jeudi 15 septembre 2016

Vivonne - Mutinerie : " Il voulait juste son transfert "

Chronique d’une mutinerie redoutée. Syndicats pénitentiaires et avocats de détenus sont d’accord sur un point : “  Ça devait exploser un jour ou l’autre. ”

La mutinerie de lundi soir était crainte depuis plusieurs mois. - La mutinerie de lundi soir était crainte depuis plusieurs mois. - (Photo Patrick Lavaud)

La faute aux moyens accordés pour les premiers, la faute au mode de fonctionnement de la prison pour les seconds.



Hier, les deux trentenaires considérés par le parquet comme les meneurs de la mutinerie incendiaire de Vivonne étaient présentés au juge d'instruction en vue de leur mise en examen. L'occasion pour leurs avocats de donner le point de vue des deux mis en cause.

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Refus

« C'est revendicatif », fait savoir Nicolas Lamothe, un Poitevin de 34 ans en détention pour trafic de stups, via son avocate Me Sarah Dusch. Elle évoque la pression du système pénitentiaire. Son client n'a pas souhaité en dire plus par son intermédiaire.

L'étincelle qui lance la mutinerie de lundi, c'est le refus soudain d'une permission de sortie pourtant accordée à un détenu.

Le matin, Medhi Ferrari, un Rochefortais de 30 ans, apprend qu'il ne sortira pas comme prévu dans l'après-midi pour aller voir sa femme durant deux jours.

" Débordé "

« Ce n'est pas un caprice », assure son avocat, Me Takhedmit. « Il obtient une permission, qu'on lui refuse à cause d'un rapport disciplinaire où on lui reproche des choses qu'il nie et alors qu'il n'a même pas pu s'expliquer. Il n'a jamais voulu que ça prenne les proportions que ça a pris. Il a été débordé par l'ampleur, les autres en ont profité. Il est meneur de rien du tout.

Comme d'autres, il voulait juste son transfert. On lui a toujours tout refusé. A la prison, on lui avait fait comprendre que ce qu'il ne pouvait pas obtenir par la voie administrative, il pourrait l'avoir par la voie disciplinaire ! Il n'a pas ébouillanté un surveillant, il ne l'a pas piqué avec une arme artisanale comme d'autre. Il n'y a pas eu de violence (1). »

Pour l'avocat qui dit défendre soixante détenus sur les 600 que compte le centre pénitentiaire, le cas Ferrari n'est pas isolé. « C'est le problème du mode de fonctionnement de cet établissement où on ne gère pas des individus mais des flux. »

« On peut faire des demandes de n'importe quoi », confient d'autres avocats. « On n'a même pas de réponse. A un moment, les détenus deviennent fous. A Niort, la prison est peut-être vétuste, mais au moins, il y a un contact, un échange entre les détenus et les surveillants. »

Medhi Ferrari avait été incarcéré à Vivonne pour deux ans après des violences conjugales sur deux concubines. Une incarcération alourdie, d'après son avocat, par la révocation de sa libération conditionnelle.

Alerte

« Les juges lui avaient déjà infligé une peine lourde, et il s'est retrouvé avec vingt-et-un mois supplémentaires à faire. En détention, il était sous pression permanente. L'Administration pense qu'il est au centre de trafics divers.

Il avait alerté sur sa situation déjà avant l'été, il a dit qu'il n'allait pas bien, il avait demandé son transfert. Ce qui s'est passé lundi, ça aurait pu arriver avec plein d'autres détenus. »

Hier, après leur mise en examen, les deux détenus ont été maintenus en détention et incarcérés, à Bordeaux, pour le Rochefortais, et dans un établissement non précisé pour le Poitevin.

Sanctions

Alors que la justice se laisse le temps de partager les responsabilités dans la mutinerie incendiaire qui a causé des dégâts très importants, les premières sanctions disciplinaires devraient tomber rapidement sur la tête de la cinquantaine de détenus mis en cause.

(1) Le surveillant, un homme de 42 ans, arrivé récemment de Fleuris-Mérogis, avait été plaqué contre un mur et contraint de donner son trousseau de clés.

La Nouvelle République

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