mercredi 14 décembre 2016

Punaises de lit, rats et "discipline brutale" : le rapport qui accable la prison de Fresnes

La contrôleuse générale des lieux de privation de liberté publie, mercredi, des recommandations en urgence sur la situation dans cette gigantesque maison d'arrêt.

Trois détenus posent dans leur cellule de la maison d\'arrêt des hommes de Fresnes (Val-de-Marne), le 4 octobre 2016.

Alerte rouge à Fresnes. La contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, Adeline Hazan, doit publier, mercredi 14 décembre, des recommandations alarmantes sur la maison d'arrêt des hommes du centre pénitentiaire du Val-de-Marne.


Dans ce texte, consulté mardi par franceinfo, la "contrôleuse des prisons" dénonce le "traitement inhumain ou dégradant" infligé aux personnes détenues dans cette structure vieillissante, en service depuis la fin du XIXe siècle.

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Au terme d'une visite approfondie menée par douze contrôleurs du 3 au 14 octobre, Adeline Hazan appelle le ministre de la Justice, Jean-Jacques Urvoas, à prendre une série de "mesures urgentes" sur différents points.

Des "risques avérés pour la santé des personnes"

Ce qui est dénoncé. "C'est l'état d'hygiène déplorable de l'établissement qui constitue l'anomalie la plus grave, tant pour les personnes détenues que pour le personnel", s'indigne Adeline Hazan. La maison d'arrêt est notamment "infestée par les punaises de lit", qui ont fait l'objet de 281 signalements entre mars et octobre.

\"De nombreuses personnes détenues présentent de multiples traces de piqûres\" de punaises de lit, selon la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté.

Des rats s'invitent aussi en détention. "Un rat s'est introduit dans le lit d'un surveillant de permanence, qui a dû subir un traitement préventif de la leptospirose", note la contrôleuse générale, écœurée par "l'odeur persistante de leur pelage, de leurs excréments et de leurs cadavres".

Cette situation avait déjà été dénoncée par l'Observatoire international des prisons (OIP), qui avait obtenu, début octobre, une condamnation de l'Etat par la justice administrative.

\"Les rats évoluent en masse au pied des bâtiments, dans les cours de promenade et aux abords des bâtiments tout au long de la journée\", selon le CGLPL.

Les visiteurs n'échappent pas à ce décor, notamment lorsqu'ils se rendent aux parloirs, mangés par le salpêtre et la crasse. "Des lieux indignes", selon Adeline Hazan, qui décrit des minuscules "boxes de 1,3 ou 1,5 m2" où doivent s'entasser les détenus et leurs visiteurs, parfois au nombre de trois, ou accompagnés d'enfants.

Contacté par franceinfo, le responsable Ile-de-France de l'OIP, François Bès, confirme avoir recueilli des témoignages de familles ayant vu "des rats dans le tunnel menant aux parloirs" et craignant que "les mômes attrapent des maladies en touchant les crottes de rats sur le sol".

\"La rénovation du centre pénitentiaire de Fresnes constitue une urgence\" pour le CGLPL, qui pointe notamment l\'état des parloirs.

Ce que répond le ministre de la Justice. Dans un courrier daté de mardi, Jean-Jacques Urvoas annonce qu'une "prestation exceptionnelle" de dératisation a été lancée en novembre, accompagnée de travaux structurels localisés, notamment près des égouts.

Concernant le problème des punaises, "un marché régional est en cours", en vue d'une désinsectisation dès 2017. Enfin, le garde des Sceaux fait état d'un "programme de rénovation des parloirs", qui s'étalera entre 2017 et 2019.

Un "niveau inacceptable" de surpopulation

Ce qui est dénoncé. Le centre pénitentiaire de Fresnes a connu une hausse de 50% de sa population hébergée depuis dix ans. Marquée par un taux d'occupation moyen de 188%, la maison d'arrêt entasse plus de la moitié de ses détenus à trois dans des cellules "individuelles" de 10 m2.

Critiquant la "charge totalement disproportionnée" subie par l'établissement, Adeline Hazan réclame une réduction "conséquente" du nombre de détenus à Fresnes et la "suppression immédiate des encellulements à trois".

Pour faire face à cette surpopulation, le personnel doit composer avec des agents moins nombreux que l'effectif théorique prévu. Bien que soumis à un "travail effréné", les surveillants se retrouvent dans "l'impossibilité matérielle" de respecter leur programme, par exemple pour conduire les personnes détenues aux divers lieux de soins ou d'activités. "Le respect des droits fondamentaux (...) est donc structurellement impossible", écrit la contrôleuse générale.

Cette situation est éprouvante pour le personnel. "Avec un surveillant pour 130 détenus sur un étage [hors unité de déradicalisation], on n'a pas le temps d'aller boire un verre d'eau ou d'aller aux toilettes, racontait un surveillant à franceinfo en septembre.

Sans parler du fait qu'on peut être rappelés sur notre temps de repos en raison du manque d'effectifs. On est stressés, fatigués, le dérapage n'est jamais loin."

Ce que répond le ministre de la Justice. Jean-Jacques Urvoas ne répond pas aux demandes d'Adeline Hazan sur une réduction du nombre de détenus et la fin des encellulements à trois. Il se contente d'évoquer le plan de construction de prisons annoncé par le gouvernement en septembre, qui a pour "objectif d'atteindre l'encellulement individuel". Le ministre n'est guère plus bavard sur les difficultés en matière d'effectifs.

Un "usage banalisé de la force et des violences"

Ce qui est dénoncé. En raison d'effectifs limités, le personnel est, selon le rapport, "en situation de tension et de faiblesse incompatible avec un usage serein et proportionné de la force".

Adeline Hazan s'inquiète d'un "usage banalisé et immédiat de la force" par des surveillants de cet établissement, où règne une discipline "illisible et brutale". La contrôleuse générale y voit une conséquence du manque d'expérience des agents, qui sont, pour environ 70% d'entre eux, des stagiaires, selon la direction.

Des détenus patientent dans une salle d\'attente de la maison d\'arrêt des hommes de Fresnes, le 4 octobre 2016.

La violence est également le fait des détenus. Les douches, les salles d'attente et les cours de promenade constituent des "zones de risques clairement identifiées", où la surveillance est "illusoire" voire inexistante.

Pour mettre fin à ce "climat de violence constant", la contrôleuse générale appelle la direction et le ministère à une "reprise en main du fonctionnement de l'établissement".

Ce que répond le ministère de la Justice. Sans avancer de mesures concrètes, Jean-Jacques Urvoas met simplement en exergue "une stagnation, depuis 2012, des violences sur les personnels" et "une baisse" des violences entre personnes détenues. Il indique également avoir "donné des instructions pour que des mesures spécifiques de vigilance soient prises" dans les salles d'attente menant aux activités, aux soins ou aux audiences.

Franceinfo

1 commentaire:

  1. Il faut quand même signaler que la salubrité régnante dans nos prisons est tout de même à la charge des détenus. Ce ne sont pas le personnel pénitentiaire qui jette la nourriture, qui crache par terre, qui dégrade le matériel ou incendie des cellules. La seule et unique responsabilité de certains ces de laisser faire et de fumer partout dans beaucoup trop de prison.

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