jeudi 17 novembre 2016

Le tatouage en prison loin des clichés

Le photographe Gilles Froger expose à l’IUT dix photos prises à la centrale de Saint-Maur, sur le thème du tatouage en détention.

Gilles Froger, le photographe, et les tatoueurs, Gregos et Bop'John, pendant l'inauguration de l'exposition, lundi soir. - Gilles Froger, le photographe, et les tatoueurs, Gregos et Bop'John, pendant l'inauguration de l'exposition, lundi soir. - (Photo NR, Patrick Gaïda)

Les dix grands tirages en noir et blanc du photographe Gilles Froger accrochés dans le hall de l'IUT attirent immédiatement l'œil.



Dans cette superbe exposition orchestrée par quatre étudiantes de GEA et le groupe local Concertation prison (NR du 12 novembre), des gros plans de bras tatoués, des torses décorés et l'illustration de séances menées par les tatoueurs berruyers, Bop'John et Gregos, père et fils, à la centrale de Saint-Maur.

" Au départ ils te reniflent "

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Des témoignages rares que le photographe a pu glaner en gagnant la confiance des détenus. « J'interviens à la centrale depuis 2010, pour des ateliers photo et vidéo. J'amène des appareils photos, je donne des conseils, on fait les tirages et les retouches ensemble… et finalement, j'ai gardé un boîtier pour prendre moi aussi des clichés. »

Le photographe alterne alors les portraits de détenus – qui resteront à usage privé – et des gros plans de tatouages. « Au départ, ils te reniflent. Il faut gagner leur confiance. La plupart du temps, en détention, les images se résument aux caméras de surveillance. » Au fil du temps, un lien se tisse, les détenus acceptent que le photographe pose son objectif sur leurs visages. Et sur leurs tatouages. « Beaucoup ont des tatouages qu'ils se sont faits eux-mêmes en détention, à la dure, à l'encre de Chine. »

Des tatouages pas toujours très hygiéniques. « Des tatoueurs de Bourges ont pu installer leur salon mobile à la centrale, un vendredi par mois. Ça n'a pas été simple à mettre en place mais Saint-Maur a été la première prison, avec Pau, à proposer un salon de tatouage. » Avec, aux manettes, Gregos et son père, Bop'John, ce « savant du tatouage, fin connaisseur de l'histoire de la discipline », comme le décrit Gilles Froger.

 « Nous avons débuté les ateliers avec des échanges sur l'hygiène, sur l'histoire du tatouage, précise l'artiste. Avec des kits de convention, nous pouvons travailler comme dans nos studios. Moyennant finance, en proposant un tarif adapté aux revenus du détenu, nous leur permettons d'avoir un tatouage de qualité, quelque chose qui n'est pas du tatouage clandestin. »

Pour chaque projet, aucune étape ne doit être grillée. « En amont de chaque projet, il y a une discussion. » Côté motif, « il y a de tout » : des loups, des croix, des motifs tribaux… Avec quelques restrictions : « Nous ne pouvons pas, par exemple, faire de tatouage qui ressasse de la violence, ou en rapport avec les crimes commis.

Nous apportons notre culture du tatouage et notre déontologie. L'éthique de l'extérieur est appliquée à l'intérieur. » Bop'John confie préférer travailler avec des détenus en centrale, et non pas en centre pénitentiaire. « Il y a plus d'introspection chez les hommes détenus pour de longues peines.

Ils prennent vraiment le temps de réfléchir à ce qu'ils veulent. » Ce « tatoueur de la rue » a grandi dans un bidonville, à Bourges, « puis dans des HLM ». « Gamin, ce sont des ex-détenus qui m'ont appris la technique. Aujourd'hui, c'est à mon tour de tatouer des détenus. La boucle est bouclée, en quelque sorte. »

pratique

L'exposition est visible dans le hall de l'IUT, avenue François-Mitterrand, à Châteauroux, jusqu'à la fin de la semaine. Elle sera ensuite accrochée à l'Apollo, où sera programmée une soirée-rencontre, jeudi 24 novembre : à 19 h 30, dialogue avec des surveillants pénitentiaires, lecture d'écrits de détention, exposition de photos de tatouages, puis projection du film « Thorberg », à 20 h 30.

La Nouvelle République

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