jeudi 8 septembre 2016

Agression de gardiens à la prison d'Osny : "Les unités dédiées sont la seule solution pour suivre les détenus radicalisés"

Franceinfo a interrogé Guillaume Denoix de Saint-Marc, le président de l'Association française des victimes du terrorisme, qui est intervenu à plusieurs reprises dans le cadre d'ateliers à la maison d'arrêt d'Osny.

Une unité de prévention de la radicalisation a été mise en place à Osny (Val-d'Oise), au début de l'été 2016. 

L'agression de deux surveillants pénitentiaires à la maison d'arrêt d'Osny (Val-d'Oise) relance le débat autour des unités de prévention de la radicalisation.



Dimanche 4 septembre, un détenu de ce quartier réservé aux personnes liées à des affaires jihadistes a gravement blessé un gardien avec un couteau artisanal.

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Selon un délégué régional FO, cité par Le Figaro, l'agent a eu le "cou traversé de part en part par une espèce de poinçon de 15 cm". Un collègue venu à son secours a lui aussi été blessé au bras.

Déjà critiqué lors de son lancement au début de l'été, ce dispositif mis en place dans les prisons de Fresnes (Val-de-Marne), Fleury-Mérogis (Essonne), Osny (Val-d’Oise) et Lille-Annœullin (Nord) est plus que jamais pointé du doigt.

Franceinfo a interrogé Guillaume Denoix de Saint Marc, le président de l'Association française des victimes du terrorisme, qui est intervenu à plusieurs reprises dans le cadre d’ateliers à Osny.

Franceinfo : Après l’attaque d'Osny, des syndicats, notamment FO Pénitentiaire, ont demandé la suppression des unités de prévention de la radicalisation. Selon le député Georges Fenech (LR), cette agression montre "les limites" de ce dispositif "en termes de sécurité et de prosélytisme". Qu’en pensez-vous ?

Guillaume Denoix de Saint Marc : Je me sens évidemment très concerné par ce fait tragique, parce que nous sommes une association de victimes du terrorisme. Mais il est trop tôt pour juger de l’efficacité de ces unités dédiées. Le regroupement de ces détenus n’a commencé que depuis le début de l'été et leur prise en charge est encore balbutiante.

En Europe, il y a deux types de politique au sujet des personnes radicalisées : soit on les regroupe, soit on les isole. En France, vu le nombre de personnes incarcérées dans des affaires liées au jihadisme, il est impossible de toutes les disperser. Les unités dédiées sont donc la seule solution pour apporter un suivi adapté à ces personnes, avec des professionnels formés pour travailler à la "déradicalisation".

N’y a-t-il pas un risque que les détenus les plus fanatiques embrigadent ceux qui sont moins convaincus ?

En rassemblant ces détenus, nous augmentons logiquement le risque de violence au sein de ces unités. Cependant, l’idée de ce dispositif n’est pas de mélanger toutes ces personnes, mais de regrouper celles dont le degré de radicalité est équivalent. L’unité de la maison d’arrêt de Lille est, par exemple, réservée aux plus extrémistes. L'agresseur des surveillants d'Osny aurait peut-être dû être incarcéré là-bas.

L’enjeu est donc de bien évaluer le degré de dangerosité des détenus. Avec notre association, dans le cadre de nos interventions à Osny et à Fleury-Mérogis, nous avons travaillé sur ces méthodes de détection. Parfois, on se trompe : la dissimulation est une stratégie bien connue chez les jihadistes. C’était le cas de certains des 51 détenus que nous avions suivis. Et c’est à force d’échanger avec eux que nous avons découvert des incohérences dans leur discours. A un moment, ils se prennent les pieds dans le tapis. Pour détecter ces profils dangereux, il faut les suivre de près.

Pensez-vous que ce type d’incarcération peut désamorcer les risques de passage à l’acte ?

"Déradicaliser" les personnes exige d'engager les moyens nécessaires. Il faut que le détenu soit volontaire. Ce travail personnel commence par une prise de conscience qui sème le doute dans sa construction intellectuelle. C’est ensuite que des professionnels peuvent l’accompagner pour qu’il se forge sa propre opinion, loin du jihadisme.

Notre travail, en tant qu’association de victimes, c’est de faire réfléchir ces détenus sur la position victimaire. Ils se considèrent eux-mêmes comme des victimes de la société, dont ils se sentent exclus ou qui, selon eux, les empêche de pratiquer leur religion. C’est cette posture qui, à leurs yeux, justifie le passage à la violence. Nous les mettons face à de vraies victimes, qui n’ont pas de haine et sont même heureuses. Pour eux, c’est un choc. Une victime qui s’en est sortie, ça n'entre pas dans leur logiciel. Aussi étrange que cela puisse paraître, certains se reconnaissent même en nous. Cela permet un dialogue libre, sur des choses qui sont taboues dans notre société. Ils commencent à se poser des questions : c’est cela, le but.

Franceinfo

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