Depuis presque deux ans, des hommes bénéficient d’un aménagement de peine pour effectuer une partie de leur condamnation au « 30 », une structure spécialement conçue par Caritas Alsace. L’objectif de cette expérimentation : les aider à trouver un emploi et éviter qu’ils ne récidivent.
Sur la façade d’une maison ordinaire d’un quartier ouest de Strasbourg, aucun signe distinctif hormis un petit écriteau « 30 ». Rien de particulier non plus à l’intérieur, hormis quelques règles affichées au mur. La raison ? Les quatre hommes, qui vivent dans autant de studios conçus spécifiquement pour eux dans cette demeure, bénéficient d’un aménagement de peine leur permettant de ne pas passer la totalité de leur condamnation en prison.
« L’envie de s’en sortir »
À la place des agents de l’administration pénitentiaire, trois salariés et une quinzaine de bénévoles de Caritas Alsace se relaient 24h/24 et 7J/7 pour les surveiller mais surtout pour accompagner leur réinsertion sociale et professionnelle. À l’échelle du pays, une seule structure du même type existe (à Metz), mais elle n’est pas pilotée par l’organisation catholique.
« L’ouverture du 30 à Strasbourg répond au besoin des détenus de poser leur sac loin de leur environnement habituel pour bien préparer leur réinsertion , explique Mireille Recous, la responsable du pôle prison de Caritas. Nous sommes là pour aider ces hommes à briser la spirale qui les a menés à commettre leurs méfaits et éviter ainsi qu’ils ne récidivent. Pour réussir, il est impératif qu’ils aient envie de s’en sortir, ce qui arrive souvent avec l’âge, la naissance d’un enfant ou la prise de conscience de la gravité des faits qu’ils ont commis. »
Présent dans la structure depuis quelques semaines, Michel* ne se « cherche pas d’excuses. J’ai fait des conneries et je le regrette. Durant mes deux ans à l’écrou, j’ai eu le temps d’y réfléchir, de comprendre qu’il ne fallait pas que je recommence. Si j’ai demandé à venir au 30, ce n’est pas pour changer mon passé, je ne le peux pas, mais bien pour aller de l’avant. »
« Dangerosité zéro »
Cette volonté d’emprunter le droit chemin, les détenus doivent avant tout la démontrer à « un juge d’application des peines, seul habilité à décidé de leur placement chez nous , précise Bernard Rollin, le directeur du 30. Pour ce faire, le magistrat se base sur le projet de vie, notamment professionnel, que le détenu a défini avec son conseiller d’insertion et de probation. Le juge tranche également en fonction de certaines dispositions légales, comme l’obligation d’avoir effectué au moins les deux tiers de sa peine en prison » , même si, dans le cadre de la loi Taubira, deux personnes ont déjà pu y effectuer l’intégralité de leur condamnation. Tous ont quitté la structure à la date de leur libération, c’est-à-dire à la fin de leur peine.
« Un suivi hyper individualisé »
Si le juge d’application des peines veille à ce que les hommes placés présentent « une dangerosité zéro » , dixit Mireille Recous, la nature de leurs crimes ou délits n’est pas un critère discriminant. Le « 30 » refuse uniquement, et ce pour des questions pratiques de suivi, les hommes souffrant de problèmes psychiatriques ou alcooliques. L’âge est également aléatoire. Le plus jeune résidant actuellement de la structure est âgé d’une vingtaine d’années, alors que l’aîné a dépassé la cinquantaine. Enfin, Caritas ayant un accord avec la Direction interrégionale des services pénitentiaires Est, les établissements auxquels les détenus sont rattachés peuvent aussi bien être situés en Alsace, qu’en Lorraine ou en Franche-Comté.
« Chaque détenu ayant son propre parcours, nous tâchons de leur fournir un suivi hyper individualisé » , martèle Mireille Recous. « Dès leur arrivée, nous les accompagnons dans un grand nombre de démarches administratives , précise Bernard Rollin. Il s’agit, par exemple, de faire en sorte qu’ils perçoivent le revenu de solidarité active, qu’ils bénéficient de la couverture mutuelle universelle ou mieux encore qu’ils soient pris en charge par la caisse primaire d’assurance-maladie. » « Pour ma part, comme je suis apatride, ils m’aident aussi à obtenir de la préfecture un titre de séjour en règle, ce qui est indispensable si je veux trouver un boulot » , précise Michel avant de confier que pour augmenter ses chances, il désire passer son permis, lui qui a appris son code en prison. Avant ses déboires avec la justice, l’homme a travaillé dans les cuisines de plusieurs grands restaurants strasbourgeois.
« Le plus important pour nos bénéficiaires est de trouver un emploi, pour des questions matérielles bien entendu, mais aussi parce que souvent ils souffrent d’une image de fainéant. » , relève Mireille Recous. « Nous les accompagnons donc immédiatement dans leur inscription à Pôle Emploi et dans la rédaction de leur CV, poursuit Bernard Rollin. Nous suivons aussi de façon très régulière leurs démarches auprès d’employeurs ou d’organismes de formation et, le cas échéant, nous pouvons nous appuyer sur le réseau de Caritas pour leur trouver un poste. Une fois qu’ils en ont un, nous faisons attention à ce que tout se passe pour le mieux, qu’ils respectent les horaires, leurs collègues, et en faisons part au juge d’application des peines. »
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