Son nouveau compagnon de cellule, à peine arrivé, sort une lame de rasoir pour se trancher les veines: il lui retire et se prépare à une longue nuit. Le nouveau a prévenu: "Si tu dors, je passe à l'acte".
A. est co-détenu de soutien, recruté par la direction de la maison d'arrêt de Strasbourg et mobilisé lorsqu'un pensionnaire semble sur le point d'attenter à ses jours.
Strasbourg figurait parmi les premiers établissements pilotes. Ils sont aujourd'hui sept et l'on ne parle plus d'expérience. Au moins trois autres sont sur les rangs.
"Les co-détenus sont là au moment où les autres mécanismes de prise en charge ne sont pas disponibles", notamment la nuit et le week-end, explique Alain Reymond, directeur de la maison d'arrêt de Strasbourg.
Comme la vingtaine d'autres co-détenus de soutien (ou CDS) qu'a connus Strasbourg depuis 2010, A. a été formé par Jean-Louis Terra, référent sur le sujet au niveau national et professeur à l'université Lyon 1.
En août, cette maison d'arrêt surpeuplée comptait 8 CDS, mais ils ne sont plus que deux en ce début mars. "Le principal souci qu'on rencontre, c'est l'érosion des équipes", souligne M. Reymond.
"La situation des gens peut évoluer très rapidement", poursuit le chef d'établissement. "Ils peuvent bénéficier d'un aménagement de peine, d'une remise en liberté. Et comme ce sont des gens qui ont des profils plutôt favorables, (...) quand ils la demandent, souvent, ils l'ont."
Une nouvelle session de formation aura lieu mi-mai, se réjouit Béatrice Gerges, responsable départementale des actions sociales de la Croix Rouge, qui se rend tous les quinze jours à la maison d'arrêt pour échanger avec les co-détenus de soutien.
Trois candidats sont déjà identifiés. Les bons profils sont rares et les volontaires encore plus. Car il n'y a rien à gagner de concret pour ceux qui s'engagent.
Pas d'avantage matériel, pas de remise de peine, et encore moins de rémunération.
- Les angoisses du 'choc carcéral' -
"Quand je sors de trois jours avec quelqu'un et que je sens que ça va mieux, c'est gratifiant", dit B., l'autre co-détenu de soutien de Strasbourg.
"J'ai le sentiment de redevenir celui que j'étais dehors", décrit B. "Parce qu'il faut le dire: quand on entre ici, on perd tout. On n'est plus rien."
Souvent, les cas les plus préoccupants sont d'ailleurs de nouveaux arrivants, confrontés au fameux "choc carcéral"...
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