clément pour les délinquants. Et censé donner du grain à moudre à l'opposition, encline à taxer de « laxiste » le gouvernement socialiste.
La mini-guérilla s'est soldée par une modification du texte dans le sens souhaité par Manuel Valls. Récemment, Mme Taubira a ferraillé pour que son projet de loi sujet à polémique soit débattu rapidement par les parlementaires, assurant que l'examen de son texte ne devait pas être soumis au calendrier électoral. Là encore, celle qui déclarait cet été au New York Times « ne pas supporter d'avoir un patron », n'a pas eu gain de cause. A la mi-septembre, le ministre chargé des relations avec le Parlement, Alain Vidalies, a annoncé qu'un examen lors de la session en cours au Palais Bourbon, prévue pour durer jusqu'au 28 février, ne pourrait avoir lieu en raison... d'un calendrier surchargé. Après avoir été soumis au Conseil d'Etat, le texte sera cependant présenté en Conseil des ministres le 2 octobre.
Mais le projet de loi de la Garde des Sceaux sur la prévention de la récidive et l'individualisation des peines ne sera examiné qu'après les élections municipales de mars 2014 à l'Assemblée et au Sénat. De quoi désoler le Syndicat de la magistrature et sa présidente Françoise Martres pour qui « les calculs électoraux ont pris le pas sur des engagements de campagne » de François Hollande. Christiane Taubira, qui début septembre évoquait un éventuel report comme « une faute éthique et une erreur politique », a pourtant été forcée de se plier à cet arbitrage. A 61 ans, celle que les magistrats apprécient pour sa connaissance des dossiers et son verbe enflammé, s'est lancée vaille que vaille dans un tour de France, d'Agen à Rennes, pour expliquer aux professionnels de la justice et aux représentants de la société civile, le contenu de sa réforme.
La création d'une « contrainte pénale » constitue la mesure phare du texte. Ce dispositif, que la Chancellerie avait d'abord baptisé « peine de probation », consistera à proposer une peine alternative à l'incarcération pour les prévenus encourant moins de cinq ans de prison. En clair, la sanction ne sera plus obligatoirement la prison mais pourra se dérouler en « milieu ouvert ». Le juge retrouvera « sa liberté d'appréciation de l'infraction, de la personnalité de l'auteur, de son comportement envers les victimes » explique ainsi la Ministre de la justice.
Finies aussi les fameuses peines planchers instaurées en 2007 par Rachida Dati, et décriées par les juges car source d'inflation carcérale. Désormais, le maître mot sera la « personnalisation de la sanction » par le juge. Et le gouvernement entend en finir avec les « sorties sèches » : aujourd'hui, 80 % des détenus sortent de prison sans suivi extérieur. Une aberration à laquelle Christiane Taubira veut mettre fin.
De même, la situation de chaque détenu devrait être obligatoirement examinée par le juge aux deux tiers de la peine. Il décidera alors d'une « mesure de sortie encadrée », d'une « libération sous contrainte », ou optera pour un maintien en détention.
Le projet de loi satisfait l'Union syndicale des magistrats (USM), syndicat désormais très majoritaire dans la profession (68,5 % des voix obtenues aux élections de juin 2013). Mais il laisse sur sa faim le Syndicat de la magistrature, pour qui « cette réforme est une nécessité et une urgence » car « la justice pénale est au bord de l'asphyxie, la surpopulation carcérale ne cesse de croître, les services pénitentiaires sont débordés ». De même, un syndicat de directeurs de prison (SNDP) regrettait récemment que la création de la contrainte pénale n'ait pas conduit « à la suppression d'autres dispositifs comme le sursis avec mise à l'épreuve ».
Autre motif de récrimination : le projet de loi durcit le système d'aménagement des courtes peines en cas de récidive. Depuis Rachida Dati, un aménagement de peine, alternative à l'incarcération du type bracelet électronique ou travail d'intérêt général, était possible pour une personne encourant deux ans de prison, et un an pour les récidivistes. Désormais, message de fermeté, ce choix ne sera possible que pour une peine inférieure à un an, et six mois pour les récidivistes.
La réforme ne dit rien non plus de la rétention de sûreté, qui prévoit de garder en prison des condamnés après l'exécution de leur peine s'ils sont supposés dangereux. Le candidat Hollande avait pourtant promis de les supprimer.
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