mardi 8 mars 2016

Polémique sur Jean-Marc Rouillan, ex-Action Directe, et le «courage» des terroristes du 13 novembre

Dans un entretien, le cofondateur du groupe armé, en liberté conditionnelle après vingt-quatre ans de prison, qualifie les auteurs des attentats du 13 novembre de «très courageux».

Jean-Marc Rouillan à Marseille, en mai 2012.

Après l'ouverture d'une enquête pour apologie du terrorisme, il est revenu sur ses propos, niant avoir approuvé les terroristes.


Depuis sa libération conditionnelle en 2012, après vingt-quatre ans derrière les barreaux, Jean-Marc Rouillan s'était fait discret. Et pour cause: la justice lui a formellement interdit de s'exprimer sur les faits pour lesquels il a été condamné à la perpétuité en 1989 - les assassinats du général René Audran et du PDG de Renault, George Besse - sous peine de retourner en prison.

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Apparemment revenu de la lutte armée, le cofondateur d'Action directe, assigné à domicile à Marseille, où il travaille dans l'exportation de bois, a même débuté une carrière d'acteur dans le road-movie contestataire de Jean-Henri Meunier, Faut savoir se contenter de beaucoup, sorti le 10 février dernier.

Mais sa dernière prise de parole publique pourrait bien remettre en cause ses trois années de silence médiatique. Dans son édition de vendredi, Le Ravi, un mensuel satirique de la région PACA, relaie une interview diffusée le 23 février sur Radio Grenouille.

Dans un entretien de près d'une heure, Jean-Marc Rouillan, 63 ans, donne son avis sur divers sujets d'actualité, du mouvement d'extrême-gauche espagnol Podemos à la violence dans les quartiers nord de Marseille, en passant par la constitutionnalisation de l'État d'urgence, qu'il qualifie de «crime contre le peuple».

«Pas plus Daech que l'Etat français»

Lorsque la conversation en arrive au 13 novembre 2015 et que le journaliste demande à Jean-Marc Rouillan s'il justifie ou non les attaques de Paris, celui-ci se dit «neutre», «pas plus pour Daech que pour l'État français». «Je pense que l'État français est un État colonialiste, assassin. Ce qui s'est passé en Algérie m'empêchera toujours, toute ma vie, de chanter la Marseillaise et de mettre le bleu-blanc-rouge», déclare-t-il.

Quant aux terrorristes qui ont tué 130 personnes ce soir-là, ils ont, selon lui, été «très courageux». «Ils se sont battus dans les rues de Paris, en sachant qu'il y avait 3.000 flics autour d'eux (...) On peut dire plein de choses - qu'on est absolument contre les idées réactionnaires, que c'était idiot de faire ça - mais pas que ce sont des gamins lâches.»

Plus loin, Jean-Marc Rouillan compare le groupe armé anarcho-communiste Action directe et Daech. Pour lui, la différence principale entre les deux mouvements repose sur la notion de sacrifice. «Daech est très proche du capitalisme car c'est un mouvement basé sur le mortifère, le sacrifice, la mort. Jamais dans la lutte armée d'extrême gauche que j'ai connue, de 1968 jusqu'à la fin des années 1980, je n'ai connu le sacrifice.», ajoute-t-il.

Enquête préliminaire pour «apologie du terrorisme»

Évidemment, ces propos ont rapidement fait réagir, et notamment du côté de la justice, qui avait conditionné la libération de Jean-Marc Rouillan à son silence sur toute activité de nature terroriste. Le parquet de Paris a d'ores et déjà ouvert une enquête préliminaire pour «apologie du terrorisme».
Ces déclarations polémiques n'ont pas non plus manqué de susciter l'indignation des proches des victimes du 13 novembre. Georges Salines, père de Lola, tuée au Bataclan, et président de l'association «13 novembre: fraternité et vérité», évoque des «propos abominables».

«Ces propos sont une offense à la mémoire des victimes et une blessure supplémentaire pour des familles qui ont déjà beaucoup enduré», a pour sa part réagi le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve, lors de son audition par la commission d'enquête parlementaire mise en place après les attentats. «C'est l'état du droit, il appartient au ministère public de requérir la révocation de la libération conditionnelle de cet individu», a-t-il ajouté. «C'est dans une indécence absolue à l'égard des victimes de ce massacre, et une fois de plus dans la violence, que Jean-Marc Rouillan se vautre», a dénoncé pour sa part l'Association française des victimes du terrorisme (AFVT), qui a annoncé mardi qu'elle allait porter plainte pour apologie du terrorisme.

«Je suis un ennemi de Daech. J'ai une histoire politique communiste et anti-autoritaire, je ne vois pas ce qui peut me rapprocher de féodaux religieux»
Jean-Marc Rouillan, interrogé par RTL, le 7 mars.

«Ce n'était pas une approbation»

Interrogé par RTL le 7 mars, Jean-Marc Rouillan nie toutefois avoir approuvé les terroristes: «J'ai dit qu'il leur fallait du courage, mais c'était une approche technique de la lutte, ce n'était pas une approbation», déclare-t-il. «Je suis un ennemi de Daech. J'ai une histoire politique communiste et anti-autoritaire, je ne vois pas ce qui peut me rapprocher de féodaux religieux», a-t-il poursuivi. Il a martelé qu'il était «contre ce que fait Daech, comme les militants kurdes et libanais», tout en assurant qu'il comprenait «la douleur» des familles des victimes. Il a ajouté qu'il était prêt à collaborer avec la justice.

Le Figaro

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