Le quartier femmes de la maison d’arrêt d’Amiens a discrètement fermé ses portes. Depuis juillet, les détenues picardes sont envoyées au centre pénitentiaire de Beauvais.
U ne page de l’histoire vient de se tourner discrètement à la maison d’arrêt d’Amiens. Construite en 1904, la prison a toujours abrité un quartier femmes. Le 22 juillet 2016 marque la fin de son existence de plus d’un siècle.
La trentaine de détenues qui étaient incarcérées à Amiens ont été transférées par petits contingents, dans le nouveau centre pénitentiaire de Beauvais.
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Selon Alain Jego, directeur interrégional de l’administration pénitentiaire, cette démarche a été conduite avec la volonté de regrouper toutes les détenues dans un seul et même endroit.
« Chaque région doit avoir un seul quartier femmes digne de ce nom. Si nous en mettions un dans chaque établissement pénitentiaire, nous aurions trois femmes par prison ! La prison n’est pas seulement un lieu où des gens sont enfermés, c’est aussi un espace où il faut créer une vie éducative, et pour cela, il faut un minimum de détenues. »
Créer un quartier de semi-liberté masculin
En plus de la volonté de rationaliser les budgets en concentrant les femmes dans un seul centre pénitentiaire, la fermeture du quartier femmes d’Amiens va permettre à l’administration de créer un espace de semi-liberté pour les hommes.
« Il n’en n’existait pas un véritable à Amiens jusqu’à présent », déclare Stéphane Daquo, avocat et représentant local de l’observatoire international des prisons.
« Il faut que le quartier de semi-liberté soit vraiment à part. Ce n’est pas évident de faire rentrer les détenus qui travaillent à l’extérieur le soir et les week-ends. Ils ne sont pas censés croiser le reste de la population carcérale, notamment pour éviter les risques de trafics en tous genres. La fermeture du quartier femmes est donc bénéfique pour les hommes, mais pas pour les femmes qui se retrouvent éloignées de leur tissu familial et social. »
De meilleures conditions de détention à Beauvais
Le nouveau centre pénitentiaire de Beauvais, dont la construction a été achevée en 2015, « pourra accueillir 60 femmes », souligne Alain Jego. « Il répond à toutes les normes actuelles de détention.
À Amiens, on pouvait avoir jusqu’à trois femmes par cellule ; à Beauvais ce sera une cellule individuelle avec douche privative. »
Luc Rody, surveillant à la maison d’arrêt d’Amiens a un avis mitigé sur ce sujet : « C’est vrai qu’à Amiens les cellules étaient surchargées, mais en même temps, certains détenus préfèrent ne pas être seuls car ils finissent dépressifs. Cela vaut aussi bien pour les hommes que pour les femmes. »
Pour Alain Jego, « i l faut savoir ce que l’on veut. On entend tout et son contraire ! Quand ils sont plusieurs par cellule ça ne va pas, on parle alors de promiscuité, et quand ils sont en cellule individuelle ça ne va pas non plus ! Est-ce que dehors, on demanderait à trois personnes de vivre dans 9m2 ? Il faut que la société commence à être claire dans ses idées. »
À Amiens, une détention plus conviviale
« C’est vrai que le quartier femmes de la maison d’arrêt d’Amiens était très vétuste. Elles n’avaient même pas une cour avec du gazon, tout était bétonné, mais il y avait quand même une vie autour de ce quartier féminin. L’ambiance était très familiale et les surveillantes avaient tissé de vrais liens avec les détenues. Les gens pensent que parce que nous sommes des surveillants, nous ne prenons pas en considération cela, mais si, on y pense ! » souligne avec nostalgie Luc Rody.
« Il y a tout un système d’activité qui avait été mis en place et qui tournait bien. Des associations venaient travailler avec les femmes détenues. Aujourd’hui, avec la fermeture, je me demande ce que ces associations vont devenir. Même chose pour les surveillantes qui ne désirent pas être affectées dans le quartier hommes. »
Alain Jego, de son côté ne partage pas le même point de vue. « Heureusement que le système fonctionnait bien à Amiens, nous sommes là pour ça ! Mais ça marchera cent fois mieux à Beauvais. Les associations, celles qui veulent suivre les femmes à Beauvais iront là-bas. Les surveillantes, si elles souhaitent leur mutation, elles peuvent la demander. Cependant, quand on est employé dans une maison d’arrêt, on peut aussi bien travailler chez les hommes que chez les femmes. On ne leur demande pas de faire autre chose que leur travail de surveillant. Les locaux, les conditions d’accueil, les unités de vie familiale, cela compte pour une femme détenue. À Beauvais elle pourra serrer son enfant dans ses bras. À Amiens, c’était plus difficile. »
Ma fille a été transférée à Beauvais
« Ma fille était incarcérée à Amiens. C’est une récidiviste, elle avait d’abord fait un an puis elle avait été relâchée. En mai dernier, elle a de nouveau été incarcérée à la maison d’arrêt d’Amiens. Nous avons appris, à cette époque, que le quartier femmes d’Amiens allait fermer et qu’elle serait transférée à Beauvais. Là-bas, je ne lui rends pas visite pour deux raisons. Premièrement, je souhaite marquer le coup. Je suis complètement opposée à sa conduite et je ne veux pas y aller, je lui écris. Deuxièmement, Beauvais c’est loin, ça coûte de l’argent et je n’ai pas le temps, je dois aussi m’occuper de son fils qui est placé en centre d’accueil et dont j’ai la garde deux fois par mois et pendant les vacances scolaires. Je ne suis pas contre son transfert à Beauvais, les conditions de détention sont meilleures et les règles plus strictes qu’à Amiens. De plus, elle va pouvoir travailler au sein de la prison. À Amiens, elle n’avait pas cette opportunité. J’espère que cela va l’aider à ne pas récidiver à nouveau. »
Courrier Picard
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