Discours de Monsieur Jean-Jacques URVOAS, garde des Sceaux, ministre de la Justice
Seul le prononcé fait foi
A deux jours près, voilà 9 mois que j’occupe les fonctions de garde des Sceaux.
9 mois que je vis au rythme de l’administration pénitentiaire (elle est si prégnante dans ce ministère), au rythme de ses réformes, de ses discussions (parfois enflammées si j’en crois le récit du dialogue social), de ses mouvements en détention quand il ne s’agit pas d’agression terroriste comme à Osny, le 4 septembre dernier.
9 mois aussi que l’on me parle et que je parle de radicalisation.
Le sujet, d’évidence, est majeur pour notre administration parce qu’il est majeur pour notre société traumatisée par les attaques barbares qu’elle a subies et celles qu’elle redoute de subir.
Il l’est aussi, en raison du nombre de personnes détenues impliquées :
Ø349 auteurs d’infraction à caractère terroriste, dont 31 femmes, 18 mineurs, 33 détenus particulièrement signalés (DPS) et 55 placés à l’isolement.
Cette catégorie progresse de semaine en semaine, au rythme de l’inexorable multiplication des écrous.
Pour mémoire, l’administration n’hébergeait que 90 personnes détenues correspondant à ce profil en 2014.
Ø1 336 détenus identifiés comme radicalisés, contre 700 en 2015.
ØEt 359 probationnaires radicalisés en milieu ouvert, dont 125 contrôles judiciaires de personnes placées sous-main de justice pour des affaires liées au terrorisme.
A mon arrivée, un dispositif expérimental débutait au sein de la direction de l’administration pénitentiaire.
Et en particulier au sein de 4 établissements pour faire face à cette situation nouvelle.
Je rappelle que le dispositif des unités dédiées a été structuré à partir de l’expérience de Fresnes menée en décembre 2014 et qui consistait à regrouper des détenus pour des questions de gestion de la détention.
Après les attentats de janvier 2015, 5 unités ont ouvert :
Ø 3 de prise en charge à Fleury-Mérogis, Osny et Lille-Annœullin ;
Ø 2 d’évaluation à Fresnes et Fleury.
Il était évident que cette expérimentation devait se poursuivre.
Pour imaginer des parades à un phénomène et pour réussir des adaptations, deux conditions sont indispensables de fortes mesures et le temps nécessaire pour qu’elles puissent donner lieu à des conclusions.
C’est pourquoi, avant d’aller plus loin dans mon propos, je veux d’abord saluer le travail accompli par l’administration pénitentiaire pour sa capacité de réaction, d’innovation, de conceptualisation et de réalisation.
D’autant que la pression médiatique, politique et syndicale ne s’est guère relâchée tout au long de ces neuf mois…
Ce temps laissé à l’expérimentation m’a aussi permis de structurer mon dispositif d’évaluation :
Ø D’abord multiplier les déplacements dans les prisons (17 si mes calculs sont exacts) ;
Ø Mandater mon cabinet pour en faire autant, tous les membres s’y sont rendus ;
Ø Rencontrer longuement les personnels des unités dédiés et les organisations syndicales ;
Ø Installer un comité de pilotage de la lutte contre le terrorisme et la radicalisation violente.
Ce fut fait le 7 juillet. Il rassemble, au moins une fois par mois, toutes les directions autour d’une feuille de route et les invite à partager leurs expériences et leurs informations, à mutualiser le travail.
Ø Créer un conseil scientifique. Installé le 31 août, il a débuté ses travaux le 5 septembre. Il s’est réuni trois fois. Y travaillent des universitaires de nombreuses disciplines, spécialistes ou non de l’administration pénitentiaire.
Ø Missionner l’inspection générale des services judiciaires ainsi que l’inspection des services pénitentiaires.
J’ai ainsi reçu deux rapports sur les extractions judiciaires (reçu le 19 octobre) et sur les Unités de prise en charge de la radicalisation - UPRA - (remis le 20 octobre)
Je recevrai prochainement celui consacré au partage d’information au sein du ministère,
Ø Organiser un retour d’expérience à chaque fois qu’un évènement a surgi. A l’image de la semaine du 5 août, après l’attentat de Saint-Etienne du Rouvray, ou après l’agression à but terroriste à Osny, le 4 septembre dernier, ou encore quand des « mouvements collectifs » interviennent.
