mercredi 7 septembre 2016

Osny: L'attaque des surveillants relance le débat sur les unités dédiées aux détenus radicalisés

Depuis leur création il y a quelques mois, ces unités ont fait couler beaucoup d'encre...

La contrôleure générale des lieux de privation de liberté, Adeline Hazan, se dit "défavorable" au regroupement des détenus islamistes dans le cadre de la lutte contre la radicalisation en prison.

Comment un détenu placé en unité dédiée a-t-il pu agresser des surveillants ? L’attaque avec une arme artisanale de deux membres de l’administration pénitentiaire de la maison d’arrêt d’Osny (Val-d’Oise) remet sur le devant de la scène les conditions de sécurité en détention et plus spécifiquement dans les unités dédiées (UD) aux détenus radicalisés, créées il y a peu.



C’est au sein de l’un de ces quatre nouveaux quartiers spéciaux que s’est produite l’attaque de dimanche. Un prisonnier de 24 ans originaire de Trappes (Yvelines) a sauté sur l’un des surveillants, le poignardant au niveau du thorax, avant de lui donner un coup de couteau au niveau de la gorge.

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De sources syndicales, le détenu aurait ensuite mis ses mains dans le sang du surveillant avant de se mettre à prier. Un autre membre du personnel pénitentiaire s’est alors précipité pour arracher son collègue à l’assaillant. Il a alors été blessé au bras par Bilal T. avant de réussir à passer de l’autre côté de la grille avec le surveillant grièvement touché, aujourd’hui hors de danger.

Un mélange des détenus ?

Tout cela s’est donc produit au coeur de l’UD, dimanche après-midi alors que le personnel pénitentiaire préparait les détenus à la promenade.

D’après l’Ufap-Unsa, deux détenus très radicalisés seraient arrivés à Osny, qui compte actuellement 18 prisonniers dans son unité de 23 places, il y a six semaines. « Ils n’ont rien à faire à Osny, l’unité d’évaluation de Fresnes aurait dû les envoyer à Lille, où sont normalement regroupés les individus plus radicalisés, explique le secrétaire régional adjoint du syndicat pénitentiaire majoritaire.

Depuis leur arrivée, les surveillants ont remarqué que les mentalités dans l’UD ont changé. Certains sont davantage endoctrinés qu’avant », poursuit le représentant syndical.

Ces deux détenus auraient donc pu influencer Bilal T. dans son passage à l’acte. Depuis la création de celles-ci, plusieurs syndicats dénoncent le regroupement des détenus radicalisés ainsi qu’un « isolement de façade » dont ils font l’objet.

« Ces unités sont une absurdité, un mensonge d’Etat entériné par le Premier ministre. L’isolement de ces détenus n’existe pas, contrairement à ce qu’on essaie de nous faire croire », s’emporte Jean-François Forget, secrétaire général de l’Ufap-Unsa.

Pour Ahmed El Hoummass, de la CGT Pénitentiaire, « ils ont ouvert la boîte de Pandorre. Où est-ce qu’on a vu qu’on rassemble tous les mauvais éléments de quatrième dans la même classe au collège ? En détention c’est la même chose. »

L’administration pénitentiaire indique toutefois que les individus les plus radicalisés sont placés à l’isolement, pas en UD.

Des cellules individuelles très prisées

Dans son communiqué daté de lundi, la CGT Pénitentiaire rappelle que le syndicat « n’a de cesse de dénoncer sa perplexité quant à l’efficacité de ses nouvelles structures de prise en charge de ces détenus radicalisés.

Nous soulignions à l’époque notre crainte quant au regroupement de détenus ayant le même profil fanatique au sein d’une même structure, préférant l’isolement et la dispersion sur plusieurs sites, afin d’éviter que cela devienne une « carte de visite » pour le détenu. »

D’après le secrétaire régional de l’Ufap-Unsa, « les détenus ordinaires envient les conditions de détention dans les UD : une grande salle de prière, des films, un accès privilégié à l’unité médicale… »

Un véritable piège qui se referme sur l’administration pénitentiaire, selon Ahmed El Hoummas, de la CGT Pénitentiaire : « Avec ces unités dédiées, on permet au détenu d’avoir une identité carcérale. Il devient quelqu’un, acquiert de la notoriété. Les détenus qui veulent obtenir une cellule individuelle savent ce qui leur reste à faire. »

Car les individus placés en UD ont accès au luxe suprême que tous les détenus envient : des cellules individuelles. En tout, 117 places réparties à Fresnes (Val-de-Marne), Lille (Nord), Fleury (Essonne) et Osny, des UD mais qui ne sont pas séparées du reste de la maison d’arrêt. Un problème, si l’on en croit l’Ufap-Unsa, car les détenus de ces Unités peuvent actuellement se parler entre eux, ainsi qu’avec le reste de la population carcérale.

« L’étanchéité prônée en haut lieu n’existe pas. Quand vous avez des détenus radicalisés au rez-de-chaussée, ils peuvent tout à fait parler à ceux du premier étage par la fenêtre », poursuit le secrétaire régional du syndicat. « Vous n’empêcherez jamais un détenu de parler avec un autre », renchérit Ahmed El Hoummass, de la CGT.

« On risque de voir quelque chose de très grave se produire à Fleury »

Sans compter que d’après l’Ufap-Unsa, il serait arrivé à plusieurs reprises qu’à Osny, en surpopulation, on mette des prisonniers ordinaires dans l’UD, faute de place ailleurs. Les détenus ordinaires qui y auraient été placés se seraient alors retrouvés en lien direct avec les individus radicalisés. Une information que l’administration pénitentiaire n’a pas confirmée. Pour Ahmed El Hoummass, qui affirme n’avoir jamais eu connaissance de tels agissements, « ce serait une erreur grave très risquée politiquement. »

Autre problème : la hausse du nombre de détenus radicalisés et le manque de place en UD. En juillet dernier, un délégué syndical de la CGT à Fleury, où se trouvent pourtant deux unités dédiées de 20 places chacune, confiait à 20 Minutes que la situation dans cette maison d’arrêt de l’Essonne devient de plus en plus explosive : « Fleury est en train de devenir une petite fabrique d’ Adel Kermiche. Toutes nos cours de promenade sont en cours de radicalisation. Le prosélytisme y est très agressif. On risque de voir quelque chose de très grave se produire à Fleury. »

En attendant, le personnel pénitentiaire d’Osny reste choqué par les événements de dimanche. Une psychologue a été mise à leur disposition lundi. « Ça se passe derrière les murs d’une prison, donc tout le monde s’en fout », regrette Jean-François Forget.

20 Minutes

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