Huit personnes incarcérées au centre pénitentiaire de Faa’a Nuutania,viennent de saisir la Cour européenne des droits de l’homme afin de dénoncer leurs conditions indignes de détention dans cette prison, la plus surpeuplée de France.
En un peu plus d’un an, ce sont 22 personnes détenues dans trois établissements pénitentiaires qui, avec l’assistance de l’OIP, se sont tournées vers la justice européenne.
Des recours qui pointent des problèmes structurels, liés à une surpopulation carcérale alimentée par les politiques pénales successives.
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Avec un taux d’occupation de 327,8% au quartier maison d'arrêt et de 215,3% au quartier centre de détention (au 1er mai 2016), la prison de Faa’a Nuutania est l’établissement pénitentiaire le plus surpeuplé de France.
Les détenus s’entassent à 3 ou 4 dans des cellules de 9 m² aux murs sales et couverts de moisissure, sans eau potable ni eau chaude. Les toilettes n’y sont pas cloisonnées, ne garantissant aucune intimité. « Tout est fait aux yeux de tout le monde, les odeurs, les bruits qui vous empêchent de dormir, les fuites d’eau, les disputes », témoigne un des plaignants, qui relève aussi « l’état déplorable » de sa cellule : « je n’aurais pas mis mon chien dedans. »
Il règne en outre dans les locaux une odeur nauséabonde en raison du sous-dimensionnement de la station d’épuration et de l’absence de dispositif d’aération dans les cellules. Les insectes, rats et souris prolifèrent. La surpopulation ne permet pas de garantir la séparation entre prévenus et condamnés voire même entre mineurs et majeurs. De même que celle entre fumeurs et non-fumeurs.
Dans ce contexte de surencombrement endémique, l’accès aux soins est défaillant, l’effectif des soignants étant déterminé par la capacité théorique de l’établissement. Idem pour l’accès aux activités : lors de la visite du Contrôleur général des prisons en 2012, seule une centaine de prisonniers sur 400 avait accès à une activité hebdomadaire. Enfin, le manque de moyens humains et financiers des services pénitentiaires d’insertion et de probation freine la mise en place de projets de préparation à la sortie. Le taux d’aménagement de peines de Polynésie est le plus bas des Outre-mer.
Bien que dramatique, cette situation est loin d’être isolée. En mars 2016, un rapport du Conseil de l'Europe a établi que, sur les 47 Etats que compte l'organisation paneuropéenne, la France se situe à la 7e place de ceux dont les prisons sont le plus surpeuplées, derrière la Hongrie, la Belgique, la Macédoine, la Grèce, l'Albanie et l'Espagne. Au 1er mai 2016, la surpopulation était proche de son niveau historique du mois d’avril 2014 : 68 685 personnes étaient incarcérées dans les 187 prisons françaises, pour une capacité totale de 58 683 places. 1 580 détenus dormaient sur des matelas posés à même le sol. Une quarantaine de maisons d'arrêt connaissaient un taux d'occupation supérieur à 150% (cf. graphique ci-contre).
Alors que 31 établissements pénitentiaires ont déjà été condamnés par les juridictions françaises pour des conditions de détention relevant de traitements inhumains ou dégradants sans que les pouvoirs publics ne s’emparent sérieusement de la question, l’OIP a décidé de porter cette situation devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Depuis plus d’un an, l’association a accompagné 22 plaintes de détenus des prisons de Nîmes, de Ducos, en Martinique, et aujourd’hui de Faa’a Nuutania, pour dénoncer leurs conditions de détention auprès de la juridiction européenne.
D’autres recours seront déposés dans les prochains mois ciblant de nouveaux établissements pénitentiaires. Au-delà de la condamnation attendue des prisons mises en cause dans ces différentes procédures, la multiplication des recours devant la CEDH vise à dénoncer le caractère structurel des mauvaises conditions de détention en France, alimenté par une surpopulation chronique. Et d’obtenir de cette dernière qu’elle prononce un arrêt pilote, par lequel la France pourrait être incitée à promouvoir les mesures alternatives à la détention et à réorienter sa politique pénale vers un moindre recours à l’enfermement, conformément aux recommandations du Conseil de l’Europe.
Alors que la création de près de 25 000 places de prison supplémentaires depuis les années 90 n’a pas permis de contenir l’explosion de la population carcérale et que les effets de la loi Taubira peinent à se faire sentir, seule une politique réductionniste volontariste pourra endiguer le fléau de la surpopulation et contribuer durablement à une amélioration des conditions de détention, tout en favorisant une meilleure prévention de la récidive.
Tahiti Infos
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