Depuis le début de l’année, la cellule de crise de l’administration pénitentiaire a été actionnée à 6 reprises.
Ø Ecouter les personnels agressés.
Cette réflexion a nourri mes décisions.
L’administration pénitentiaire est une administration puissante, forte de 38 000 personnels, toute catégorie confondue, qui travaillent dans 188 établissements.
Depuis des années, elle bénéficie d’un soutien budgétaire constant.
Elle a toujours montré sa capacité d’adaptation au service de l’intérêt général.
Elle va encore le faire car elle sait que, face à cette « déferlante terroriste » pour reprendre les mots du Président du Tribunal de grande instance de Paris, elle ne pourra pas se contenter de demi-mesures.
Devant l’arborescence de mutations qui sont à l’œuvre, sans réforme de structures, elle sera submergée.
C’est fort de cette conviction que j’ai souhaité aujourd’hui vous présenter un plan de sécurisation de nos établissements pénitentiaires qui nous permettra, notamment de lutter contre la radicalisation violente.
I. Rénover la sécurité pénitentiaire
Les questions de sécurité pénitentiaire ne font pas l’objet d’une prise en charge suffisamment structurée.
Gérer une crise, anticiper des évolutions, coordonner les actions, planifier des opérations tout cela mérite des processus normés, des mécanismes éprouvés, des pratiques évaluées.
C’est pourquoi je souhaite aujourd’hui créer une sous-direction de la sécurité pénitentiaire. Elle verra le jour dès février 2017 avec la publication des textes nécessaires pour la modification de l’administration centrale.
Cette décision, loin d’invalider la réforme de la centrale conduite en 2013 par Isabelle Gorce, confirme ces orientations en travaillant sur la fonction métier et la fonction mission.
Elle rassemblera :
ØLa Direction de projet « Plan de lutte contre la radicalisation » (PLAT) qui a joué un rôle éminent dans la conception de la réponse de l’administration pénitentiaire à la problématique de la radicalisation violente,
ØLe bureau central du renseignement pénitentiaire (BCRP),
ØLe bureau central des Equipes régionales d’interventions et de sécurité (ERIS),
Ø Le traitement central des orientations et transfèrements des personnes détenues, structure qui reprendra certaines missions du bureau actuel MI1.
Ø Le Bureau des équipements, des technologies et de l'innovation (BETI). Sa mission est de développer une approche prospective et innovante en matière de technologies de la sécurité pénitentiaire.
ØUne cellule de veille et d’analyse qui sera chargée d’assurer la gestion de crise et la remontée d’informations. Structure nouvelle qui sera immédiatement armée de 10 personnels (contractuels) supplémentaires en 2017.
ØEt le bureau central des équipes de sécurité pénitentiaire.
II. Créer des équipes de sécurité pénitentiaire
Aujourd’hui, co-existent au sein des établissements, différentes organisations :
Ø Des ERIS : 460 personnels (389 surveillants, 54 gradés et 17 officiers) implantés dans les 9 directions interrégionales (Bordeaux, Dijon, Lille, Lyon, Marseille, Paris, Rennes, Strasbourg, Toulouse).
Elles ont pour mission de participer au rétablissement et au maintien de l’ordre, à l’organisation de fouilles ou encore au transfert administratif des personnes détenues.
Ø Des Equipes locales d’appui et de contrôle (ELAC) : le PLAT a permis de financer 140 postes de surveillants, pour 19 établissements.
Elles sont composées de 7 agents recrutés localement et placés sous l’autorité du chef d’établissement.
Elles ont pour mission de préparer et de participer à la réalisation de fouilles sectorielles, de réaliser les opérations de contrôle décidées par le chef d’établissement, de soutenir les surveillants en cas de mouvement des détenus ou encore de participer à la résolution d’incidents.
Ø Les pôles de rattachement d'extractions judiciaires (PREJ) : il y en a 28. Ces services placés sous l'autorité fonctionnelle et hiérarchique du directeur interrégional des services pénitentiaires, sont chargés d'exécuter les extractions et translations requises par l'autorité judiciaire.
