Il faut «brouiller» les téléphones dans les prisons a déclaré le ministre de la justice mardi matin. 30.000 appareils ont été saisis en 2015. Plusieurs pistes existent pour mieux faire appliquer l'interdiction.
Le téléphone portable est interdit en prison par voie réglementaire. Pourtant, l'an dernier ce sont près de 30.000 appareils qui ont été saisis par l'administration pénitentiaire, selon les chiffres rappelés ce matin par le ministre de la justice Jean-Jacques Urvoas.
L'antienne des portables en prison est revenue sur le tapis alors qu'un détenu de Béziers s'est illustré sur internet en se filmant dans sa cellule avec un smartphone.
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«En 26 ans de métier, je n'ai jamais vu ça, c'est devenu une véritable passoire, c'est catastrophique.
Quand j'ai commencé à Fleury-Mérogis en 1989, si vous trouviez un téléphone portable ou un objet illicite, on vous donnait une médaille, aujourd'hui on en trouve quotidiennement» raconte Jérôme Massip, secrétaire général du Syndicat pénitentiaire des Surveillants (SPS).
«Ce que les surveillants attendent, c'est que les portables ne pénètrent pas en prison. C'est une ouverture sur l'extérieur qui peut permettre la préparation d'évasions, de pressions sur les victimes, de continuation du trafic» explique encore le syndicaliste, exaspéré. Plusieurs mesures sont évoquées pour rendre plus effective une interdiction qui reste pour le moment lettre morte.
• Les filets anti-projection
Une des techniques employées par les détenus pour faire rentrer les téléphones est de les jeter par-dessus l'enceinte dans la cour de la prison, le plus souvent enveloppés de balles de tennis. Des filets sont la plupart du temps tendus pour empêcher tout colis de passer, mais parfois les mailles sont trop larges, ou, comme le raconte un surveillant, des complices envoient des balles enflammées pour les trouer. «Plusieurs établissements ne sont pas équipés de filets anti-projections. La sécurisation des enceintes pénitentiaires doit être la priorité» explique un surveillant.
• Les moyens humains
«On a un système carcéral qui craque. Dans certaines coursives, on a un surveillant pour 80 à 120 détenus. C'est nous qui sommes surveillés!» déplore Thomas Robe, secrétaire national CGT pénitentiaire. Pour lui, l'augmentation du nombre de surveillants aiderait effectivement à la traque des téléphones, rendue impossible par la surpopulation carcérale. Il y a en France 76.601 prisonniers pour 26.000 surveillants (chiffres 2015).
• Le rétablissement des fouilles systématiques
«Quand bien même on aurait le moyens humains, nous n'avons même pas les moyens législatifs de fouiller les détenus» déplore un autre syndicaliste. En effet, la fouille intégrale à la sortie des parloirs a été supprimée par l'article 57 de la loi pénitentiaire de 2009 de Rachida Dati, après que la France ait été admonestée par la CEDH. Désormais, seules les fouilles aléatoires, ou «justifiées par la présomption d'une infraction» sont permises. Le député Philippe Goujon (Les Républicains) a déposé une proposition de loi pour rétablir cette fouille systématique au moins pour les prisonniers radicalisés.
• La vidéo-surveillance dans les parloirs
Autre mesure préconisée par le député Philippe Goujon dans son projet de loi sur la surveillance électronique des détenus, qui a été rejeté par la majorité présidentielle: la mise en place d'une vidéo surveillance des parloirs ordinaires, pour surveiller que les détenus ne recoivent pas des contenus illicites de visiteurs. «Impossible», répond un surveillant «Il faut respecter l'intimité du détenu. Si on fait ça, ça créera de la méfiance et des conflits.»
• Les scanners corporels
Autre solution, la mise en place de portiques permettant de détecter les téléphones à la sortie des parloirs. Christiane Taubira, qui a veillé à la mise en application de la loi Dati sur l'interdiction des fouilles corporelles, avait promis en échange la dotation des prisons de scanners corporels. Mais, selon une source pénitentiaire «moins d'une dizaine de maisons centrales ont été équipées».
• Les brouilleurs
Si on ne peut pas empêcher les portables d'entrer, la solution la plus simple est d'empêcher leur fonctionnement à l'intérieur de la prison. Il faut «brouiller» les téléphones portables, a ainsi proposé le ministre de la Justice mardi matin. «Ce n'est pas une idée en l'air», assure-t'on côté ministère même si «il ne s'agit pas d'une annonce, mais d'une piste». «Ce serait la solution la plus simple», glisse un syndicaliste. «Mais ça génère un coût». D'autres, comme le député Philippe Goujon, n'y croient pas. Il faudrait empêcher en effet que les brouilleurs ne perturbent l'administration pénitentiaire et le voisinage. Des tests sont actuellement en cours dans les prisons pour trouver la technologie la plus adaptée.
Le Figaro
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