Condamné à perpétuité pour assassinats, aujourd'hui en liberté conditionnelle, l'ancien activiste d'Action Directe fait ses débuts au cinéma à 63 ans, dans le road-movie libertaire Faut savoir se contenter de beaucoup en salle le 10 février.
Artisan cinéaste, auteur d'une quinzaine de films dont La Vie comme elle va et Ici Najac, à vous la terre, le réalisateur, Jean-Henri Meunier, a imaginé la rencontre improbable entre Jean-Marc Rouillan et l'entarteur belge Noël Godin dans Faut savoir se contenter de beaucoup, en salles mercredi 10 février, qui joue sur la frontière entre fiction et réalité documentaire.
L'un, Noël Godin, prône «une révolution comique», tandis que l'autre, Jean-Marc Rouillan, en liberté conditionnelle depuis 2012 après 24 ans de prison, a choisi dans les années 70 la lutte armée.
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«On s'est amusés pendant les 18 mois de tournage, ça a été une joyeuse déconne», raconte à l'AFP Jean-Marc Rouillan, 63 ans, pour qui «être un acteur comique» est «un bras d'honneur». «Pour moi, c'est une façon d'être un autre, puisque je ne peux pas être, par décision de justice, celui que je suis.
Donc il faut bien que je sois un peu acteur», ajoute l'ex-activiste, qui ne doit pas s'exprimer publiquement sur les faits pour lesquels il a été condamné, ni les évoquer dans des ouvrages ou des articles, sous peine de retourner en prison.
Cofondateur d'Action Directe, organisation armée d'extrême gauche, Jean-Marc Rouillan a été condamné en 1987 à la réclusion criminelle à perpétuité notamment pour l'assassinat du PDG de Renault Georges Besse. Il a bénéficié d'un régime de semi-liberté en 2007, révoqué fin 2008, avant d'être à nouveau en semi-liberté en 2011.
Dans Faut savoir se contenter de beaucoup, les deux personnages se lancent sur les routes, de Paris à Toulouse en passant par Marseille ou Bruxelles. Ce périple, à la recherche notamment d'une Cadillac, est le prétexte à des échanges sur leurs conceptions de la révolution et leur quête d'un monde meilleur, au gré de rencontres avec d'autres opposants à l'ordre établi --des Liliths (ex-Femen) belges aux zadistes de Sivens--.
«Un film de la bonne humeur»
Des acteurs comme Sergi Lopez interviennent également dans ce long métrage aux dialogues improvisés.
Grâce à Jean-Henri Meunier, «on est devenus de vrais personnages de fiction et on s'est pris au jeu», explique Jean-Marc Rouillan, crâne rasé et yeux qui brillent, estimant «important d'apporter par la culture un nouveau sens à ce que pourrait être la société».
«On a fait un film de la bonne humeur, de la dérive de bonne humeur, sympathique. Mais les temps ne sont pas sympathiques», lâche-t-il.
«Je crois que ce film parle du désarroi actuel devant ce qui se passe, devant l'extrémisme de la réaction», ajoute l'ex-membre d'Action Directe, auteur d'une quinzaine de livres, qui habite aujourd'hui à Marseille où il travaille dans une entreprise d'exportation de bois.
«Ces deux bonshommes qui errent dans la nature, c'est aussi le reflet de tout le mouvement actuel de gens qui ne voient pas comment on va réussir à s'opposer à cette cascade réactionnaire», estime-t-il.
Face à ce taiseux qui dit «ne pas avoir envie de rire», Noël Godin, agitateur de 70 ans aux élans lyriques, célèbre pour ses lancés de tartes à la crème sur des personnalités --de Marguerite Duras à Bill Gates en passant par Bernard-Henri Lévy, sa cible favorite--, affirme croire dans une révolution «totalement constellée de gags».
Avec Jean-Marc Rouillan, «nous avons chacun notre conception» de la révolution, affirme à l'AFP ce grand Belge à l'air bonhomme, qui va jusqu'à comparer l'ex-membre d'Action Directe à un personnage «sorti de romans de cape et d'épée».
«L'époque n'a jamais été si peu propice à la subversion, et c'est pour ça qu'il est plus nécessaire que jamais de réveiller l'instinct de révolte tout autour de nous», poursuit celui qui dit «rêver totalement d'entarter» Manuel Valls ou l'ex-patron de Charlie Hebdo Philippe Val.
Le Figaro
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