En dépit de cette richesse, la violence augmente en détention. En 2015, 4 115 agressions contre les personnels.
J’ai, à de multiples reprises, entendu les reproches des familles et les revendications des personnels.
Et comme je l’ai écrit dans le rapport sur l’encellulement individuel, « le droit à la sécurité » est aussi valable en prison.
Pour enrayer cette tendance, des équipes de sécurité pénitentiaire vont être créées :
Ø Leur mission sera d’assurer la sécurité, sur les domaines pénitentiaires, ou lors des déplacements opérés dans le cadre des extractions médicales, administratives ou judiciaires.
Dès le début de l’année 2017 et sans préjudice de ce qui pourra être décidé pour organiser cette question, les pôles de rattachement d'extractions judiciaires (PREJ) seront intégrés dans les Equipes de sécurité pénitentiaire (ESP) et participeront aux transfèrements et extractions médicales.
De même, au sein des établissements, les ELAC seront intégrés dans les Equipes locales de sécurité pénitentiaire (ELSP).
Ø Un plan pluriannuel de recrutements sera défini afin d’assurer leur déploiement progressif sur l’ensemble du territoire.
Ø Une évolution législative sera engagée pour pouvoir les doter des possibilités ouvertes par la récente loi Savary pour les agents de sureté de la SNCF et de la RATP.
Ø Pour toute mission extérieure, ils seront armés.
III. Des moyens pour la sécurité des établissements
Le projet de loi de finances pour 2017 prévoit 58,6 millions d’euros à cette fin. C’est plus que les années précédentes : 30M€ en 2013, 17M€ en 2015, 30M€ en 2016.
Ainsi pourront être engagés :
Ø Sécurisation passive et active du parc pénitentiaire : 32,4 M€
Ø Equipements de neutralisation des communications illicites : 14,7 M€
Ø Vidéoprotection des établissements : 5,3 M€
Ø Sécurisation périmétrique des établissements : 5,6 M€
Ø Développement des services numériques en détention : 0,6 M€
Je n’entends pas m’arrêter là et je ferai tout pour mobiliser des moyens supplémentaires
IV. Structurer le renseignement pénitentiaire
La détection de comportements à risque, la prévention de mouvements collectifs, l’anticipation de troubles imposent de disposer d’un outil de renseignement performant.
Il faut, par exemple, être très attentif au risque d’atteinte d’un seuil critique des masses de détenus terroristes dans les établissements.
La loi du 3 juin 2016 a forgé le cadre législatif.
Les textes règlementaires seront publiés en février 2017 comme l’a souhaité le Premier Ministre.
Depuis le 12 septembre, un directeur des services pénitentiaires poursuivra la rédaction d’une doctrine d’emploi. Son adjointe, une magistrate, prendra ses fonctions à partir de novembre.
Les 51 recrutements sont prévus, portant ainsi l’effectif total du renseignement pénitentiaire à 237 Equivalents temps-plein (ETP).
Ces nouveaux personnels devront permettre de structurer le bureau central.
Mais ils seront aussi affectés dans les établissements, notamment ceux accueillant des personnes détenues radicales.
A Fleury-Mérogis, il n’y a pour le moment que 4 délégués.
En parallèle, seront également recrutés des officiers de liaison en provenance des services de renseignement.
Ils auront pour mission de participer à la structuration du Bureau central et d’assurer la qualité des échanges réciproques avec les services de la communauté du renseignement.
Echanges pour lesquels de nouveaux protocoles devront être négociés.
De même l’Académie du renseignement ouvrira ses portes à nos agents pour les former.
Enfin, je souhaite que la mise en œuvre des techniques de recueil du renseignement prévues dans le code de sécurité intérieure et le code de procédure pénale puisse être opérée à courte échéance en fonction des capacités du nouveau service.
Aussi dans un premier temps, des outils technologiques (tels que les IMSI catcher) seront rapidement acquis et placés dans les établissements.
J’entends que ces moyens soient consacrés à la lutte active contre les trafics (notamment de téléphones dont les saisies explosent d’année en année) mais aussi au suivi des personnes radicalisées.
V. Tirer le bilan des unités dédiées et agir
La création des unités dédiées a concentré sur elle une légitime attention politique et médiatique.
