jeudi 14 mai 2015

Strasbourg - Maison d’arrêt : le contrôleur des prisons lance l’alerte

La contrôleure général des lieux de privation de liberté, Adeline Hazan, vient de déclencher une recommandation en urgence au sujet de l’état de la maison d’arrêt de Strasbourg. 
 Vue de la cour de la prison de l’Elsau. Photo archives DNA     
 
Son rapport, publié au journal officiel avec les réponses des ministres de la Justice et de la Santé, Christiane Taubira et Marisol Touraine, pointe l'état de délabrement avancé, les problèmes d’encadrement des détenus, ainsi que la violence.

Les dysfonctionnements ont été constatés lors d’une visite de l’établissement effectuée du 9 au 13 mars dernier par les agents du contrôleur des prisons, qui concluent à "des atteintes graves aux droits fondamentaux des personnes détenues dans cet établissement". de plus, "certains constats effectué lors de la première visite de l'établissement en 2009 demeurent d'actualité et les conditions de détention ont connu une certaine détérioration."
 
"Les points d'eau et les sanitaires des cours de promenade sont toujours dans un état de saleté déplorable (...), indiquent les inspecteurs. Une cour intérieure est remplie de détritus." Autre grief: "l'eau des douches est glaciale" et "il fait froid dans les cellules". A titre d'exemples, la contrôleure cite le cas d'une cellule du quartier des mineurs dans laquelle il faisait "17 °C le jour" et une autre du quartier disciplinaire où la température était de "14,6 °C". "Beaucoup de détenus maintiennent allumée leur plaque chauffante en permanence", relève le rapport.
 
"Ces conditions de détention portent atteinte à la dignité des personnes et représentent un traitement inhumain et dégradant", estime les contrôleurs, ajoutant que "l'encadrement du personnel de détention est manifestement défaillant". Le rapport pointe "le tutoiement des personnes captives. Il est fait état (...) d'humiliations et de provocations de la part des surveillants pénitentiaires", voire de "crainte de représailles" et de "participation à des trafics illicites."
 
Autre point de discorde, la présence de caméras de surveillance dans des locaux où se déroulent les activités médicales du service psychiatrie. Opposés à ces caméras, des infirmiers ont obstrué leur objectif et se sont vu en conséquence retirer leur habilitation pénitentiaire.
 
C’est la cinquième fois depuis la création du poste de contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) en 2008 que l’institution a recours à une procédure d’urgence pour formuler des recommandations sur un établissement pénitentiaire.
 
"Tout est dit dans ce rapport, réagit ce matin Fabrice Meder, secrétaire régional du Syndicat pénitentiaire des surveillants non-gradé détaché à la maison d'arrêt de Strasbourg. C'est à l'administration pénitentiaire de prendre ses responsabilités." Il rappelle que la prison strasbourgeoise est dans une situation "de surpopulation carcérale chronique depuis dix ans", avec "plus de 720 détenus actuellement pour 444 places". Les conditions de détentions difficiles se répercutent sur les agents pénitentiaires. "On est 220 surveillants théoriquement, mais il en manque toujours une dizaine environ. On fait tous des heures supplémentaires, on est fatigués. Comme il est recommandé que les détenus passent le moins de temps possible en cellule, les surveillants ont de plus en plus de mouvements à gérer avec un effectif restreint. Désormais, on n'est plus à l'écoute des détenus car on a beaucoup d'autres tâches." Dernier exemple en date: "le poste de cantinier (l'agent chargé de distribuer les produits achetés par les détenus, NDLR). L'agent est parti à la retraite en février, il n'a pas été remplacé. C'est un surveillant qui doit le faire maintenant."
 
Fabrice Meder estime qu'il faut "plus de moyens" à la maison d'arrêt de Srasbourg, notamment pour rénover les douches. "L'établisssement a été conçu en 1988, dit-il. Une maintenance est faite. Les douches ont été changées, mais avec peu d'argent.... Les choses doivent être changées, mais il faut y mettre les moyens."
Ils dénonce toutefois vivement les accusations portées contre le personnel pénitentiaire: "J'y travaille depuis dix ans, et ça n'existe pas, déclare-t-il. Ce n'est pas possible. Les détenus ont dû profiter de la présence des contrôleurs pour dénoncer des faits qui ne sont pas vrais."
 
Pour sa part, la déléguée régionale FO pénitentiaire Fadila Doukhi se dit « catastrophée. Ils se sont trompés de prison. Dans le grand est, la prison de Strasbourg n’est pas la pire. Les quartiers des mineurs et des femmes fonctionnent bien. Pour les activités innovantes, c’est celle qui fait le plus et le mieux. Pour la prise en charge des détenus, elle n’a pas à rougir. Oui, elle est vétuste, mais c’est normal à cause de la surpopulation. » « Il y a des ripoux partout, constate-t-elle au sujet des accusations portées contre les agents. Mais il ne faut pas faire de généralités. A Strasbourg, je n’ai pas connaissance de tels agissements. »
 
Dans sa lettre de réponse à la contrôleure générale des lieux de privation de liberté, la ministre de la Justice Christiane Taubira répond point par point, fustigeant notamment des accusations à l'encontre du personnel pénitentiaire  "non étayées" et "reposant sur des seules rumeurs". "S'il n'est pas impossible que des agents, ponctuellement, commettent parfois des indélicatesses (...), il ne me paraît pas possible de pocéder à des généralisations", écrit-t-elle. "L'ensemble des douches a été rénové dans le cadre d'une opération pluriannuelle, ajoute la Garde des Sceaux, et "des crédits ont été réservés pour reprendre l'étanchéité des toitures (...). S'agissant de la température des cellules, je peux vous indiquer que ce problème est résolu." Enfin, elle indique que "les installations de production d'eau chaude ont été calibrées pour un effectif théorique de 444 personnes hébergées. Ainsi, au-delà de 700 personnes présentes dans l'établissement, la conommation atteint un niveau que les échangeurs ne peuvent absorber."
 
«J’ai été étonnée par le ton employé par la garde des Sceaux», dont «les réponses sont totalement insuffisantes (...) La garde des Sceaux n’a visiblement pas pris la mesure» de cette affaire, a réagi Adeline Hazan devant la presse.
 
Une enquête pour viol
 
Dans leur rapport, les contrôleurs font état d’un homme qui leur a déclaré avoir été frappé et violé à la maison d’arrêt de Strasbourg de nuit par son codétenu...

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