vendredi 12 août 2016

En Amérique centrale, une justice débordée et des prisons surpeuplées

Pour lutter contre la délinquance et les bandes criminelles, les gouvernements d'Amérique centrale ont fait le choix d'un emprisonnement massif, mais aujourd'hui les prisons sont surpeuplées et la criminalité ne baisse pas, révélant l'échec de cette stratégie.

Des anciens membres du gang M-S13 font une pause durant leurs cours pour apprendre les métiers de la charpenterie, boulangerie, pêche et cuisine dans la prison Apanteos à Santa Ana à l'ouest du San Salvador, le 15 juillet 2016

Au total, le Guatemala, le Salvador, le Honduras, le Costa Rica et le Panama comptent 103.994 détenus répartis dans une centaine d'établissements, dont la capacité combinée est de 48.218 prisonniers. Le taux de surpopulation oscille entre 22 et 245%.



"La surpopulation (carcérale) montre l'échec de la structure du système judiciaire dans son ensemble", estime Laura Andrade, chercheuse salvadorienne spécialisée dans les questions pénitentiaires.

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"On n'a pas cherché d'alternatives à la prison pour la population en conflit avec la loi", regrette-t-elle.

Plusieurs études montrent que les gouvernements de la région ont en effet misé sur l'emprisonnement massif des criminels comme méthode populiste pour répondre aux angoisses des habitants, dans ces pays extrêmement dangereux.

Guatemala, Honduras et Salvador constituent en effet le "Triangle du nord", tristement célèbre pour ses records de criminalité. Les "maras" - comme on appelle ici les gangs - font régner la terreur dans la région sans guerre affichant le taux d'homicide le plus élevé du monde.

Mais les experts mettent en garde contre cette stratégie, qui selon eux empêche toute réhabilitation et favorise même une véritable école du crime, à l'intérieur comme à l'extérieur des prisons.

"La perception des citoyens de l'emprisonnement comme solution aux problèmes de sécurité a bloqué toute avancée des réformes pour réduire la population carcérale, adopter des mesures alternatives et promouvoir la réinsertion sociale", critiquait récemment le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) dans un rapport régional.

Ces dernières années, les gouvernements d'Amérique centrale ont préféré mettre l'accent sur la rénovation des prisons ou la construction de nouveaux établissements. Dans la plupart des cas, leur budget n'inclut pas de programmes de réhabilitation pour les ex-détenus.

- "Conditions inhumaines" -

Pour le Pnud, les prisons sont devenues des espaces où prospèrent la violence, les abus des droits de l'Homme, les réseaux criminels et la récidive.

Inquiètes, les autorités du Salvador ont décrété fin mars des mesures strictes pour empêcher les 16.197 membres de gangs incarcérés (46,3% du total des détenus) de communiquer avec l'extérieur et de poursuivre ainsi leurs activités criminelles.

La région semble peu à peu prendre conscience du problème, et de la nécessité de changer de cap.

"Dans les conditions actuelles d'entassement et de surpopulation, les conditions inhumaines d'habitabilité et la violation des droits de l'Homme fondamentaux à laquelle fait face la grande majorité des la population privée de liberté, la prison fait le contraire de son mandat, qui est de re-socialiser", tranchait récemment une étude de l'Université centroaméricaine sur le système pénitentiaire salvadorien.

Avec 34.938 détenus dans 19 prisons, le Salvador détient le record en termes de surpopulation, avec un taux de de 245,6%, suivi du Guatemala avec 203,9%. Le pays affichant le taux le plus faible en Amérique centrale est le Panama (22,3%).

"Il est urgent de développer une nouvelle politique de l'Etat pour lutter contre le crime, qui implique les trois pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire), qui nous oblige à prendre des décisions empêchant que la prison soit l'unique mesure applicable, avec une série d'alternatives", explique à l'AFP la ministre de la Justice du Costa Rica, Cecilia Sanchez.

Selon elle, "la piètre structure pénitentiaire" et le "manque" de personnel qualifié sont les principaux obstacles à une vraie stratégie de réinsertion pour les détenus après la prison.

Au Guatemala, la coordinatrice de l'ONG Colectivo Artesanas, Andrea Barrios, plaide pour la mise en place de "mesures alternatives" en cas de délits mineurs, comme "l'assignation à résidence" ou des travaux d'intérêt général.

L'Express

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