Pour autant, ce climat n’a sans doute pas été le plus propice à la conduite d’une expérimentation dans des conditions sereines.
Dès leur ouverture, des résultats étaient exigés !
Comme si 15 jours suffisaient à revenir sur un processus qui, quelle que soit la célérité de sa survenance, se nourrit de causes profondes enracinées dans le parcours de vie de la personne.
En dépit de ce contexte, les personnels des UPRA ont accompli un travail que je tiens à saluer, avec une implication et une conscience professionnelle remarquables.
L’agression à caractère terroriste survenue le 4 septembre dernier contre deux surveillants, si elle a suscité une légitime vague d’émotion et d’inquiétude, n’a pas ébranlé leur détermination.
De ces neuf mois de fonctionnement, on peut tirer quelques enseignements :
1. La pertinence d’une approche pluridisciplinaire.
Le travail collaboratif qui s’est noué au sein des UPRA entre les différents personnels de l’administration, mais également avec les intervenants extérieurs, est extrêmement fécond.
Il doit servir de source d’inspiration.
2. La nécessité des évaluations préalables à l’orientation des détenus.
Cela permet de calibrer la prise en charge.
A contrario, les échecs viennent des structures marquées par l’absence d’évaluation.
En effet, au regard des conditions d’ouverture et du délai incompressible nécessaire à la démarche des UPRA, une partie des premières personnes détenues placées dans ces unités n’a pu être évaluée.
Par ailleurs, il ressort que la dynamique de groupe au sein des personnes détenues a pu, dans certains cas, invalider des avancées positives qu’une plus grande homogénéité des profils aurait sans doute préservées.
3. Le rôle déterminant de l’architecture des lieux.
Notamment parce qu’elle conditionne la culture professionnelle des personnels, ce qui n’est pas sans influence sur la gestion de la détention.
A ce titre, l’unité de Lille-Annœullin, installée dans un ancien quartier maison centrale, présente des caractéristiques propices à une maîtrise aisée de la détention.
4. L’utilité de la formation des personnels.
A l’exception dramatique de l’agression à caractère terroriste d’Osny, le niveau d’incidents est extrêmement faible dans les UPRA.
Cela tient pour beaucoup à l’encadrement par les personnels et à leur implication.
Ceux-ci, conjugués à l’encellulement individuel, démontrent une nouvelle fois que le comblement des taux de vacance et la lutte contre la surpopulation carcérale sont plus que jamais des objectifs prioritaires.
5. L’obligation d’associer les intervenants extérieurs.
Dans les expérimentations, ce fut une lacune. Si leur apport décisif est reconnu, ils n’ont pour autant pas été suffisamment associés à la réflexion globale.
Heureusement, cette carence a été en partie contrebalancée par une dynamique de groupe.
6. L’importance de la coordination entre les structures.
Chaque unité avait un programme différent et une méthodologie propre, ce qui a nui à l’efficacité globale du dispositif.
Des erreurs ont pu être répétées alors que des pistes prometteuses n’ont pas pu être exploitées.
A contrario, la coordination s’impose donc pour mutualiser les observations et orienter les prises en charge.
Que conclure de ces premiers constats étayés ?
Ø En termes de gestion de la détention, le regroupement de détenus est bénéfique.
La détention est plus apaisée et le prosélytisme est plus facilement entravé ; peu d’incidents et pourtant des profils durs sont incarcérés dans des UPRA.
Ø Mais la prise en charge individuelle était impossible dans ces conditions.
Il faut donc, partiellement, continuer cette expérimentation en s’appuyant sur l’expertise des personnels et sur leur expérience.
VI. Une nouvelle organisation de la prise en charge de la radicalisation
Le premier impératif est celui de la nécessité d’accroissement des capacités d’évaluation.
Ce besoin est d’autant plus net que nous aurons à faire face à une massification de la radicalisation violente.
De la qualité de l’évaluation dépendra :
ØL’orientation fine des personnes détenues,
ØLe choix de la prise en charge la plus adaptée.
Etant entendu que l’intention est de concentrer les efforts sur ceux dont la radicalisation semble la moins aboutie.
