Reçus mercredi à l'Élysée, les syndicats peinent à influer sur le mouvement policier. Le témoignage de Gaël, gardien de la paix en Seine-Saint-Denis.
Les syndicats policiers sont à la peine. Mardi 25 octobre, Alliance – le premier syndicat de gardiens de la paix –, l'Unsa et Synergie Officiers ont appelé à des « rassemblements silencieux » devant les palais de justice.
Problème : peu de policiers ont répondu à l'appel, là où les manifestations nocturnes, qui se déroulent sans l'aval des syndicats, mobilisent de nombreux gardiens de la paix depuis une dizaine de jours.
En France, près de huit policiers sur dix sont syndiqués.
Pourtant, la défiance envers les syndicats n'a jamais été aussi grande. Nous avons recontacté Gaël*, gardien de la paix « sur le terrain » en Seine-Saint-Denis et syndiqué. Après qu'il s'est exprimé sur les moyens de la police, nous lui avons demandé son avis sur les syndicats.
Le Point.fr : Comment expliquez-vous cette méfiance vis-à-vis des syndicats policiers ?
Gaël : Après douze années passées dans la police, j'ai réalisé, comme beaucoup de mes collègues, que les principaux syndicats (Alliance, Unsa, Unité SGP) ne travaillent pas dans notre intérêt. Surtout pas dans celui de la police « d'en bas ».
Les syndicats s'occupent d'eux. On voit, au travers des nombreux tracts avec lesquels ils nous inondent, qu'ils sont surtout préoccupés par leur propre conflit, c'est-à-dire accuser tel ou tel syndicat d'avoir trahi un autre, avoir signé telle ou telle réforme pour les policiers. C'est un jeu, c'est du théâtre, de la politique.
Les syndicats s'occupent d'eux. On voit, au travers des nombreux tracts avec lesquels ils nous inondent, qu'ils sont surtout préoccupés par leur propre conflit, c'est-à-dire accuser tel ou tel syndicat d'avoir trahi un autre, avoir signé telle ou telle réforme pour les policiers. C'est un jeu, c'est du théâtre, de la politique.
Les syndicats font la pluie et le beau temps.
Ces querelles de chapelles entre syndicats vous divisent-elles ?
Nos syndicats nous ont tous trahis à un moment donné. Je n'ai pas souvenir que les syndicats de policiers soient un jour parvenus à améliorer nos conditions de travail.
Alors, il y a d'un côté les policiers déçus et de l'autre ceux qui ne veulent pas se mettre à dos les syndicats pour éviter que leur carrière soit « bloquée ». Alors, oui, il y a des désaccords.
Alors, il y a d'un côté les policiers déçus et de l'autre ceux qui ne veulent pas se mettre à dos les syndicats pour éviter que leur carrière soit « bloquée ». Alors, oui, il y a des désaccords.
Environ huit policiers sur dix sont syndiqués. Et pourtant, les syndicats peinent à mobiliser depuis le début de la grogne. Comment expliquez-vous ce paradoxe ?
Entrer dans un syndicat est un moyen, sinon le moyen, d'avancer dans sa carrière. Ils font la pluie et le beau temps. Deux de mes collègues ont passé il y a quelques années le même examen pour le grade supérieur. Le premier a échoué et pas l'autre.
De fait, l'administration a considéré que le premier était apte à commander et pas le second. L'année suivante, le policier qui avait raté son test a pourtant pris son grade grâce à la reconnaissance de son expérience.
Celui qui a réussi a dû attendre quatre ans avant d'avoir son grade, via l'administration. Devinez lequel était syndiqué...
C'est un exemple parmi tant d'autres.
Notre administration a laissé le champ libre aux syndicats. J'ai vu des délégués syndicaux faire pression pour que des policiers ne fassent pas de recours auprès de l'administration lorsque ces derniers souhaitaient en savoir plus sur leur mutation. Étrange, ce syndicalisme qui déconseille aux siens de défendre leurs intérêts...
De fait, l'administration a considéré que le premier était apte à commander et pas le second. L'année suivante, le policier qui avait raté son test a pourtant pris son grade grâce à la reconnaissance de son expérience.
Celui qui a réussi a dû attendre quatre ans avant d'avoir son grade, via l'administration. Devinez lequel était syndiqué...
C'est un exemple parmi tant d'autres.
Notre administration a laissé le champ libre aux syndicats. J'ai vu des délégués syndicaux faire pression pour que des policiers ne fassent pas de recours auprès de l'administration lorsque ces derniers souhaitaient en savoir plus sur leur mutation. Étrange, ce syndicalisme qui déconseille aux siens de défendre leurs intérêts...
L'autre victime de la dégradation de la police, c'est la population.
Ce mercredi, à 18 heures, François Hollande reçoit les syndicats policiers à l'Élysée. Sont-ils à même de pouvoir négocier quelque chose ?
Peut-être. J'ai l'impression qu'on va leur demander de tout faire pour calmer la situation, acheter la paix sociale. Mais les syndicats sont dépassés. Je dirais même que ces manifestations les agacent justement parce qu'ils se rendent compte qu'ils sont dépassés.
Nous étions nombreux à décider de ne pas répondre à l'appel aux rassemblements de mardi devant les palais de justice pour la simple et bonne raison qu'ils étaient organisés par les syndicats.
Nous étions nombreux à décider de ne pas répondre à l'appel aux rassemblements de mardi devant les palais de justice pour la simple et bonne raison qu'ils étaient organisés par les syndicats.
Qu'attendez-vous de cette réunion ?
Je ne me fais pas trop d'illusions. J'aimerais pouvoir travailler en sécurité, dans de bonnes conditions. Pourtant, je ne pense pas être le plus à plaindre quand je vois ce que mes collègues subissent ailleurs.
Je veux un commissariat propre, avec des cellules propres, une voiture en bon état, un radio qui marche et une tenue qui ne se déchire pas au bout de deux jours.
Je veux une hiérarchie qui ne regarde pas uniquement son nombril, sa prime et ses camemberts à statistiques. Je veux faire des choses utiles.
Je veux qu'on arrête de nous faire travailler pour des missions stupides, comme garder une caméra. Je veux refaire de la police du quotidien qui va du tapage nocturne aux constatations de cambriolage.
Je veux travailler comme à mes débuts. Il ne faut pas oublier que l'autre victime de la dégradation de nos moyens, c'est la population.
Je veux un commissariat propre, avec des cellules propres, une voiture en bon état, un radio qui marche et une tenue qui ne se déchire pas au bout de deux jours.
Je veux une hiérarchie qui ne regarde pas uniquement son nombril, sa prime et ses camemberts à statistiques. Je veux faire des choses utiles.
Je veux qu'on arrête de nous faire travailler pour des missions stupides, comme garder une caméra. Je veux refaire de la police du quotidien qui va du tapage nocturne aux constatations de cambriolage.
Je veux travailler comme à mes débuts. Il ne faut pas oublier que l'autre victime de la dégradation de nos moyens, c'est la population.
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