lundi 20 janvier 2014

Des prisons indignes de la France

Et voici de retour ce qui devient un véritable drame : la prison française.
 
 
4 décembre 2013 à Fresnes : trois surveillants blessés par un détenu. 7 janvier 2014 à Marseille : la directrice des Baumettes prise en otage. Le même jour, à Yzeure (Allier) : les détenus refusent de regagner leurs cellules. 10 janvier à Condé-sur-Sarthe : un détenu blesse un cadre de cette nouvelle prison ; un surveillant est roué de coups, un gardien avait été séquestré le mois précédent. 13 janvier à Toul : une psychologue est retenue par un détenu armé d'une brosse à dents taillée en pointe, etc. Comment s'étonner que les surveillants des centres pénitentiaires de Rennes et de Blois aient bloqué leurs établissements pour protester ?

Tout le monde connaît la nature des problèmes posés et non résolus depuis des décennies, à commencer par la surpopulation inacceptable des prisons : 68 000 détenus pour 57 000 places. Conséquences : entassement dans les cellules, matelas à même le sol, manque d'activités. En même temps, les surveillants sont en nombre insuffisant dans certains établissements. Ils sont surmenés, stressés par une ambiance dégradée. Certains disent même venir au travail « la peur au ventre ». Le personnel fatigué dialogue moins avec les détenus. « Or, c'est l'humain qui permet le plus souvent d'éviter les conflits. » Et l'humain est très absent des prisons neuves, aseptisées, électronisées, aux glaces sans tain qui cachent les surveillants, aux portails électroniques si nombreux qu'ils rendent les circulations plus compliquées, longues et difficiles. Tout cela éloigne les surveillants des prisonniers.

Restaurer notre image

Ces nouvelles prisons sont souvent surdimensionnées. Beaucoup préfèrent les vieilles prisons avec leurs défauts à ces constructions déshumanisées et déshumanisantes. On se demande quels sentiments humains animent les architectes qui les construisent et les fonctionnaires qui leur dictent les normes...
Par ailleurs, on sait que nombre de détenus ne sont pas à leur place dans les prisons : 10 à 15 % sont atteints de troubles psychiatriques graves et devraient donc être placés en instituts spécialisés. Les personnels ne sont pas - ou pas assez - formés pour « suivre ces prisonniers, percevoir les signes avant-coureurs d'une crise ».

Autre difficulté : la fin des fouilles engendre l'insécurité. Pourtant, il faut absolument éviter que cette pratique revête les aspects dégradants que l'on sait. Les encadrer est un progrès pour la dignité des personnes, reconnaît A. Minet, président de la CFTC pénitentiaire. Mais alors, dit-il, « il faut équiper les prisons de portiques à ondes millimétriques comme dans les aéroports » (1). Cela avait été promis mais trop peu de prisons sont équipées.

Tout cela est connu mais se perpétue comme s'il était impossible de mettre en oeuvre des solutions, elles aussi bien connues. Une fois de plus, on objecte les coûts élevés des transformations et mises à niveau nécessaires. Pourtant, au nom de l'égalité si fortement réclamée par tous et pour tous, on ne comprend pas cette sorte d'effacement volontaire d'un problème essentiel puisqu'il s'agit au total de dignité humaine.

Il se grandirait dans l'Histoire, le gouvernement qui oserait donner la priorité, y compris budgétaire, à un tel problème. En ne progressant pas sur cette question, la France n'en finit pas de ternir son image.

(1) Lire la remarquable étude du journal La Croix, 15 janvier.

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