· A cette fin, les UPRA seront remplacées par 6 quartiers d’évaluation de la radicalisation (QER).
Ils accueilleront pour une durée de 4 mois une centaine de personnes détenues.
Ø Quatre procèderont d’un repositionnement des actuelles UPRA de Fresnes, Fleury (2) et Osny.
Ø Deux nouvelles ouvertures auront lieu dans la direction interrégionale de Bordeaux et de Marseille.
En sus, un quartier d’évaluation verra aussi le jour au sein de la maison d’arrêt pour femmes de Fleury.
Le second impératif est celui de la prise en charge la plus adaptée en tenant compte des profils évalués.
Pour les plus dangereux, les plus déterminés ou les plus prosélytes seront incarcérés dans des conditions de détention qui répondront aux exigences élevées de sécurité.
· Près de 300 places seront ainsi dédiées à ces profils qui sont les plus sensibles :
Ø Une centaine de places en maisons centrales ou quartiers maison centrale destinées à être transformées en places de maison d’arrêt.
Elles seront principalement localisées au sein de 6 quartiers pour détenus violents (QDV).
En ce qui concerne les personnes placées en détention provisoire, leur nouvelle affectation devra faire l’objet d’une concertation avec les magistrats en charge de leur dossier judiciaire.
Ø 190 places d’isolement disponibles, à la fois dans des maisons d’arrêt et dans des établissements pour peine.
Les règles de sécurité les plus strictes, à l’image de celles décrites dans la note du 3 octobre 2016, leur seront appliquées.
Fouilles régulières, changements de cellule, limitation des effets personnels…
Les détenus feront l’objet d’un suivi individualisé, d’une prise en charge spécifique, et d’une évaluation - au moins - biannuelle de la personne détenue afin d’apprécier son évolution potentielle.
· Enfin, pour les détenus au profil ne nécessitant pas l’encadrement maximum, un dispositif de prise en charge spécifique sera créé dans 27 établissements.
Les conditions de sécurité seront supérieures à celles pratiquées classiquement.
Un renfort de personnels sera apporté (surveillance, équipes pluridisciplinaires) ainsi que d’une formation particulière.
Les autres détenus resteront incarcérés dans les conditions habituelles de la détention.
De premières observations laissent accroire que sur ces profils, la fréquentation d’autres détenus, voire paradoxalement la surpopulation, peuvent aider à un désistement par une assimilation et un phénomène mimétique, voire par une pression sociale.
Ils feront donc l’objet de prise en charge afin de tenter de :
Ø Prévenir la récidive et d’éventuels passages à l’acte violents qui seraient fondés sur un motif extrémiste religieux ;
Ø Désengager de la violence ;
Ø Favoriser l’ouverture d’esprit, proposer une autre vision du monde, susciter l’interrogation sur ses jugements et favoriser l’esprit critique ;
Ø Permettre de construire un projet de vie et un projet professionnel.
Il faut donc associer les familles des personnes détenues, insister sur la réinsertion professionnelle…
Enfin, concernant la prise en charge des femmes et des mineurs, au regard du moindre nombre de personnes concernées (même s’il faut anticiper des retours de Syrie), le principe de la dispersion en groupes de 5 à 10 personnes est retenu.
Actuellement, 31 femmes et 18 mineurs sont incarcérés.
VII. Une nouvelle organisation qui repose sur les équipes mobilisées
Les personnels pénitentiaires d’insertion et de probation ont apporté un concours décisif aux dispositifs expérimentés depuis 2015.
Par leur implication, leur expertise et leur travail de mise en œuvre, ils ont favorisé la constitution d’un dispositif cohérent.
Dans cet esprit, et face à l’accroissement constant de personnes placées sous-main de justice signalées radicalisées, il est nécessaire de construire un réseau destiné à assurer un suivi méticuleux de tous les individus concernés.
Aussi allons-nous désigner dans chaque service pénitentiaire d’insertion et de probation, au moins un référent « prévention de la radicalisation violente » qui sera désormais chargé d’assurer en priorité le suivi des individus correspondant à ce profil.
Pour faciliter ce travail, ce référent bénéficiera autant que faire se peut d’une décharge allant jusqu’à 50% ou se verra épaulé par l’un de ses collègues dans la gestion des dossiers.
