En théorie, 50.000 détenus pourraient mettre un bulletin dans l'urne aux municipales. En réalité, pas si simple. L'association Robin des lois veut obtenir l'ouverture de bureaux de vote derrière les barreaux.
"J'ai voté pour la première fois à la présidentielle de 2012, quand j'étais en maison d'arrêt. J'ai donné ma procuration à quelqu'un du PS. J'étais fier. Mais il a fallu que je me batte", confie Abès*, joint par téléphone dans son lieu de détention. "Pour les municipales, je n'ai pas le courage de refaire les démarches. Ici, il y a tellement d'autres problèmes : le parloir, les douches, la cantine… Voter quand on est en prison, c'est super galère!"
Aujourd'hui, la très grande majorité des détenus a le droit de vote. Une condamnation à une peine de prison n'entraîne plus la privation automatique des droits civiques, comme avant 1994. En 2012, 1.609 détenus étaient déchus de ces droits, peu au regard des 64.787 prisonniers recensés au 1er janvier 2012. Soit, en écartant les mineurs (712) et les étrangers (12.548), près de 50.000 électeurs potentiels derrière les barreaux aux dernières élections. Aux municipales, le nombre devrait être plus élevé, l'élection étant également ouverte aux ressortissants de l'Union européenne.
Dans les faits, très peu participent aux scrutins. À la présidentielle de 2012, 1.980 détenus ont voté au second tour (1.624 par procuration, 356 avec une permission de sortie), soit moins de 4% des électeurs potentiels. Aux législatives, on ne comptabilisait que 1.112 votants (760 par procuration, 352 avec une permission de sortie), soit moins de 2,5%, et moins qu'en 2007. Des affichettes "Le savez-vous?" concernant l'inscription sur les listes électorales ont pourtant été placardées dans les prisons. "Il y a eu des améliorations, reconnaît Marie Cretenot, de l'Observatoire International des Prisons (OIP). Mais cela reste une information a minima, noyée parmi d'autres. De nombreux détenus pensent encore qu'ils sont privés de leurs droits civiques du fait de leur incarcération."
Derrière les barreaux, la démarche s'apparente à un parcours du combattant. Pour la procuration par exemple, il faut trouver un mandataire. Pas facile quand on est inscrit dans la commune de son établissement pénitentiaire, où l'on ne connaît personne. Et comment confier sa consigne de vote? Au parloir? Il faut que le mandataire ait un droit de visite. "En prison, tout se passe par écrit, par des intermédiaires : greffe, conseiller péintentiaire d'insertion et de probation… Comme beaucoup de détenus ont des problèmes avec l'écriture ou la lecture, beaucoup renoncent", regrette Matthieu Quinquis, vice-président du Genepi, le groupement étudiant national d'enseignement aux personnes incarcérées.
Voir le recours envoyé aux ministères de la Justice et de l'Intérieur.
"L'ouverture des bureaux de vote dans les prisons est une idée qui circule et sur laquelle une réflexion est menée, indique-t-on à la Chancellerie. C'est une idée généreuse mais qui soulève des questions juridiques et pratiques en termes d'organisation et de compétence avec le ministère de l'Intérieur. Cela peut aussi modifier la composition du corps électoral et avoir des conséquences dans certains scrutins." Que se passerait-il en effet, aux municipales, dans une ville comme Fleury-Mérogis (Essonne) qui compte près de 9.000 habitants et 3.900 détenus? Leurs voix pourraient peser très lourd dans l'élection du maire. Une crainte absurde, estime François Korber : "La plupart des prisons sont de taille moyenne, et les détenus s'intéressent peu aux municipales : ils savent qu'ils ne s'installeront pas là à leur sortie de prison." Le militant espère surtout que son idée sera reprise lors des débats sur la réforme pénale.
* Le prénom a été changé
Aujourd'hui, la très grande majorité des détenus a le droit de vote. Une condamnation à une peine de prison n'entraîne plus la privation automatique des droits civiques, comme avant 1994. En 2012, 1.609 détenus étaient déchus de ces droits, peu au regard des 64.787 prisonniers recensés au 1er janvier 2012. Soit, en écartant les mineurs (712) et les étrangers (12.548), près de 50.000 électeurs potentiels derrière les barreaux aux dernières élections. Aux municipales, le nombre devrait être plus élevé, l'élection étant également ouverte aux ressortissants de l'Union européenne.
1.980 détenus ont voté au second tour de la présidentielle de 2012
Pour voter, les prisonniers doivent bien sûr être inscrits sur les listes électorales. Dans leur commune habituelle ou, depuis la loi pénitentiaire de 2009, en se faisant domicilier auprès de leur établissement pénitentiaire. Il existe ensuite deux façons de voter : par procuration ou, depuis 2007 pour certains détenus, en obtenant une permission de sortie auprès du juge d'application des peines.Dans les faits, très peu participent aux scrutins. À la présidentielle de 2012, 1.980 détenus ont voté au second tour (1.624 par procuration, 356 avec une permission de sortie), soit moins de 4% des électeurs potentiels. Aux législatives, on ne comptabilisait que 1.112 votants (760 par procuration, 352 avec une permission de sortie), soit moins de 2,5%, et moins qu'en 2007. Des affichettes "Le savez-vous?" concernant l'inscription sur les listes électorales ont pourtant été placardées dans les prisons. "Il y a eu des améliorations, reconnaît Marie Cretenot, de l'Observatoire International des Prisons (OIP). Mais cela reste une information a minima, noyée parmi d'autres. De nombreux détenus pensent encore qu'ils sont privés de leurs droits civiques du fait de leur incarcération."
Derrière les barreaux, la démarche s'apparente à un parcours du combattant. Pour la procuration par exemple, il faut trouver un mandataire. Pas facile quand on est inscrit dans la commune de son établissement pénitentiaire, où l'on ne connaît personne. Et comment confier sa consigne de vote? Au parloir? Il faut que le mandataire ait un droit de visite. "En prison, tout se passe par écrit, par des intermédiaires : greffe, conseiller péintentiaire d'insertion et de probation… Comme beaucoup de détenus ont des problèmes avec l'écriture ou la lecture, beaucoup renoncent", regrette Matthieu Quinquis, vice-président du Genepi, le groupement étudiant national d'enseignement aux personnes incarcérées.
Vers l'ouverture de bureaux de vote en prison?
D'où l'idée de faciliter les démarches en ouvrant des bureaux de vote en prison, comme au Danemark, en Pologne ou au Canada. En juillet 2012, les sénateurs Jean-René Lecerf et Nicole Borbo Cohen-Seat proposaient d'examiner cette possibilité dans leur rapport sur l'application de la loi pénitentiaire de 2009. C'est aussi un combat de François Korber, de l'association Robin des lois. Celui-ci a envoyé samedi aux ministres de la Justice et de l'Intérieur un recours administratif préalable (RAP) réclamant une modification du code électoral afin de permettre l'ouverture de bureaux de vote en prison. Il se dit prêt à attaquer devant le juge administratif.Voir le recours envoyé aux ministères de la Justice et de l'Intérieur.
"L'ouverture des bureaux de vote dans les prisons est une idée qui circule et sur laquelle une réflexion est menée, indique-t-on à la Chancellerie. C'est une idée généreuse mais qui soulève des questions juridiques et pratiques en termes d'organisation et de compétence avec le ministère de l'Intérieur. Cela peut aussi modifier la composition du corps électoral et avoir des conséquences dans certains scrutins." Que se passerait-il en effet, aux municipales, dans une ville comme Fleury-Mérogis (Essonne) qui compte près de 9.000 habitants et 3.900 détenus? Leurs voix pourraient peser très lourd dans l'élection du maire. Une crainte absurde, estime François Korber : "La plupart des prisons sont de taille moyenne, et les détenus s'intéressent peu aux municipales : ils savent qu'ils ne s'installeront pas là à leur sortie de prison." Le militant espère surtout que son idée sera reprise lors des débats sur la réforme pénale.
* Le prénom a été changé
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