En conséquence, pour ne pas pénaliser l’activité des services, 90 Conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation (CPIP) contractuels seront recrutés pour compenser ces décharges et faire face à l’accroissement continu de la charge de travail.
Ces recrutements s’ajoutent aux 1100 déjà actés.
Parallèlement, afin de poursuivre la lutte contre la radicalisation en s’appuyant sur l’approche pluridisciplinaire déjà bien maîtrisée par l’administration pénitentiaire, 40 nouveaux binômes de soutien seront recrutés.
50 binômes de soutien travaillent déjà dans les prisons.
Ils sont composés d’un psychologue et d’un éducateur.
Ils travaillent avec les personnels pénitentiaires d’insertion et de probation, ainsi qu’avec les personnels de surveillance.
Leur plus-value est maintenant avérée dans l’approche concertée et partagée de l’ensemble des indicateurs de la radicalisation violente ou, au contraire, du désistement sincère.
Les 40 nouveaux binômes de soutien seront déployés en détention, mais aussi en milieu ouvert.
VIII. Agir hors et après la détention
Préparer et accompagner les sorties de prison est un autre défi à relever.
Il n’est pas envisageable qu’un détenu radicalisé ne se retrouve livré à lui-même ou que sa libération ne soit pas connue des services de renseignement et de sécurité pour le cas où il demeurerait dangereux.
Dès lors, seul un travail partenarial saura apporter la réponse.
A cette fin, je vais proposer la création d’une formation spécialisée de l’état-major de sécurité départemental afin de la consacrer aux seuls sujets pénitentiaires.
Cette instance aurait vocation à :
Ø Effectuer un suivi des personnes détenues,
Ø Anticiper leur libération,
Ø Consolider les informations sur elles.
Cependant, chaque personne détenue radicalisée sera systématiquement évaluée avant sa libération, afin d’apprécier son évolution ou son éventuelle dangerosité.
De plus, en complément et pour assurer une traduction pratique aux dispositions de la loi du 3 juin 2016 qui prévoit un suivi socio-judiciaire ou un sursis mise à l’épreuve, des instances de prise en charge en milieu ouvert des personnes radicalisées placées sous-main de justice seront créés.
Ainsi à titre expérimental, un projet baptisé « RIVE » (recherche intervention contre la violence extrémiste) sera lancé en Île-de-France en décembre.
Le suivi des personnes placées par exemple sous contrôle judiciaire ou sursis mise à l’épreuve sera assuré par des équipes pluridisciplinaires (éducateurs, psychologues, CPIP…) accompagnées d’universitaires.
L’objectif est de travailler à la réinsertion de ces personnes et d’engager leur rupture avec la violence.
Ce dispositif expérimental, unique au monde, a vocation à être étendu à l’ensemble du territoire métropolitain si les résultats sont probants.
Grâce à lui, l’administration pénitentiaire traitera de l’entier spectre des personnes placées sous-main de justice.
***
Garantir la sécurité des - et dans les - établissements est un vaste chantier.
Le conduire appelle des mesures structurelles et le plan de construction lancé par le Premier ministre en constitue une.
Mais l’urgence commande d’agir aussi et surtout dans les prisons existantes.
Je rappelle que 72,6 % des établissements, dont beaucoup n’avaient pas été conçus pour cet usage, sont aujourd’hui centenaires.
Cet impératif recouvre les obligations de prendre en charge les personnes détenues pour des faits de terrorisme ou radicalisées.
Comme toute réforme au long court, tout ne pourra être concrétisé rapidement, mais beaucoup peut cependant l’être.
L’administration pénitentiaire peut en effet s’enorgueillir d’avoir déjà agi.
En effet, en dépit de la pression médiatique et politique, celle-ci a innové, tiré le bilan des actions conduites, y compris lorsqu’il révélait des erreurs ou des lacunes.
Elle a également assumé l’extraordinaire ambition de cette tâche qui consiste à améliorer un être humain et le faire changer de la manière la plus respectueuse qui soit de ses droits fondamentaux.
Nous devons donc poursuivre cette expérimentation et assurer la sécurité des personnels pénitentiaires.
Les deux objectifs ne sont absolument pas inconciliables.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire